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  - HEIDI.HIDORA.COM - A La Une - 26/Jul 04:00

Face à Poutine, les Nordiques serrent les rangs

Entrée de la Finlande et de la Suède dans l’OTAN, réintroduction ou augmentation de la conscription, réarmement massif… Face aux menaces russes, les pays nordiques renforcent leur coopération dans la défense et sont en pointe dans le soutien à l’Ukraine. Sans que cela ne soulève la moindre opposition. Tour d'horizon complet d'un surprenant consensus.Depuis 1968, la semaine de l’Almedalen réunit chaque année tous les partis politiques suédois, sans exception, à Visby sur l'île de Gotland pour dialoguer et construire des consensus. Ambiance informelle, au point que la manifestation a été qualifiée de «Woodstock politique». A chaque coin de rue de la petite cité médiévale, des stands et des conférences ouverts à tous permettent de discuter de tout.Enfin, de tout… Cette année, les sujets liés à la défense, à l’Ukraine et à la menace russe ont pris toute la place, remplaçant les traditionnelles palabres sur la compétitivité économique ou le futur de la démocratie sociale.Le consensus de GotlandAu menu par exemple: quel rôle pour la Suède dans l’OTAN? Le leadership des maires ukrainiens peut-il inspirer les communes nordiques? Ou bien encore: l’Arctique, l’espace et la Baltique, domaines stratégiques pour la Suède. Sur un stand consacré à l’Ukraine, le parlementaire libéral Fredrik Malm résumait l’état d’esprit: Une partie des missiles, y compris atomiques, dont Poutine brandit régulièrement la menace ne sont qu’à 300 kilomètres d’ici dans l'enclave russe de Kaliningrad (située entre la Pologne et la Lituanie, ndlr.). Mais loin d’en faire un épouvantail, Fredrik Malm soulignait au contraire le large consensus politique autour de cette question: Contrairement au reste de l’Europe divisée sur la question du soutien à l’Ukraine, tous les partis, y compris d’extrême droite ou d’extrême gauche, y sont favorables ici. Au travers d’autres conférences et d’interviews, je me suis rapidement rendu compte que ce consensus est aussi la règle sur les questions de défense. Et que cette unanimité se retrouve – avec quelques nuances – dans les autres pays nordiques.Michael Sahlin a cofondé l’entreprise de conseils géopolitiques Consili, après avoir notamment été secrétaire d’Etat à la défense dans les années 1990, puis ambassadeur. Cette figure de l’establishment de la sécurité en Suède me confirme mon impression: En tant qu’expert de politique de sécurité, je suis surpris de la façon dont l'ensemble du spectre politique se présente aujourd’hui. En Suède, l'adhésion à l'OTAN n'est plus remise en question par aucun parti politique, pas même les Verts et les anciens communistes. Pour Michael Sahlin, ce consensus est d’autant plus surprenant qu’on le retrouve aussi sur les augmentations sans précédent des dépenses militaires de même que dans les montants et le degré de soutien accordés à l'Ukraine.«L'idée générale est que le soutien à l'Ukraine est un moyen de se défendre, explique-t-il. Nous défendons notre pays à la frontière entre l'Ukraine et la Russie sans qu'il y ait de divergences d'opinion au sein de notre Parlement. C'est remarquable.»D’autant plus remarquable que des partis nationalistes – qui ailleurs en Europe, tendent à être pro-russes – participent aux coalitions des gouvernements suédois et norvégiens. Le catalyseur ukrainien A Gotland, on est donc loin des ambiguïtés sur l’Ukraine et la Russie de la Lega italienne, de l’AfD en Allemagne ou du Rassemblement national en France. Quand Trump a décidé de déshabiller la Suisse de sa commande de batteries de missiles Patriot pour en doter l’Ukraine à condition que les pays européens paient, Stockholm, Copenhague, Oslo et Helsinki ont sorti, comme Berlin et Londres, leurs carnets de chèques. Contrairement à Paris, Rome ou Madrid.Depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022, les pays nordiques ne mégotent pas sur leur soutien à Kiev. Au total, les aides cumulées de la Finlande, la Suède, la Norvège et le Danemark, calculées par l’Institut pour l’économie mondiale de Kiel en Allemagne (IfW), atteignent 25 milliards d’euros pour une population cumulée de 27 millions de personnes.C’est un quart des aides consenties par les Etats-Unis (114 milliards) mais dix milliards de mieux que l’Allemagne (15,9 milliards) et trois fois plus que la France (7,35 milliards). Rapportée aux PIB, l’aide de ces pays à l’Ukraine est encore plus significative, puisqu’elle atteint 2,6% au Danemark et plus de 1% dans les autres pays nordiques. Celle des Etats-Unis ne représente «que» 0,5% du PIB, celle de la France 0,2% et celle de la Suisse 0,1%. Le signe d’une panique? Ce support aussi massif que consensuel à l’Ukraine est d’autant plus courageux que de l’enclave de Kaliningrad à la presqu’île de Kola, face à l’océan Arctique, les pays nordiques sont aux premières loges de la menace russe. La Norvège partage 196 kilomètres de frontières avec la Russie et la Finlande 1340 kilomètres.Les sabotages de câbles au fond de la mer Baltique ou les violations de l’espace aérien balte et nordique par des avions militaires russes rappellent régulièrement la proximité de la menace. De même que les images satellites qui montrent le renforcement des bases nucléaires russes dans la région depuis que Moscou a assoupli sa doctrine sur l’emploi de l’arme nucléaire fin 2024.A cette aune, on pourrait interpréter l’adhésion de la Suède à l’Otan en mars 2024, après deux siècles de neutralité, et celle de la Finlande en avril 2023, comme une forme de panique. Idem en ce qui concerne la frénésie d’achats d’armements qui a saisi les pays du nord de l’Europe. Le révélateur des budgets de défense Sauf que le caractère consensuel de ces décisions dans les différents pays nordiques pointe vers une autre explication. Au Danemark, le gouvernement de Mette Frederiksen s’appuie par exemple sur un référendum de juin 2022 qui a fait adhérer le pays à la politique de défense de l’Union européenne à 67%. Il lui a donné le crédit politique pour encore augmenter les dépenses de défense en 2025 et 2026 avec un investissement supplémentaire de 7 milliards de francs qui place déjà le pays au-dessus des 3% de son PIB consacrés à la défense.En juin dernier, les partis suédois ont voté, à l’unanimité, une augmentation de 25 milliards de francs des dépenses pour la défense. Elles passeront de 2,4% du PIB actuellement à 3,5% dès 2030. Si on ajoute les dépenses pour la défense civile (1,5% de PIB), Stockholm pourrait atteindre l’objectif de 5% exigé par Trump pour les pays de l’OTAN, et ce cinq ans avant l’échéance. Trois ans, dans le cas de la Finlande.«Nous avons une commission de défense composée de parlementaires des différents partis et d'experts afin d'obtenir un consensus préparé avant que le gouvernement ne présente un projet de loi sur les dépenses pour la défense», explique Michael Sahlin. Jonas Jonsson, officier de réserve dans la marine suédoise et CEO de 4C Strategies, une entreprise qui développe des logiciels de préparation à la formation pour les exercices militaires, tempère: «Il y a une différence entre les pourcentages annoncés au téléjournal et le moment où la facture sera présentée aux contribuables.»C’est vrai, mais pour l’heure les gouvernements des pays nordiques semblent avoir les coudées d’autant plus franches que les finances publiques offrent une certaine marge. L’endettement (ratio dettes publiques/PIB) est de 36% en Suède, 44% en Norvège, 77% en Finlande, 30% au Danemark et même de 19% en Estonie.Jonas Jonsson pointe aussi les investissements: Les grandes banques comme DNB en Norvège ou Swedbank en Suède lance actuellement des fonds d’investissements dans la défense. Au moment de la seconde invasion de l’Ukraine, nous avons vu un changement complet des mentalités. Plus personne ne se demande si investir dans les industries de défense est contraire aux critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Le lent chemin des alliances Si le revirement dans le secteur privé a été brutal, tel n’est pas le cas au niveau des Etats. Quand on les replace dans le temps long, les augmentations des dépenses de défense de même que l’adhésion à l’OTAN de la Finlande et de la Suède ou bien encore l’élargissement de 50% de la conscription en Norvège et de l’appel aux filles sous les drapeaux au Danemark s’inscrivent dans des politiques entamées bien avant l’invasion de l’Ukraine en 2022. Même si cette dernière les a évidemment accélérées et amplifiées.«Avec la fin de la guerre froide, la Suède s'était détendue sur la sécurité et n’a plus chercher à maintenir un équilibre raisonnable entre une amélioration de la qualité de sa défense et sa diminution en termes de quantité, que ce soit en effectifs ou en budget. Puis le Partenariat pour la paix est arrivé, ce qui a rendu notre politique de neutralité moins significative, car l'Est et l'Ouest interagissaient directement», explique Michael Sahlin.Lui-même, comme d’autres politiciens, s’est demandé dès cette époque s’il était bien raisonnable de baisser à ce point la garde. C’est ce qui va conduire Michael Sahlin dans les années 2000, alors qu’il est ambassadeur en Norvège et que Carl Bildt est ministre des Affaires étrangères, à rejoindre les négociations qui vont aboutir à la création en 2009 de la Coopération nordique de défense (Nordefco). Cela a commencé par une initiative suédo-norvégienne sur l'industrie de la défense à une époque où la défense devenait si coûteuse qu'il fallait trouver les moyens de garantir une qualité pertinente. A la même époque, la Suède a adopté le concept de solidarité nordique comme point central de notre doctrine. Cela supposait qu’en cas d’attaque, nous ne resterions pas inactifs si cela affectait un pays voisin. C'était notre premier pas prudent vers l'OTAN.» Au départ, Nordefco n’est en effet pas une alliance militaire ou une structure de commandement unique mais plutôt un instrument pour mutualiser l’achat de matériels et favoriser leur interopérabilité. L’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 va changer la donne et donner l’impulsion pour que la coopération nordique s’étende à des domaines comme le partage des espaces aériens à défendre, la certification commune des munitions et la coordination des industries de défense.Récemment, c’est dans le cadre de Nordefco qu’un accord a été trouvé pour la fourniture groupée de munitions auprès de l’entreprise norvégienne Nammo, l’intégration de l'entraînement des pilotes suédois, danois et finnois dans l’espace aérien de la Baltique ou encore la commande groupée par la Suède, la Norvège, la Lituanie et la Finlande de plusieurs centaines de chars CV90 fabriqués par une filiale suédoise du britannique BAE Systems. La solidarité nordique, nouveau pilier de l’OTAN De son côté, le Royaume-Uni a lancé en novembre 2015 une Force expéditionnaire conjointe (Joint Expeditionary Force) qui englobe le Danemark et la Norvège ainsi que la Lituanie, l’Estonie, la Lettonie et les Pays-Bas. En 2017, la Suède et la Finlande (ainsi que l’Islande en 2021) rejoignent cette coalition qui est aujourd’hui un pilier de l’OTAN en Europe du Nord, en particulier pour assurer la sécurité des infrastructures sous-marines dans la Baltique et la mer du Nord.Car bien sûr, l’OTAN, qui vient d’ouvrir une base à Rostock en Allemagne pour sécuriser la Baltique et en prévoit deux en Finlande, est devenu l’horizon indépassable de la sécurité des pays nordiques.Ces initiatives soulignent toutefois que l’augmentation des dépenses militaires des pays nordiques a commencé bien avant l’invasion de l’Ukraine de 2022. De 2014 à 2024 – et donc avant les hausses décidées ce printemps –, la Suède les avait augmentés de 145%, le Danemark de 159%, la Finlande de 82% et la Norvège de 65%. Toutes ont dépassé la barre des 2% de PIB l’an dernier.«Pour le moment, ce n’est encore qu’un rattrapage», tempère toutefois Jonas Jonsson.  En 2014, les dépenses militaires des pays nordiques atteignaient en effet péniblement les 1% de leur PIB contre 4% dans les années 1960. Le casse-tête des industries de défense S’il est consensuel, le réarmement des pays nordiques se complique, comme ailleurs en Europe, du rôle des industries de défense. Avec Nammo pour les munitions et Kongsberg pour les missiles en Norvège, Patria pour les véhicules en Finlande ou bien encore Terma pour les radars au Danemark, les pays nordiques comptent encore quelques fleurons industriels. C’est encore plus vrai en Suède avec Saab pour les avions, Kockums pour les sous-marins ou Bofors pour l’artillerie.Mais la compétition historique entre ces entreprises a parfois joué contre la coopération de défense. «A l’époque ou la défense suédoise était en déclin, s’est posée la question de sa survie. Priorité a été donnée à l’exportation et à l’internationalisation de la propriété de ces industries», explique Michael Sahlin. «Ce n’est plus le cas aujourd’hui avec des commandes locales qui augmentent de 60% et plus leurs chiffres d’affaires d’une année sur l’autre. Mais il y a de nombreux exemples où la compétition l'a emporté sur la coordination.» Et d’autres ou c’est l’influence américaine qui l’a emporté: la Norvège a reçu 52 chasseurs F-35, le Danemark 17 et la Finlande en a commandé 64 plutôt que des Gripen suédois. Défense totale et guerre psychologique Michael Sahlin voit une autre limite aux efforts de réarmement des pays nordiques: La population reste assez apathique vis-à-vis des menaces. C’est en particulier le cas en Suède, qui n’a pas été attaquée (comme la Finlande) ou occupée (comme le Danemark et la Norvège) pendant la Seconde Guerre mondiale, et sort de deux siècles de neutralité. La conscription n’a ainsi jamais été abandonnée en Finlande. Le pays peut mobiliser 280’000 réservistes, plus que les effectifs de l’armée française. Elle vient d’être élargie, au Danemark et en Norvège. Elle a été réintroduite en Suède en 2017. Mais là, elle ne concerne que 8000 personnes sur 110’000 jeunes mobilisables d’une classe d’âge. «Elle rencontre un grand succès en termes de recrutement, même si la Suède est encore loin des 850’000 soldats mobilisables qu’elle avait pendant la guerre froide», selon Jonas Jonsson.Le gouvernement suédois parie aussi depuis 2015 sur la résurrection du concept de défense totale abandonnée à la fin de la guerre froide (contrairement à la Finlande).  Ce concept combine défense militaire et défense civile. Il part du principe que l’armée ne suffit pas à protéger le pays, il faut que la population tienne. En novembre 2024, tous les foyers suédois ont reçu, dans leur boîte aux lettres, un livret intitulé En cas de crise ou de guerre, expliquant qu’ils doivent avoir de quoi manger, boire, se chauffer et se soigner pendant une semaine, et disposer d’une radio pour s’informer.«Ce n’est pas encore ce qui existait pendant la guerre froide, où chaque agriculteur savait où se rendre avec son tracteur pour que son moteur soit transféré sur un véhicule militaire», explique Jonas Jonsson. En janvier 2022, le ministère de la défense suédois a cependant ajouté un nouveau dispositif à cette défense totale: une agence de défense psychologique. Sa mission est d’identifier, d’analyser et d’apporter un soutien dans la lutte contre la désinformation visant la Suède.Reste à savoir si ces paris sur la résilience, comme sur le réarmement massif des pays nordiques, seront suffisants pour dissuader la Russie.

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