- LE TEMPS - Tous - 27/Jul 10:34

Les Gastlosen, là où Nicole Niquille dansait

La Fribourgeoise fut la première femme guide de montagne de Suisse. Paraplégique depuis un terrible accident en 1994, l’ancienne alpiniste aime revenir dans ce massif de sa Gruyère, dont les dentelles de calcaire furent le terrain de jeu de sa jeunesseAvec gourmandise, elle laisse tomber la petite coque en chocolat emplie de crème double dans son large renversé. Tout sourire, la mèche un brin rebelle, Nicole Niquille a le regard pétillant. Le soleil brille sur les verdoyantes Préalpes en cette matinée de juillet et la jolie terrasse aux parasols rouges est encore peu remplie. La Fribourgeoise n’a pas choisi la Buvette des Sattels par hasard. Accrochée à 1375 mètres d’altitude au-dessus du village de Jaun, elle offre la plus belle vue sur la face nord des «Gasts». Les Gastlosen, chaîne emblématique de la Gruyère, frontière naturelle avec l’Oberland bernois et paradis des grimpeurs, que l’on surnomme les Dolomites suisses tant leurs dentelles de calcaire déchirent le ciel. Face à cette scène minérale où jadis elle dansait, l’ancienne alpiniste, qui aime tant comparer l’escalade à une chorégraphie, se sent juste heureuse. D’être là face à «ce symbole de beauté». Tout simplement.«Je ne suis plus envahie d’une nostalgie triste», confie Nicole Niquille. Cela n’a pas toujours été le cas. Des deuils, celle qui restera comme la première femme guide de montagne de Suisse (la troisième en Europe), première femme au monde à dépasser les 8000 mètres sans masque à oxygène, en a connu beaucoup depuis ce maudit dimanche de mai 1994. Lors d’une banale promenade, une pierre se décroche de la falaise, percute de plein fouet la Fribourgeoise, lui occasionnant un grave traumatisme crânien et lui ôtant l’usage de ses jambes. «La chaise roulante, on ne s’y habitue jamais, on fait avec», soupire-t-elle. «Faire avec»… La formule est peut-être un peu courte au vu de son incroyable histoire.Voir plus