- LE TEMPS - Tous - 09/Aug 15:51

«Ça s’appelle de la musique électronique, maman»

ÉDITORIAL. Aussi absurdes puissent-ils paraître, certains mélanges sonores permetttent de faire émerger une autre idée de la culture contemporaine, comme l'évoque ce dialogue fictif entre un fils et sa mèreLa mère: «C’est quoi ces sons que tu passes en boucle sur ton téléphone? Ma tête va exploser. Je n’arrive pas à conduire, et il reste au moins six heures de route à faire. On pourrait avoir quelque chose de plus calme pour partir en vacances?»L’ado: «Ça s’appelle de la musique électronique, maman.»La mère: «Fais le malin. J’ai dansé sur du Laurent Garnier et du Jeff Mills bien avant que ton enceinte portable soit inventée. J’ai grandi avec les légendes de la techno. Mais ce que tu me fais subir, ce n’est pas de la musique. Il y a cinq minutes, on entendait un mélange de Barbara et d’Eminem sur fond de funk avec des cordes à la Aznavour. Passe encore. Mais on a ensuite eu droit aux chants des supporters du PSG collés à du rap français, puis à des bruits d’animaux sur La Tendresse de Bourvil, une si belle chanson, à la base. Et maintenant, on se retrouve avec le générique d’Astérix et Obélix mixé à de grosses basses. Ça part dans tous les sens. Je n’aurais jamais imaginé que des mélanges aussi absurdes puissent même exister.» «C’est génial parce que c’est absurde» L’ado: «C’est génial parce que c’est absurde, justement. C’est tout le concept des dream tracks de Mosimann, mon DJ préféré. C’est un magicien! En plus, il est Suisse. Chaque semaine, sur les réseaux sociaux, il propose à une personnalité de mixer le «morceau de ses rêves». Chaque invité ou invitée liste les références sonores qu’il ou elle aimerait mélanger. Toi, par exemple, tu pourrais choisir du Laurent Garnier, mais aussi une vieille chanson italienne qui rappelle les vacances, le son du moteur de ta voiture et la voix de ton fils adoré, bien sûr. C’est un peu comme si tu arrivais chez un chef étoilé avec ton propre panier de courses. Tu as le droit d’amener n’importe quoi, une côte de bœuf, du wasabi et des M&M’s si ça te fait plaisir. C’est à lui de faire en sorte que ce soit bon, à la fin.» Lire aussi: Les consoles de mixage les plus prisées des DJ sont créées en Suisse La mère: «Je vois bien l’aspect divertissant. Mais qu’est-ce que ces micro-challenges apportent à la musique? Dans 150 ans, dira-t-on que les dream tracks ont changé la face sonore des années 2020?»L’ado: «La question, ce n’est pas ce que les dream tracks apportent à la musique, mais ce que cette musique peut pour nous. Mosimann, il ne se contente pas d’amuser la galerie. Il lève les voiles entre les mondes. Dans ses mélanges sonores, aucune référence culturelle ne vaut mieux qu’une autre. Il ne juge pas, ne classe pas. Et si tu réfléchis, tu trouves ça où, aujourd’hui? Un tel enthousiasme, une telle fraîcheur, une telle ouverture aux goûts de l’autre, à son histoire, à son identité. C’est ça que les gens adorent chez Mosi. Avec chaque dream track, ils ont l’impression qu’une autre réalité est possible et qu’ils peuvent en être. Appelle ça du divertissement. J’appelle ça le pouvoir du geste artistique.»La mère: «Bon! Alors écris-lui pendant les vacances. Moi aussi, j’aimerais bien la track de mes rêves.» Lire aussi: Mosimann, le DJ de vos rêves