Cible, comme tant d’artistes, du gouvernement iranien, Jafar Panahi est à nouveau libre de ses mouvements. Rencontre cet été à Locarno avec le...
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Autour du lac d’Annecy, notre journaliste a tenté de suivre Sarah, Luca, Eva et Fayçal sur la Terrex Maxi Race 2025. Chacun de ces membres de la Parateam Salomon a perdu une jambe dans des circonstances différentes et souvent dramatiques. Tous ont trouvé dans le trail le moyen de se reconstruire et de faire mentir le destin.Il est 1h45 du matin lorsque je quitte la maison, munie d’une frontale et d’un gilet rempli de deux gourdes d’eau, d’une pâte de fruits et d’une compote. À quelques mètres du portail, je croise des coureurs hirsutes sortant de trois vans garés sur ce qui, hier encore, était une petite allée de verdure. Ils sont en tenue de combat, les bâtons en plus. Peut-être ambitionnent-ils d’aller au bout des 100 km de cette Terrex Maxi Race 2025, qui consiste à faire le tour du lac d’Annecy par les montagnes.Heidi.news a republié cet été une version augmentée de sa revue sur le trail, qui était épuisée. Elle regroupe douze épisodes de Charlie Buffet et cinq de Sophie Guignard. Elle se commande en ligne, ici.Au départ de la course, des shorts qui trottinent partout, des maris, des femmes, des parents, des enfants de tout âge visiblement ravis de ce moment volé au sommeil. Un speaker fait des phrases dans le haut-parleur; quelqu’un l’écoute-t-il? Il sera compliqué de trouver «mes» athlètes dans cette agitation, cette appréhension à pleins tubes. C’est parti À 2h15, les «élites» prennent le départ, traversant des nuées de fumigènes. Dans dix minutes, ce sera au tour de Sarah et Luca. Je m’avance pour tenter de discerner leur visage et de leur emboîter le pas. Départ du SAS2. Je fixe mon regard sur les mollets des coureurs, à l'affût d’un morceau de carbone chaussé d’une basket. Une valse de tibias défile sous mes yeux: des pâles, des bronzés, des poilus, des épilés, des agrémentés de bandes adhésives dont je n’ai jamais compris le principe. Cela va trop vite, il y a trop de monde, trop d’obscurité, je commence à perdre espoir. Mon regard accroche soudain une démarche déséquilibrée. Luca m’appelle. Bingo, c’est parti. Avec Luca, son frère handicapé, Mathieu Blanchard a affronté en 2022 le désert de Jordanie. © Alexis Berg Sarah est à quelques mètres derrière nous. Nous fendons la nuit, entourés de mille petites lumières. Un cycliste équipé d’une sono et de fanions colorés pédale à petite distance, Highway to hell à fond dans ses amplis. Luca dit qu’il va à peu près bien, mais qu’il est sous antibiotiques et ne doit pas pousser son cœur, sachant qu’il doit avaler vingt kilomètres et mille mètres de dénivelé positif avant de pouvoir passer le relais. Je me demande comment il va faire. Pour le moment, il court bien et c’est moi qui doute d’arriver à le suivre. Sur le bord de la route, une dame crie «Allez mon fils! Allez mon fils!» avec ardeur. 15 ans, pas un âge pour perdre une jambe De cette dame, Luca est le troisième fils, le «petit dernier», aujourd’hui âgé de 23 ans. Celui qui, alors qu’il avait quinze ans, s’est fait faucher par une voiture en sortant de chez lui à moto. Lorsqu’il s’est réveillé de son coma artificiel, il n’avait plus de jambe gauche. Ses parents ne voulaient pas le lui annoncer tout de suite, les soignants ont plaidé le contraire. Ont suivi deux semaines aux soins intensifs, puis deux mois dans une clinique où il a dû apprendre à son corps à faire sans l’un de ses piliers. Pour un garçon qui faisait du BMX, jouait au rugby et au foot, cela ne coulait pas de source. Pour un ado de quinze ans, non plus. Ce n’est pas un âge pour perdre une jambe.Un des frères de Luca vit et travaille à Montréal. Lorsqu’il apprend l’accident, il prend le premier vol pour être à son chevet. Trouvant son frère dévasté, et s’étant lui-même mis à courir, il lui promet de réaliser une grande course et de l’embarquer pour une aventure commune. Sur ce, il retourne à sa vie québécoise. Le chemin de la reconstruction À la sortie de la clinique, la vie reprend peu à peu. Puis arrive la grande course promise par le frérot. C’est l’UTMB, pour laquelle Luca est sommé par son aîné de se préparer aussi, afin de l’accompagner en courant sur les derniers kilomètres. Au bout de quatre-vingts bornes, le grand frère craque et envisage de lâcher l’affaire. Sa mère lui rappelle que son cadet l’attend près de l’arrivée, extatique. La flamme se rallume et quatre-vingt-dix kilomètres plus tard, les deux frères passent la ligne d’arrivée main dans la main, fiers comme des phénix.Le chemin de la reconstruction commence à se dégager. Luca a envie de découvrir où cela peut le mener. De tous les sports qu’il pratiquait avant son accident, c’est le snowboard qui lui offre désormais les plus belles sensations. Alors il s’y engouffre corps et âme. L'entraîneur de l’équipe de France de para-snowboard est intéressé d’en savoir plus, «pas parce que j’étais bon, mais parce que j’étais jeune», m’a expliqué l’intéressé. Courir cinq jours après avoir reçu sa jambe De son côté, le grand frère ne lâche pas l’affaire. Comme il s’appelle Mathieu Blanchard et qu’il est dorénavant athlète chez Salomon, il entend que la marque travaille sur un projet de prothèse. Ça tombe bien, leur annonce-t-il, j’ai ce qu’il vous faut. Il leur met son cadet dans les pattes. Malgré des abords taciturnes, Luca plaît à la marque, dont il devient ambassadeur. À ce titre, il bénéficie d’un accompagnement et de dotations en produits contre un petit contrat d’image.Nous voilà en novembre 2022. Mathieu et Luca s’envolent vers le Half Marathon des Sables, dans le désert jordanien de Wadi Rum. 72 km à parcourir en trois jours dans le sable, la chaleur et le doute, monté sur la fameuse lame en carbone qu’il a reçue cinq jours auparavant des mains de Patrick Leick, la tête de proue du «side project» de Salomon devenu grande aventure. Luca souffre, mais tient bon. Cela commence à devenir crédible, cette histoire de sport de haut niveau. Sarah nous dépasse Alors que nous entamons la montée du Semnoz, l’obscurité régresse. Pas suffisamment pour empêcher un supporter de lancer des «Allez Sofia!» à chaque coureur, dans l’espoir de finir par tomber sur la Sofia en question. Luca doit à nouveau s’arrêter pour sécher, puis re-fixer le manchon qui permet à la prothèse de tenir sur le haut de la cuisse. Il avise un rocher pour s'asseoir sans déranger les autres coureurs qui, motivés comme des saumons remontant la rivière, ne manquent aucune occasion de gagner quelques secondes. Quand ils réalisent que Luca est amputé, certains prennent le temps de le féliciter.Sarah nous dépasse vers le onzième kilomètre. Elle avance bien, parfois portée par des encouragements. Il y a peu de femmes sur cette course, et Sarah est probablement la seule handicapée. Je la suis un moment en attendant que Luca nous rattrape. Elle me demande comment je vais, c’est le monde à l’envers. Toujours pas de Luca. L’an dernier, il a terminé cette course en 2h40 – quelque chose ne va donc pas. Je m’écarte du sentier pour l’attendre et le vois arriver à grand-peine. «Je ne me sens pas dans mon corps», souffle-t-il. Il a des crampes et la tête qui tourne. Il s’agace, tout en remerciant calmement ceux qui l’encouragent. Un peu plus loin, je lui demande comment il vit les bravos des coureurs valides. «Ça va, c’est cool, dit-il. Ce qui m’énerve, c’est quand on me dit que c’est bientôt fini alors qu’il reste la moitié à parcourir». «J’ai pas eu besoin de me reconstruire» Je repense à la première fois où je lui ai parlé, par téléphone, quelques semaines plus tôt. Luca donnait le sentiment de penser que son accident n’avait pas été si dramatique que ça. «Mes parents l’ont plus mal vécu que moi, confessait-il. Et puis à choisir, je préfère avoir perdu ma jambe à quinze ans que plus tard. J’étais ado, je kiffais ma vie. En même temps, elle n’avait pas vraiment commencé, alors je n’ai pas eu besoin de me reconstruire», expliquait-il avec la sagesse d’un stoïque, avant d’ajouter que sa vie était probablement plus intéressante qu’elle ne l’aurait été sans son accident. Aux Jeux Olympiques de Cortina, l’année prochaine, il sera remplaçant. Dans quatre ans, il devrait normalement revêtir le dossard des meilleurs. L’adolescent plein d’insouciance qu’il était aurait-il pu imaginer cela?Alors que l’aube se lève sur le massif du Semnoz et que des dizaines de chants d’oiseaux s’élèvent de la forêt, je le regarde pousser sur ses bâtons, résolu à aller au bout de son calvaire. J’accélère pour rattraper Sarah, mais un bénévole m’informe l’avoir vue passer il y a un bon quart d’heure. Alors j’attends Luca, qui me maudit peut-être de le coller depuis trois heures alors qu’il en a ras la casquette. Je lui demande s’il veut jeter l’éponge – c’est hors de question. Une heure plus tard, le point de relais est enfin en vue. Des voix s’affolent, dont celle de Sarah, arrivée depuis une trentaine de minutes. «Allez Luca, crie-t-elle, plus que quatre minutes pour le relais, allez!» Luca reprend du poil de la bête, se remet à courir et transfère le tracker à la jeune fille qui continuera sur une vingtaine de kilomètres avant de passer, à son tour, le relais à Irène, la compagne de Patrick Leick. Puis ce sera Eva, vers 18 heures. «Ma mère voulait me donner sa jambe» Eva a trente-trois ans. Elle est radieuse. Elle a perdu sa jambe droite il y a dix ans, alors qu’elle terminait ses études de gestion en produits de mode et arrondissait ses fins de mois en posant pour une marque de vêtements. Un jour de shooting au bord d’une voie ferrée, son pied s’est coincé dans les rails. Un train est passé. De quoi broyer sa jambe, mais pas son moral. Amputation du tibia droit, six mois compliqués à l’hôpital, une période de deuil avec les cinq étapes: déni, colère, négociation, tristesse, acceptation. Louis, son petit copain, est resté à ses côtés sans vaciller, malgré les injonctions d’Eva à poursuivre sa vie sans elle. «Pour ma mère, ça a été une autre histoire, m’a-t-elle confié il y a quelques semaines. Elle n’acceptait pas l’amputation, elle demandait aux médecins de prendre sa jambe et de me la greffer, elle était en boucle avec ça.»La jeune femme a rapidement cherché à contredire l’image projetée par son handicap. Elle s’est équipée d’une prothèse et a tenté de courir, un an seulement après l’opération. «Ça a été une déception horrible. J’ai trottiné quelques minutes, ça faisait mal. J’ai tout balancé en disant que c’était de la m…». Elle a mis du temps à comprendre que son moignon et le reste de son corps n’étaient pas prêts. Prothèses et paillettes En 2018, Eva célèbre un anniversaire particulier. «Louis m’avait désormais connue autant de temps avec ma jambe que sans». C’était symbolique. Comme un basculement dans son histoire d’amour et de reconstruction. Deux ans plus tard, elle et Louis deviennent parents. Lorsque la petite Judith entre en crèche, elle se demande quoi faire pour elle-même. «Le fait d’avoir donné la vie m’a rendue plus indulgente avec mon corps», dit-elle. L’heure de retenter l’expérience de la course. «Je courais une minute, me reposais une minute. Ce n’était pas grand-chose, mais je me sentais tellement bien!» Puis poussée par un ami, elle court quarante-cinq minutes sans s’arrêter. «Une révélation!»Depuis, elle court de plus en plus, ayant redécouvert le plaisir d’un corps performant et le goût de l’effort, voire de la douleur qu’elle sait désormais pouvoir transcender. Et la mode? «J’aime toujours m’habiller, je choisis mes vêtements avec soin, mes prothèses aussi. Elles sont souvent en cuir, ou avec des paillettes. J’adore. Mais poser pour l’objectif m’a coûté trop cher pour que j’y retourne.» Aujourd’hui, Eva est ostéopathe. Le serait-elle devenue sans son accident? Probablement pas. Elle dit que cette épreuve l’a révélée, que sans cela, elle serait passée à côté de beaucoup de choses. Jusque dans l’éducation de sa fille. «Si elle pleure et que je sens qu’elle est mieux dans notre lit, je la mets dans notre lit. Point, dit-elle en rigolant des «bons» conseils de ceux qui prétendent savoir. Je crois qu’on n’écoute plus nos intuitions. Pour nous, ce n’est que du kif. On a tellement appris à relativiser. Quand on a vécu une épreuve comme celle-ci, on est beaucoup plus indépendants, plus détachés de ce que pensent ou disent les autres.» La lumière que dégage Eva Et le trail? Évidemment, c’est Patrick Leick, de Salomon, qui est allé la chercher. Eva a fait sa première course avec la Parateam sur l’Écotrail de Paris au printemps. «Le relais ne faisait que dix-neuf kilomètres, mais sous la pluie, c’était un peu dur. Quand j’ai passé la ligne d’arrivée, Patrick avait les larmes aux yeux.»Retour à Annecy. Il est près de 20 heures lorsqu’Eva, montée de sa lame de course, amorce la descente raide du mont Baron. Elle souffre et peine à trouver ses appuis. Elle a l’habitude des reliefs – elle vit au pied du mont Ventoux – mais pas des sentiers de montagne, avec leurs pierres, leurs dévers, leurs racines et variations incessantes. D’après les experts, la consommation énergétique des athlètes amputés est 70% plus élevée que celle des athlètes valides. Après son arrivée, Eva confessera qu’elle a dû se retenir de pleurer, tant l’épreuve était ardue. Quelques semaines plus tôt par téléphone, elle disait que ce qui lui plaisait le plus dans les courses, c’était la découverte de nouveaux paysages, mais aussi l’esprit tout particulier du trail, dans lequel son handicap lui offrait un statut de «privilégiée». Je ne le lui dis pas, mais sais que la lumière qu’elle dégage y est également pour beaucoup. Enlever son tibia comme une espadrille Sur le groupe WhatsApp de la Parateam, j’apprends que Fayçal, qui termine le second relais amorcé cette nuit par Sarah, est proche de l’arrivée. J’enfourche mon vélo pour rejoindre toute l’équipe. Ce week-end, ils sont huit à courir. Quatre en relais, Sarah, Luca, Eva, et Fayçal, les autres en individuel. Lorsque c’est possible, tous sont aux départs et arrivées des autres, pour les encourager ou faire les derniers mètres avec eux.La veille, je m’étais invitée au camp de base de cette curieuse équipe, une maison louée pour l’occasion par Salomon, non loin du village de départ. Là, je les ai regardés essayer leur matériel, échanger avec les représentants de Hopper, la start-up qui produit et commercialise leurs lames de course après quelques années de co-développement entre Airbus (pour les composants), Salomon (pour les semelles) et l’École des Mines d’Albi. Des lames d’Airbus Entre deux essayages des tenues fournies par le sponsor, je les ai vus déchausser leurs tibias comme on déchausse une espadrille, en échangeant conseils, nouvelles, accolades. L’un d’entre eux, Julien, se préparait à la course de 60 km du dimanche. Je ne connais pas son histoire mais comprends que le trail y tient une place structurante.Certains des coureurs sont là depuis la genèse du projet, voire en sont la genèse, tout court. Comme Christophe, ingénieur aéronautique amputé d’une jambe et qui, sur l’idée de Jérôme, avait poussé le projet de recyclage de matériaux d’Airbus pour fabriquer des lames plus accessibles. «Quand je me suis mis à la course, ça m’a coûté un bras», lui aurait lancé Jérôme, dont l’humour semble être à la hauteur de son handicap: deux jambes et un bras en moins, accidentellement broyés par une machine agricole lorsqu’il avait neuf ans. Quelques années plus tard, Jérome et Christophe faisaient partie des amputés qui gravissaient un sommet de 3000 mètres dans la Vanoise avec les prothèses fraîchement fabriquées. Arrivés au sommet, tout le monde ou presque avait fondu en larmes: la montagne, et avec elle la vie en grand, redevenait possible. Une maladie orpheline rare J’arrive en nage aux arrivées et j’aperçois Sarah, Luca, Patrick et d’autres athlètes de l’équipe postés le long des barrières. «Fayçal est tout près, mais il s’est tordu la cheville», m’informe Patrick. Inutile de demander quelle cheville, Fayçal n’en a qu’une. En temps normal, elle fonctionne bien, il arrive même à la faire danser. Fayçal lors de la Terrex Maxi Race 2025 autour du lac d'Annecy. © Pierre Guineaud Cette idée de reportage avait d’ailleurs germé lorsqu’on m’avait parlé de ce garçon qui danse le hip-hop, un pied bien ancré au sol, l’autre remplacé par une fine lame en aluminium. Un jour, je l’avais vu: il avait d’abord branché sa musique, puis était apparu sur scène pendant que le chanteur entonnait le tube de 6lack: «Why do you waste time for, we are only gettin’ old, gettin’ old, gettin’ old...»Fayçal avait 13 ans lorsqu’il a quitté Maubeuge, dans le nord de la France, pour s’installer avec sa mère, son frère et sa sœur à Cluses, petite ville industrielle de Haute-Savoie où les perspectives d’emploi semblaient meilleures. À cette époque, il se savait déjà atteint d’une maladie orpheline rare. Il se souvient notamment d’un rendez-vous chez une dermatologue qui l’avait prévenu de la perte probable, un jour, de sa jambe. Mais le diagnostic médical n’était pas clair et sa mère ne voulait pas entendre parler d’amputation. Danser sur une jambe Les années avaient passé. À 24 ans, Fayçal terminait des études de psychologie et dansait. La maladie était devenue de plus en plus pesante. La jambe gonflait, faisait mal, les traitements devenaient insupportables. Commençant à s’impatienter, Fayçal avait demandé à être amputé afin de mettre fin à ce calvaire dont il ne voyait pas d’issue plus favorable. Les médecins se montraient réticents. «Il a fallu des années, et dix signatures, pour valider l’amputation, explique Fayçal. Les médecins avaient peur que je regrette ma décision». Les alternatives proposées lui semblent aussi compliquées qu’absurdes.En juin 2018, la jambe est finalement coupée. «Ça a presque été un soulagement», dit-il en dépit de l’interminable tunnel post-opératoire. Deux ans à l’hôpital, enchaînant les complications. «J’ai vécu cela comme de la prison. Je partageais ma chambre avec des cas vraiment chauds, souvent des personnes victimes d’obésité morbide avec lesquelles la cohabitation était terrible. Le soir, il m’arrivait de m’embrouiller avec les vigiles qui ne me laissaient pas sortir de ma chambre pour aller chercher à manger». L’argent vint aussi à manquer, la sécurité sociale ne prenant pas en charge les longs séjours. À sa sortie, Fayçal a un tibia en moins et des dettes en plus, mais ne se voit pas retourner vivre avec sa mère, qui n’a pas digéré l’amputation. «Il fallait que je prenne mes distances, elle vivait cela encore plus mal que moi». Décidément.S’ensuivent deux ans de rééducation, durant lesquels Fayçal passe un diplôme d’éducateur. «Un jour, je suis tombé sur des images de Sarah en train de danser avec une lame dans la montagne, j’ai flashé». Fayçal demande à son prothésiste de pouvoir essayer. Le fabricant parle de lui à Salomon. À l’époque, l’entreprise d’Annecy commence tout juste à s’intéresser au streetwear et cherche des ambassadeurs. Banco: Fayçal leur plait bien. Il devient le premier ambassadeur danseur de Salomon. «Dès ce moment, j’ai passé beaucoup de temps avec Patrick Leick, qui gérait l’équipement d’athlètes comme Kilian Jornet ou François d’Haene».Si bien que Fayçal se met au trail, signe un contrat d’athlète avec Salomon, qui désormais le rémunère. Quelques courses par an, un contrat d’image, des camps d'entraînement avec toute l’équipe. Lorsqu’on s’est vus la première fois, il revenait de dix jours en Corse pendant lesquels il s’était entraîné aux côtés de Mathieu Blanchard et de Courtney Dauwalter. «Clairement, j’étais le plus nul. Mais c’est génial, quand même, de vivre ça avec eux.» Pas de regret Fayçal a aujourd’hui 30 ans. À la ville, il est éducateur spécialisé. Il passe deux jours et deux nuits par semaine dans un centre accueillant des jeunes entre quinze et dix-huit ans dont la situation familiale est trop compliquée ou dangereuse pour qu’ils vivent avec leurs parents. Le job est loin d’être facile, mais Fayçal s’y sent à sa place, utile et respecté. Grâce à la danse, mais aussi à l’amputation, il jouit d’une certaine aura auprès des jeunes dont il partage le quotidien. Le reste du temps, il s’entraîne. Il danse entre six et huit heures par semaine, rêvant d’intégrer un jour la troupe d’un artiste ou d’une comédie musicale.Attablée à un café, quelques semaines avant la Maxi Race, je lui ai demandé si les médecins avaient raison, s’il lui était arrivé de regretter le sacrifice de son tibia. «Jamais!», a-t-il répondu sans hésiter. Sa mère, elle, n’est venue le voir danser pour la première fois que l’an dernier. «Elle avait toujours autre chose à faire», a-t-il lâché avec un sourire résolu avant de se lever sous le regard indiscret de nos voisins de comptoir et de m’offrir le café.Voilà que la silhouette de Fayçal s’approche de la ligne d’arrivée à vive allure. Il arbore un large sourire. Le reste de l’équipe saute la barrière de sécurité et se joint à lui pour parcourir les derniers mètres à ses côtés. Dans une petite heure, ils en feront de même avec Eva, qu’ils accompagneront pour sonner la cloche marquant la fin de cette aventure. Plus tard, alors que je rentre chez moi à vélo, je me surprends à chantonner, en amorçant la côte: «Why do you waste time for, we are only gettin’ old, gettin’ old, gettin’ old...».
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