- LE TEMPS - Tous - 26/Jul 19:16

Le chant pour l’Arménie de Yahia Belaskri

Comment faire vivre l’identité d’un peuple qu’on tente de détruire? C’est la question que pose l’écrivain franco-algérien Yahia Belaskri dans «N’oublie pas notre Arménie», un roman délicat, à la puissance poétique rareSes yeux bleus «sont comme un poème», d’ailleurs on la surnomme ainsi à Adana: «Maritsa les yeux bleus». En ce mois d’avril 1909, cette jeune médecin vient d’arriver dans cette ville de l’Empire ottoman où vivent de nombreux Arméniens. Elle est elle-même Arménienne et est reçue pour cette mission humanitaire par un prêtre, le père Burak. Mais à peine arrivée, ses beaux yeux bleus vont voir l’horreur absolue, imprimée à vie sur sa rétine: «des hordes de bachibouzouks, mercenaires turcs et kurdes» envahissent les quartiers arméniens de la ville et tuent sans pitié ni relâche. «Des femmes sont massacrées dans leur demeure, les hommes décapités, les enfants écrasés.»Ce genre de massacre, le père Burak l’a déjà connu quinze ans auparavant, faisant de lui «un homme grain égaré, le cœur sur les lèvres». Il sait qu’il faut fuir et part donc avec Maritsa vers l’est. Durant plusieurs mois, ils parcourent cet empire d’Alep à Samarcande et on en découvre l’histoire, faite d’influences multiples, ainsi que la richesse, fruit d’un extraordinaire mélange de cultures. Samarcande en est l’exemple: «Conquise par Alexandre le Grand, détruite par Gengis Khan, reconstruite par Amir Timur», elle est devenue «un carrefour culturel et un foyer pour toutes les religions». Ils croisent ainsi des Arméniens, dont ils écoutent les récits déchirants, mais aussi «des musulmans, juifs et chrétiens, des pauvres et des poètes», tous animés d’une profonde tolérance. C’est ce contraste entre rejet et accueil qui rend le texte de Yahia Belaskri si puissant.Voir plus