X

Vous n'êtes pas connecté

Maroc Maroc - JDA.CI - A La Une - 03/Jul 15:57

Repenser la gestion des migrations irrégulières en provenance d'Afrique

La recrudescence des flux migratoires irréguliers, notamment en provenance de l'Afrique de l'Ouest et d'autres régions du continent, souligne la nécessité urgente de comprendre et de traiter ses causes profondes. Bien que la plupart des migrations africaines s'effectuent à l'intérieur du continent, une tendance croissante aux migrations irrégulières en direction de l'Europe s'accompagne de violations graves des droits de l'homme, de nombreuses pertes de vies humaines, ainsi que d'inefficiences économiques dans les pays d'origine des migrants, comme dans les pays de transit et de destination. Instabilité politique, chocs macroéconomiques, conflits violents et manque d'opportunités alimentent bien souvent les pressions migratoires. Depuis quelques années, ces difficultés se trouvent accentuées par le changement climatique, qui aggrave l'insécurité alimentaire et hydrique, et qui détruit vies humaines ainsi que moyens de subsistance. L'augmentation des dettes malmenant les budgets déjà serrés des gouvernements africains, et entravant les efforts de lutte contre la pauvreté, de nombreux Africains prennent le risque d'un voyage périlleux en quête d'une vie meilleure à l'étranger. Pour s'attaquer au problème des migrations irrégulières, il est nécessaire de créer les conditions d'une vie épanouissante en Afrique. Il est notamment essentiel de permettre l'émancipation des jeunes Africains pour réduire les migrations irrégulières. Au sein de nombreuses sociétés africaines, la réussite est souvent associée à l'expatriation de membres de la famille, qui conduit ceux qui restent au pays à un sentiment de marginalisation. Cette forme de « mort sociale » pousse de plus en plus d'individus à migrer, quels que soient les risques. Mais bien que les flux migratoires irréguliers de l'Afrique vers l'Europe se poursuivent, de plus en plus de jeunes Africains de la diaspora font leur retour sur le continent, qu'ils considèrent comme une terre d'opportunités, ce qui démontre que les migrations, à condition d'être correctement gérées, peuvent se révéler bénéfiques. En tirant parti du formidable potentiel de la diaspora, les jeunes Africains peuvent acquérir moyens financiers, compétences, connaissances et expérience, autant d'atouts qu'il leur est ensuite possible de rapatrier et d'investir dans leur communauté, favorisant ainsi le développement économique et social, tout en contribuant à redéfinir ce qu'est la réussite dans les pays d'origine des migrants potentiels. Pour rétablir l'espoir, il est indispensable d'améliorer les perspectives professionnelles des jeunes. D'après les estimations formulées en 2019 par la Banque africaine de développement (BAD) dans un document de recherche sur les politiques, l'Afrique devra créer environ 1,7 million d'emplois chaque mois jusqu'en 2063 si elle entend accueillir sa population croissante et maintenir les taux de chômage à leur niveau actuel. Pas moins de 70 % de la population d'Afrique subsaharienne étant âgée de moins de 30 ans, le dividende démographique de cette région représente une opportunité immense, d'autant plus que les économies développées sont confrontées au vieillissement de leur propre population. Pour autant, cette opportunité ne pourra se concrétiser que si les jeunes se voient proposer des emplois de qualité, des systèmes de protection sociale adéquats, et des conditions de vie satisfaisantes. Bien que les systèmes éducatifs à travers l'Afrique se soient améliorés, les jeunes du continent souffrent encore d'un manque de compétences valorisables sur le marché, ainsi que d'un accès limité aux actifs financiers, des difficultés qui impactent davantage les jeunes femmes en raison des inégalités sexuelles. Dans le même temps, les progrès de la connectivité éclairent de plus en plus les jeunes Africains sur les opportunités qui existent ailleurs, renforçant ainsi leurs attentes et leurs exigences. Dans ce contexte, la Stratégie pour l'emploi des jeunes en Afrique et le projet de Banque d'investissement pour l'entrepreneuriat des jeunes (YEIB) de la BAD représentent une avancée positive. Ces deux initiatives visent à créer des emplois, à encourager l'entrepreneuriat, et ainsi à offrir aux jeunes Africains les opportunités dont ils ont besoin pour prospérer chez eux. De même, l'investissement dans la jeunesse constitue une priorité transversale de la nouvelle Stratégie décennale de la BAD. S'ils migrent en quête d'opportunités économiques, ceux qui partent recherchent également justice sociale et liberté. Les jeunes, qui constituent la majeure partie de la population africaine, se trouvent souvent marginalisés économiquement et politiquement par les générations plus âgées, ce qui peut engendrer des frustrations et des tensions sociales conduisant de nombreux jeunes Africains à considérer l'expatriation comme une forme d'émancipation. Pour éviter un tel scénario, les pays africains doivent faire en sorte que les préoccupations des jeunes soient entendues, et que leurs idées, leur créativité et leur expérience soient valorisées. En exploitant le potentiel des jeunes citoyens pour conduire des changements positifs, les gouvernements africains peuvent créer des communautés dynamiques et résilientes, atténuant ainsi les facteurs qui poussent aux migrations irrégulières. Pour que la question des migrations irrégulières puisse être traitée efficacement, un changement de paradigme est également nécessaire dans la manière dont les politiques migratoires sont discutées, élaborées et mises en œuvre. Trop souvent, les pays de destination conçoivent ces politiques sans tenir compte des capacités et du parcours des migrants. Les dirigeants politiques doivent davantage se concentrer sur les besoins et aspirations des jeunes migrants, et veiller à ce que les débats politiques soient fondés sur le réel plutôt que sur des discours idéologiques. En comblant ce fossé entre le réel et l'élaboration des politiques, les pays de destination et de transit peuvent mettre en place des politiques adaptées aux besoins spécifiques des migrants, pour ainsi encourager les démarches migratoires légales, et atténuer la pression des migrations irrégulières. Il n'en demeure pas moins que le meilleur moyen de lutter contre les migrations irrégulières consiste à offrir des alternatives viables et sûres aux migrants potentiels. Pour cela, les dirigeants politiques africains doivent se concentrer sur l'élargissement des horizons disponibles pour les jeunes, en leur conférant les compétences et les opportunités nécessaires pour stimuler la croissance économique et le développement durable en Afrique. En cas de succès, ces changements politiques pourraient transformer la migration, qui ne serait plus alors un acte de désespoir, mais un choix volontaire bénéfique pour tous, que ce soit pour les migrants, pour leur pays d'origine et pour les pays de destination.Par Linguère Mously Mbaye

Articles similaires

Renforcement de la coopération entre le Burkina Faso et la Tunisie

journaldufaso.com - 01/Jul 15:19

Le Président du Faso, le Capitaine Ibrahim Traoré, a reçu en audience ce lundi matin le ministre des Affaires étrangères, de la...

Sorry! Image not available at this time

Des migrants tchadiens retrouvés morts au Mexique alors qu'ils tentaient de rallier les États-Unis

rfi.fr - 24/Jun 02:26

Plusieurs jeunes tchadiens sont morts noyés dans une rivière au Mexique il y a quelques jours alors qu'ils tentaient de rallier les États-Unis....

Les élans de transformation qui jalonnent le continent mis en exergue

liberation - 28/Jun 15:30


A l'occasion d'un panel de haut niveau, en ouverture du Carnegie Africa Forum, organisé à Washington par le think tank américain de...

Ce n’est pas le raz-de-marée tant appréhendé. Mais c’est tout comme

liberation - 01/Jul 15:30

Sans grande surprise, le Rassemblement national (RN), allié à Eric Ciotti, est arrivé en tête du premier tour des élections...

La Suisse va envoyer un agent de liaison en Erythrée

le temps - 23/Jun 05:52

La secrétaire d’Etat aux migrations Christine Schraner Burgener annonce que Berne envoie un émissaire pour évoquer la réadmission des...

Sorry! Image not available at this time

France/Législatives 2024 : quelles conséquences de la victoire du RN sur les migrants ?

ledjely.com - 29/Jun 12:18

Comme dans plusieurs pays européens, l’extrême droite est décrite comme une réelle menace en France par les migrants. Avec 36% des intentions de...

Top 10 des pays subsahariens ayant reçu le plus d'envois de fonds en 2023

agence ecofin - 27/Jun 16:10

Le rapport révèle que les remises migratoires ont globalement baissé de 0,3% en Afrique subsaharienne l’année écoulée, pour s’établir à...

Sénégal : "Travail forcé et exploitation sexuelle au cœur de l’industrie minière à Kédougou – ADHA appelle à l’Action*

leral.net - 26/Jun 09:08

L'Action pour les Droits Humains et l’Amitié (ADHA) exprime sa vive inquiétude quant aux pratiques alarmantes de travail forcé et...

FIAD 2024 : Sokhna Maimouna Diop, Dga CBAO groupe Attijariwafa bank : « Ce forum se veut un catalyseur de l’ensemble des opportunités d’affaires (…) »

leral.net - 02/Jul 22:00

La directrice générale adjointe en charge de l’exploitation de CBAO groupe Attijariwafa bank s’est confiée au Journal de l’économie...