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Maroc Maroc - LE TEMPS - Tous - 26/Feb 20:59

L’ours, un petit truc en peluche

ARTICLE À ÉCOUTER. Icône incontestée des chambres d’enfants, l’ours en peluche est également un symbole aux mille et une facettes insoupçonnées. Né au XXe siècle, ce jouet s’invite jusqu’au 29 juin 2025 dans le cadre d’une exposition au Musée des arts décoratifs de ParisInspiré par l’animal sauvage du même nom, l’ours en peluche a su s’imposer au sein de l’arsenal de l’enfance pour devenir un jouet populaire. Pourquoi une telle trajectoire? Pourquoi est-ce que le chien, le canard ou la poule n’ont-ils pas pu également s’offrir une telle place au sein du panthéon des bambins?Les réponses à ces questions se trouvent dans l’exposition Mon ours en peluche, présentée au Musée des arts décoratifs (MAD) de Paris, jusqu’au 29 juin 2025. A travers une collection de 130 pièces à l’effigie du plantigrade, mais aussi des ouvrages, des toiles, des gravures et des artefacts préhistoriques, Anne Monier Vanryb, commissaire de l’événement, nous invite à un survol historique.Ecoutez cet article lu par une IA – Pour en savoir plus: Comment s'est passée votre écoute? «L’ours, n’est pas un animal comme les autres, car il a une vraie proximité avec l’être humain. Cette proximité est plus fantasmée que réelle, mais le fait qu’il se tienne debout, qu’il mange la même chose que nous, et surtout que l’on a vécu dans des lieux similaires comme les cavernes pendant la préhistoire donne lieu à une sorte de cousinage. Et pour les populations du Moyen Age et de l’Ancien Régime, il y a une vraie confusion. C’est comme s’il s’agissait des deux facettes de la même espèce: une sociale et une animale pas du tout policée. A l’époque, il était courant de penser que les ours pouvaient enlever des jeunes filles et avoir des enfants avec elles, ou que les femelles pouvaient élever des bébés humains. Il y a cette idée qu’il est notre cousin sauvage.» Lire aussi: Mon ami Plic-en-Peluche Vue de l'exposition «Mon ours en peluche», présentée au Musée des arts décoratifs (MAD) de Paris, — © Christophe Dellière / Musée des arts décoratifs Paris Un animal très puissant et respecté Véritable double à poils de l’être humain, cette bête a aussi su s’inviter dans l’univers religieux, chose qui ne plaisait pas forcément à tout le monde. «Le culte ursin est le dernier que l’Eglise catholique a du mal à gommer», explique la conservatrice. Très puissant et respecté dès le néolithique dans l’hémisphère Nord, celui-ci est le plus vénéré des cultes animaliers. «C’est l’animal des guerriers. En tuant un ours, on peut s’approprier sa force.»Et pour cause, décocher une flèche à distance n’est généralement pas suffisant pour le mettre à mort, il faut l’affronter en corps à corps, et donc s’exposer à un combat extrêmement dangereux. «Durant l’Antiquité et au début du Moyen Age, il s’agit de la chasse la plus prestigieuse qui soit, permettant d’acquérir, si l’on en sort vainqueur, une part de sa force. Et cela, le pouvoir catholique ne peut pas l’entendre. Il va donc tout mettre en œuvre pour le faire chuter de son piédestal.» Le glorieux cerf détrône l’ours Ses remplaçants? Dans la culture écrite, il s’agit du lion, car très souvent cité dans la Bible, et lié à des vertus cardinales. Quant au cerf, il va devenir le roi de la forêt et une proie de choix. Une longue mue qui s’étalera du VIIe au XIIe siècle. «Avant cela, la chasse au cerf n’était pas du tout glorieuse, parce qu’elle nécessitait de courir derrière l’animal pendant toute une journée, jusqu’au moment où il était trop épuisé, et où l’on pouvait l’abattre. Pour les hommes du Moyen Age, il y a quelque chose de presque dégradant dans ce type de battue.»Néanmoins, elle devient la chasse royale par excellence, l’apanage des grands seigneurs, et demeure interdite aux paysans. «L’ours est alors perçu comme un animal bête et paresseux dans l’imaginaire collectif, souligne Anne Monier Vanryb. Quantité de légendes vont raconter comment les saints vont réussir à le dompter. Prenez l’histoire de saint Gall, par exemple: ce moine irlandais va construire, dans la région du même nom, une abbaye, avec un ours dont il va faire son ami, son serviteur.» Vue de l'exposition «Mon ours en peluche», présentée au Musée des arts décoratifs (MAD) de Paris, — © Christophe Dellière / Musée des arts décoratifs Paris Quelques siècles plus tard, c’est une autre chasse, à l’issue heureuse, qui remet la bête au cœur de la culture populaire. En 1902, un certain Theodore Roosevelt, connu pour être un fervent défenseur de la nature, est invité par le gouverneur du Mississippi à une chasse à l’ours. Afin que le 26e président des Etats-Unis ne rentre pas bredouille, il lui est proposé de tuer un animal attaché à un arbre. Il refuse. La presse se saisit de l’anecdote et fait de la bête la mascotte non officielle du leader de la nation. «Les Américains vont vouloir des objets à son effigie pour commémorer l’action de leur chef d’Etat. A ce moment-là, l’Allemagne, qui avec la France porte l’industrie du jouet en Europe, fabrique les fameuses peluches, qui vont être importées par les Américains.» L’ours en peluche était né. Lire aussi: Derrière l’ours en peluche, le spectre de la corruption généralisée Un nouveau regard sur l’enfance Baptisé «Teddy Bear» en référence à Theodore Roosevelt, le jouet doit également son existence à une personnalité moins connue que le dirigeant étasunien: l’Allemande Margaret Steiff qui crée par hasard la même année le fameux jouet. «C’est une femme très étonnante, poursuit la conservatrice. Issue de la petite bourgeoisie, elle vit dans un fauteuil roulant, n’est pas mariée, et monte son entreprise de couture, qui va devenir une entreprise de jouets. C’est un vrai matriarcat, où tous ses frères et ses neveux travaillent pour elle. C’est très surprenant pour l’époque! Nous sommes alors à Giengen an der Brenz, une ville à 100 kilomètres de Francfort, qui n’est pas non plus le terreau de l’avant-garde, et il y a cette femme indépendante, handicapée, célibataire, à la tête d’une usine conçue pour qu’elle puisse s’y déplacer en fauteuil roulant, qui va créer ce jouet non genré révolutionnaire!» Révolutionnaire parce que lié à un nouveau regard sur l’enfance. Une peluche qui fédère tous les enfants Au début du XXe siècle, l’enfant n’est plus perçu comme un adulte miniature. Il s’agit d’un être qui a des «besoins particuliers» et doit vivre son monde infantile avec «son petit ami en peluche, qui peut devenir son confident, un ami qu’il peut serrer dans ses bras». Aussi, ce jouet concerne les deux sexes. «La poupée permettait aux petites filles de se projeter dans leur vie d’adulte et surtout de future mère, il y avait alors une dimension éducative.» Avec l’ours en peluche, cet aspect disparaît, fédérant tous les enfants. «Dans les années 1910-1920, on voyait fréquemment des familles avec un seul ours en peluche. Le petit garçon va l’emmener jouer dans la boue dehors, alors que la petite-fille va lui faire des vêtements. Tout le monde se retrouve ainsi autour de cette peluche, et c’est aussi cela qui fait sa spécificité et son succès.»Il connaît une vraie célébrité après la Seconde Guerre mondiale avec l’avènement de cette image d’Epinal de la famille nucléaire, bourgeoise, qui se réunit le soir dans le salon. «C’est un jouet très occidental dans ce sens-là. Par exemple, en Afrique, où les enfants restent rarement seuls et sont élevés par des familles entières pendant très longtemps, il y a moins ce besoin d’avoir un petit jouet à serrer contre soi.»Plus de 70 ans plus tard, à l’heure du tout numérique, l’ours en peluche a-t-il encore de beaux jours devant lui? «Je pense qu’aujourd’hui il vit son moment le plus important, estime Anne Monier Vanryb. Désormais, il a le droit d’accompagner les adultes. Nous ne sommes plus obligés d’abandonner notre ours en peluche une fois que nous avons grandi. Cette bascule est très intéressante parce que les enfants vont se désintéresser de leurs jouets beaucoup plus vite, pour se tourner vers les écrans, les réseaux sociaux. Mais l’ours est vraiment le jouet que l’on garde le plus longtemps.»Lire aussi: Enfants et réseaux sociaux, jamais sans filet!Quid de son homologue de chair et de sang? Autrefois, roi des animaux, il est devenu le triste symbole du réchauffement climatique, incarné par l’ours polaire, décharné, errant sur la banquise. Avec un habitat menacé et réduit de jour en jour, l’animal doit s’aventurer au plus près des lieux de vie humaine, afin de trouver de nouvelles sources de nourriture. «Le rapport de force est complètement inversé. En France, les ours existent parce que l’homme les aide à survivre, et parce qu’il y a cette volonté de les faire subsister. Ils vivent avec nous, mais nous restons les maîtres de cette cohabitation.»«Mon ours en peluche», jusqu’au 29 juin 2025 au Musée des arts décoratifs de Paris, madparis.fr

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