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Le ténor polonais Arnold Rutkowski se glissera dans la peau du Prince Andreï Khovanski dans Khovantchina de Modeste Moussorgski, à l’affiche du Grand Théâtre de Genève en mars. Il nous fait découvrir à cette occasion sa ville d’adoption, dont il est un inconditionnel. De ses palais à ses gratte-cielsEn col roulé et pantalon noir, Arnold Rutkowski s’excuse de n’être que quelques minutes en retard à son rendez-vous au Teatr Wielki, l’imposant opéra de Varsovie. La façade de l’édifice, de style classiciste, a été reconstruite à la suite des bombardements nazis et de l’insurrection de Varsovie en 1944, un élan aussi héroïque que tragique de ses habitants contre l’occupant allemand. L’édifice est à l’image de l’ensemble de la rive gauche de la capitale polonaise : un véritable phénix. Cela semble difficile à croire aujourd’hui mais l’édifice n’était plus qu’un tas de ruines en 1945. Le Teatr Wielki, l’imposant opéra de la ville, a été totalement détruit à la suite des bombardements nazis et de l’insurrection de Varsovie en 1944. Arnold Rutkowski y a encore chanté en décembre dernier un de ses rôles fétiches, Don José dans Carmen. — © Filip Klimaszewski pour le Grand Théâtre Magazine À l’intérieur, le foyer, inauguré sous la Pologne communiste, rappelle le style épuré mais élégant en vigueur à l’est de l’Europe après-guerre. La grande salle où sont joués opéras et ballets, Arnold Rutkowski la connaît bien. Il s’y est produit pas plus tard qu’en décembre, endossant l’un de ses rôles préférés : Don José dans Carmen. « L’une des particularités de cette scène varsovienne, c’est qu’elle est tellement immense qu’on en perd ses collègues de vue, s’amuse-t-il. Et puis l’orchestre est légèrement surélevé, ce qui fait que tous ses musiciens sont visibles depuis la scène, et réciproquement, nous sommes tous visibles depuis la fosse. Pour finir, l’acoustique n’y est pas facile. Toute faute s’y entend inévitablement ! »Sur ces entrefaites, Arnold Rutkowski invite à explorer les environs immédiats de l’opéra. On passe devant l’un des « bars à lait » de prédilection du ténor, au numéro 8 de la rue Moliera, où le quarantenaire a l’habitude de commander des galettes de pommes de terre, un grand classique de la cuisine polonaise. Les « bars à lait », ces petites cantines populaires qui servaient au début du XXe siècle des plats simples et traditionnels à prix d’ami sont restées des institutions. Popularisées par les pouvoirs communistes, alors que les ménages luttaient contre les pénuries, certains établissements ont survécu au passage à l’économie de marché. D’autres, comme celui de la rue Molière, ont ouvert à l’aube du nouveau millénaire. Aujourd’hui, ces réfectoires où femmes d’affaires, retraités et étudiants sans le sous mangent au coude à coude sont devenus un refuge contre l’inflation. Arnold Rutkowski aime s’arrêter prendre son café à l’hôtel Europejski, construit à la fin du XIXe siècle et abritant de nombreuses œuvres d’art contemporaines. — © Filip Klimaszewski pour le Grand Théâtre Magazine Un peu plus loin, on plonge dans la Varsovie de la « belle époque », en longeant la splendide rue Krakowskie Przedmieście, soit l’ancienne voie royale des souverains polonais, bordée d’églises, de palais et de palaces. En face du palais présidentiel, Arnold Rutkowski s’arrête devant le palais Potocki, un édifice baroque du XVIIIe siècle, remis sur pied après la Deuxième Guerre mondiale. « C’était le palace d’une famille noble de Varsovie. Les communistes s’en sont saisis après-guerre pour y installer le ministère de la Culture – qui s’y trouve toujours. Ils ne l’ont donc jamais rendu. C’est un peu la quintessence de notre histoire ! poursuit-il, dans un éclat de rire. Dans l’entre-deux guerres, Varsovie était pleine de vie, de nombreux films en attestent, c’était vraiment l’une des villes les plus modernes d’Europe », remarque le natif de Łódź , qui ne tarit pas d’éloge sur sa ville d’adoption et pointe vers l’hôtel Bristol, seul vestige encore debout aux alentours en 1945. Dans l’entre-deux guerres, Varsovie était une des villes les plus modernes d’Europe « C’est ici, depuis ce balcon d’angle que Jan Kiepura, un acteur et chanteur polonais extrêmement connu durant la première moitié du XXe siècle, s’est produit devant la foule il y a une centaine d’années », raconte Arnold Rutkowski, qui a déjà eu l’occasion de chanter les airs de son idole « depuis ce même balcon lors d’un festival qui lui était dédié ». La réputation de Jan Kiepura a largement dépassé les simples frontières de la Pologne, se produisant avec le même succès dans les opéras du monde entier, de New York à Paris. D’ailleurs, c’est bien simple, lorsque qu’Arnold Rutkowski évoque le personnage avec son « mentor » Placido Domingo, il apprend avec surprise que le ténor espagnol connaissait déjà Jan Kiepura, « enfant, il en écoutait ses chansons ! ».L’occasion est trop belle pour interroger Arnold Rutkowski sur son intervention lors d’un concert de Placido Domingo, en 2009 à Łódź, alors que le jeune Polonais débutait sa carrière. « Le ténor Antonio Barasorda, que j’avais rencontré à l’Opéra de San Juan à Porto Rico, m’avait invité à le rejoindre au théâtre du Châtelet à Paris pour travailler ensemble. Et voilà que Placido Domingo toque à notre porte. » Intrigué par la voix du Polonais, la star lyrique lui demande de chanter un air de La bohème de Puccini, Arnold Rutkowski s’exécute. Puis lui glisse qu’il prévoit d’assister à son concert à Lodz. « Et là, Placido me dit : “il faut que tu montes sur scène avec moi”. Voilà comment on a fini par chanter de concert. C’était une expérience incroyable », témoigne Arnold Rutkowski, pour qui le déclic de l’opéra est venu dès l’âge de sept ans. Ses parents, qui lui faisaient volontiers écouter de la musique, l’emmènent alors à l’opéra de Łódź voir Le Manoir hanté de Stanislaw Moniuszko, perle de l’opéra polonais du XIXe siècle. « C’est là que j’ai senti que je voulais devenir chanteur d’opéra. Et j’avais déjà une voix d’opéra. »S’ensuivent des études de musique à Łódź. Son diplôme de l’Académie de musique en poche, Arnold Rutkowski déménage à Wrocław où l’opéra lui propose des rôles de plus en plus importants, tels Rodolfo dans La bohème et Don José dans Carmen, ou encore Alfredo dans La traviata. Son goût de l’aventure le mène au cours de sa formation du Danemark – où sur scène, à Bornholm, il incarne Ferrando dans Così fan tutte – à la Suisse, où il interprète Un giorno di regno de Verdi, à Saint-Moritz. En 2008, en Pologne il se joint à un orchestre pour familiariser les 300 000 participants du festival de rock Przystanek Woodstock aux airs d’opéra et d’opérette.Mais c’est son interprétation de Don José à Modène, en Italie en 2009, qui séduit la critique et le propulse sur la scène internationale. Arnold Rutkowski se met alors à parcourir les grands opéras du globe, de Phoenix à Budapest, de Moscou à Lima. Ce père de trois enfants aujourd’hui reconnaît volontiers qu’il doit désormais arbitrer entre carrière et vie de famille : « Sur scène, tu reçois l’énergie du public et c’est fantastique, mais c’est ta famille qui en paie le prix ». Heureusement, outre le Teatr Wielki de Varsovie, où il garde un ancrage fort, Arnold Rutkowski peut toujours se produire dans la dizaine d’autres scènes d’opéra que compte la Pologne.De retour dans les rues de Varsovie, Arnold Rutkowski invite à passer au café de l’hôtel Europejski, autre hôtel luxueux de la fin du XIXe siècle, à deux pas du Bristol. L’ambiance y est feutrée et l’expresso serré. « J’aime aussi beaucoup leurs glaces », confie le ténor. Dans le couloir débouchant sur la place Piłsudski, mon guide ne manque pas d’attirer mon attention sur les tableaux de Leon Tarasewicz, un artiste polonais contemporain dont les acryliques colorés ornent les murs. « J’aime beaucoup les peintres polonais contemporains à l’instar de Jan Lebenstein, ou encore de Wojciech Fangor », poursuit le chanteur, qui a hâte de se produire au Grand Théâtre de Genève, un opéra « de haut niveau », dont il apprécie le public chaleureux. Les Genevois l’avaient déjà découvert en 2013 dans le rôle de Pinkerton dans Madame Butterfly de Puccini. Le skyline de Varsovie a longtemps été dominé par le Palais de la culture et de la science, le « cadeau » de Staline aux Polonais. Cette tour massive, fleuron du réalisme socialiste, est aujourd’hui noyée dans les gratte-ciels. — © Filip Klimaszewski pour le Grand Théâtre Magazine Et alors qu’il s’apprête à se glisser cette fois-ci dans la peau du Prince Andreï Khovanski, dans Khovantchina de Modeste Moussorgski, je le questionne sur le boycott des opéras et productions artistiques russes depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, en 2022. Dans une Pologne très solidaire de la cause ukrainienne, sa réponse vient apporter une petite nuance. « Bien sûr, c’est horrible la guerre. Je comprends que les Ukrainiens n’aient pas envie de chanter des œuvres russes. Mais je ne pense pas que la guerre doive être importée sur le terrain artistique. Moussorgski – à ma connaissance – n’était pas un redoutable communiste, il a tout simplement écrit des pièces remarquables. Et puis j’aime aussi chanter Iolanta, l’opéra de Tchaïkovski. »Comme pour rester dans la thématique, nous déambulons sur la place Piłsudski, qui porte le nom du « héros national polonais qui nous a permis de regagner notre indépendance », rappelle Arnorld Rutkowski. Héros national, le maréchal Józef Piłsudski prit effectivement les rênes de la Pologne en 1918 alors que le pays réapparaissait tout juste sur la carte de l’Europe, après 123 ans de partage entre les empires russe, prussien et austro-hongrois. La tombe du soldat inconnu, protégée par les arcades de l’ancien palais de Saxe, est gardée nuit et jour par des soldats en uniforme. — © Filip Klimaszewski pour le Grand Théâtre Magazine La place débouche sur la tombe du soldat inconnu et le jardin de Saxe qui offre depuis le XVIIe siècle un oasis de verdure aux Varsoviens. « J’adore les parcs de Varsovie, cette ville est l’un des leaders européens en matière d’espaces verts », souligne le ténor, qui recommande non loin de là une balade dans le jardin Krasinski (et ses jeux pour enfants qu’il fréquente assidûment), palais estival de la monarchie polonaise à Łazienki, pas loin de la Voie royale. L’été, le répertoire de Frédéric Chopin y résonne gratuitement, en plein air, tous les dimanches. J’adore les parcs de Varsovie, cette ville est l’un des leaders européens en matière d’espaces verts À l’autre bout du jardin de Saxe, nous voici rendus au croisement des rues Świetokrzyska et Krolewska, d’où l’on aperçoit le Palais de la Culture et de la Science, le « cadeau » de Joseph Staline à la capitale polonaise. Cette tour massive, fleuron du réalisme socialiste, a longtemps dominé le panorama et suscité la controverse, au point que dans les 1990, il a même été question de s’en défaire. Aujourd’hui, le monument qui abrite cafés, théâtres, bureaux et même un point de vue prisé, est complètement noyé dans les gratte-ciels. « C’est la partie de Varsovie que je préfère. J’adore ce côté Manhattan, entre Rondo ONZ et la rue Grzybowska. Je suis fasciné par New York, et à mon sens Varsovie est la ville qui s’en rapproche le plus en Europe, estime le ténor. J’aime l’énergie qui se dégage de ces édifices, et de tous ces bars et restaurants. » La ville en mutation continue d’étonner le ténor qui y découvre régulièrement de nouveaux édifices qu’il n’avait jamais remarqués auparavant. Actuellement basée à Varsovie, la journaliste Hélène Bienvenu couvre l’actualité d’Europe centrale depuis une quinzaine d’années. Elle collabore avec Le Monde, Mediapart, Courrier International ou encore La Libre Belgique. Polyglotte passionnée de chemins de traverse, elle aime arpenter les terres aux confins. Khovantchina au Grand Théâtre de GenèveDu 25 mars au 3 avril 2025 Site Billetterie
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