Maroc - LE TEMPS - Tous - 18/Feb 20:16

Guerre en Ukraine, le début de la fin

OPINION. Donald Trump a déjà donné à Vladimir Poutine des victoires en Ukraine avant même de commencer les négociations directes avec lui. Le camp occidental est divisé et la guerre à un tournant, écrit Vassily Klimentov, chercheur senior à l’Université de Zurich et professeur invité à l’IHEIDEn 2025, les choses se sont subitement accélérées concernant la guerre en Ukraine. L’arrivée de Donald Trump au pouvoir présageait des changements dans la politique étrangère américaine, mais, sur l’Ukraine comme sur le reste, peu d’observateurs en avaient mesuré l’ampleur. En l’espace de quelques jours, le nouveau président américain a fait voler en éclats la stratégie de soutien à l’Ukraine que son prédécesseur Joe Biden et ses alliés européens avaient mise en place depuis le début de l’invasion russe en février 2022.Le 12 février, Donald Trump s’est ainsi directement entretenu avec le président russe Vladimir Poutine. Dans l’enchaînement, il a annoncé qu’il voyait cette conversation comme le début des négociations de paix sur l’Ukraine. Au passage, il a été fait peu de cas du président ukrainien Volodymyr Zelensky, même si celui-ci a dit qu’il avait aussi discuté avec Donald Trump. Les Européens apparaissent encore plus marginalisés dans la séquence qui s’est jouée. C’est à se demander s’ils étaient même au courant que Donald Trump allait discuter de l’Ukraine avec Vladimir Poutine.Notre suivi en continu: En direct, guerre en Ukraine – La France accueillera demain une nouvelle réunion sur l’Ukraine Les Européens ont perdu la main, à la satisfaction de Moscou Sous la présidence de Joe Biden, les Occidentaux avaient insisté sur la nécessité de rester unis face à la Russie et de ne pas négocier sans les Ukrainiens. Clairement, Donald Trump voit les choses différemment. Il a acté le retour à un rapport de force plus proche de la Guerre froide où les hommes forts discutent du sort du monde et peu de cas est fait du multilatéralisme. Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie européenne, a beau dire «qu’aucun accord dans le dos [de l’Union européenne] ne fonctionnera», les Européens n’ont pas la main. Ils paient ici le prix d’une politique de soutien à l’Ukraine qui, au cours de ces trois dernières années, est restée en retrait du soutien américain. Lire aussi: A Bruxelles, un émissaire américain et une belle cacophonie, à la veille d'un nouveau sommet urgent convoqué par Emmanuel Macron A l’inverse, le Kremlin a accueilli la nouvelle approche américaine avec une réelle satisfaction. Vladimir Poutine a toujours insisté sur le fait que la guerre en Ukraine devait se résoudre par une discussion bilatérale entre la Russie et les Etats-Unis, arguant que les Ukrainiens et les Européens n’étaient que les marionnettes de Washington. Donald Trump semble partager sa vision du monde.Dans ses déclarations, Donald Trump, soutenu par Pete Hegseth, son secrétaire à la Défense, a par ailleurs déjà fait des concessions majeures à la Russie sur l’Ukraine avant même le début des négociations. Pour les Américains, les Ukrainiens n’ont pas vocation à rejoindre l’OTAN et devront céder des territoires à la Russie dans le cadre de la paix. Ces concessions ont apparemment également été faites sans que les Européens soient consultés. Elles semblent pourtant malvenues alors que les négociations n’ont pas réellement commencé. Lire aussi: Mini-sommet russo-américain: Washington rompt l’isolement de Moscou Des concessions avant même les négociations Peu d’observateurs pensaient que l’Ukraine, qui est sur la défensive sur le champ de bataille depuis le printemps 2024 face à la poussée russe, allait pouvoir reprendre tous les territoires occupés par la Russie. Encore moins pensaient-ils qu’elle pourrait récupérer la Crimée annexée par la Russie en 2014. Mais on peut se demander quel intérêt elle aurait à admettre cela avant même le début des négociations. Il aurait dû s’agir, au contraire, de cartes à concéder à la Russie pendant le processus de paix.De même, une entrée ukrainienne dans l’OTAN a toujours paru très hypothétique, même si jusque-là tous les membres de l’organisation, y compris les Etats-Unis, promettaient qu’une adhésion ukrainienne était possible. L’annonce de Donald Trump lève cette ambiguïté. Elle donne à la Russie une victoire majeure, sans rien en retour pour l’Ukraine. Au minimum, cela semble être un mauvais calcul diplomatique. Un tournant Ces derniers jours ont marqué un tournant dans la guerre en Ukraine. C’est peut-être le début de la fin du conflit. L’Ukraine aborde cependant les négociations qui s’ouvrent en position de faiblesse. Pressée sur le champ de bataille où elle manque d’armes et de soldats pour résister à l’armée russe, elle voit le camp de ses soutiens se fracturer publiquement avant même le début des négociations.Pour la Russie, en revanche, la nouvelle donne est avantageuse. Moscou peut continuer à avancer sur le champ de bataille face à l’armée ukrainienne exsangue et d’autant plus démoralisée par le déclin du soutien américain tout en profitant des largesses diplomatiques de Donald Trump. Vladimir Poutine n’a, de fait, aucun avantage à accélérer les négociations. Le temps joue aujourd’hui pour lui.