Maroc - LE TEMPS - Tous - 16/Feb 07:22

Climat: jusqu’ici, tout va bien!

MA SEMAINE SUISSE. Les Suisses se disent préoccupés par le dérèglement climatique, mais ils agissent comme s’ils ne l’étaient pas, déplore notre chroniqueurC’est une mauvaise nouvelle pour les dindes de Noël et les petits cochons. Pour le climat aussi. Les Suisses ne sont pas prêts à renoncer à la viande. Pas plus qu’à abandonner leur voiture ou à sacrifier leurs départs de vacances en avion. Un sondage réalisé en 2023 par la SSR nous l’avait déjà détaillé. Les électrices et électeurs viennent de le confirmer dimanche en refusant assez sèchement, à près de 70% des votants, l’initiative des Jeunes Vert·e·x·s pour la responsabilité environnementale. Pas question de changer radicalement de mode de vie au nom du climat.Et pourtant, les catastrophes écologiques, le changement climatique, la protection de l’environnement figurent toujours au deuxième rang des préoccupations des Suisses, juste derrière les coûts exorbitants des primes maladie, selon le dernier baromètre d’UBS. Mais on constate un recul en un an de 38% à 32% des personnes sondées.Même l’UDC, qui profite de l’occasion pour réclamer la sortie de la Suisse de l’Accord de Paris sur le climat, en raison de ses «objectifs utopiques», ne remet plus en cause la responsabilité du facteur humain dans la dégradation de l’état de la planète. Ni sa réalité. Il n’y aurait ainsi plus de climatosceptiques. Du moins ouvertement. Mais est-ce une consolation? Ce que nous confirment aussi bien le baromètre d’UBS que la votation de dimanche, c’est le glissement du militantisme d’hier vers l’indifférence climatique. Certes, la radicalité du texte des Jeunes Vert·e·x·s peut en partie expliquer la brutalité du refus.Mais, plus fondamentalement, toute politique climatique se heurte à la profonde résistance humaine au changement. Un phénomène bien connu en psychologie du travail lorsqu’il y a perte de contrôle et de repères. Mais qui, dans le cas présent, exige en plus des individus un renoncement à des habitudes, des privilèges et du confort. Sans rendre perceptibles des avantages immédiats ou une sécurité supplémentaire. Certes les Suisses, comme la majorité des citoyens du monde, sont bien conscients des risques de catastrophes environnementales, de la dégradation des conditions de vie. Mais, comme tous les risques dont la survenue semble différée dans le temps ou trop floue, l’esprit humain a tendance à en minimiser la perception. D’autant plus que, depuis des décennies, le risque climatique nous est devenu aussi familier que pour un gros fumeur les avertissements de cancer sur un paquet de cigarettes.Enfin, et c’est ce qui devrait inquiéter les politiques, la souveraineté des individus, la démocratie des droits individuels qui caractérise les sociétés occidentales, entrave l’adhésion à une réaction collective. Les droits de chacun, les besoins ou les désirs individualistes de mode de vie, de bien-être ou de consommation se heurtent à l’intérêt collectif, nous dit Marcel Gauchet dans Le Nouveau Monde (Gallimard 2017).Puisque l’un des principaux responsables de la dégradation du climat, les Etats-Unis, s’exonère de tout engagement, pourquoi serions-nous les premiers à sacrifier nos avantages? Et puis jusqu’ici tout va bien.Retrouvez notre suivi du cimanche 9 février 2025.