Maroc - LE TEMPS - Tous - 05/Feb 19:30

Un Gaza-Lago, le rêve de Donald Trump

S’emparer de Gaza, au besoin par la force? Procéder à un nettoyage ethnique des Palestiniens? En évacuant la réalité et le droit, la «vision» de Donald Trump ouvre la voie aux plus extrémistesLe président américain Donald Trump a eu un rêve. Semblant presque le découvrir en direct, il a semé l’incrédulité et l’effroi en l’exposant: prendre «le contrôle de Gaza», en expulser ses 2 millions d’habitants, la rendre vivable puis transformer la bande côtière en une «Riviera du Proche-Orient» dans laquelle «tout le monde» pourra s’installer.S’emparer de Gaza, par la force s’il le faut? Au risque de faire mourir les soldats américains pour commettre un nettoyage ethnique, et piétiner ainsi le droit et la justice? Au risque, pour les GI, de s’embourber pendant des années dans une sorte de Somalie-sur-Méditerranée? Et de déchaîner, au passage, des guerres chez les alliés arabes les plus proches, la Jordanie et l’Egypte, où l’irruption de centaines de milliers de réfugiés palestiniens sonnerait sans doute le glas des régimes en place?Lire aussi: A Gaza, Donald Trump joue au promoteur immobilier Même les Israéliens n’en demandaient pas tant. Dans sa volonté d’annihiler Gaza, largement démontrée ensuite par plus d’un an de bombardements systématiques, Benyamin Netanyahou avait déjà dessiné sa bande de Gaza rêvée, peu après le 7-Octobre: à moitié occupée par l’armée israélienne, il y restait tout de même 200 000 Palestiniens. Le premier ministre peut revenir en Israël avec un large sourire: à Washington, il aura obtenu, sans même lutter, une extension de la durée de vie de sa coalition. Ses alliés messianiques d’extrême droite, rendus furieux par le cessez-le-feu à Gaza, sont aujourd’hui aux anges devant cette «vision» du chef de la Maison-Blanche, qui s’apparente à l’accomplissement d’une prophétie.Israéliens, Palestiniens ou Etats arabes n’ont pas le choix: ils doivent prendre les extravagances de Donald Trump au sérieux, même si personne ne peut honnêtement affirmer que «le plan» exposé par le président américain a la moindre chance d’être appliqué. Comme pour le Groenland, comme pour le Panama, comme pour les droits de douane ou pour la démolition en règle de secteurs entiers de l’administration américaine, les paroles du président sont en elles-mêmes performatives: elles se réalisent, ne serait-ce qu’en partie, rien qu’en les énonçant. Ou du moins, elles ouvrent un chemin sur lequel les vues les plus extrémistes ne vont pas tarder à s’engouffrer. Réactions sur place: En pleine trêve fragile, les propos de Trump sur Gaza plongent Israéliens et Palestiniens dans la confusion Un autre président américain, le Texan George W. Bush, s’était donné pour tâche de «remodeler» le Proche-Orient. Son invasion de l’Irak, en 2003, dictée notamment par les intérêts pétroliers, avait conduit à une catastrophe que personne n’avait osé imaginer. Deux décennies plus tard, le milliardaire new-yorkais a d’autres modèles en tête: un gigantesque resort, hérissé de tours luxueuses, propriété des Etats-Unis et, accessoirement, de Donald Trump & Co. Non pas un Mar-a-Lago, mais un Gaza-Lago.