Maroc - LE TEMPS - Tous - 06/Feb 17:48

Ne bradons pas la compétitivité suisse!

ÉDITORIAL. Avec un taux de chômage à 3%, un cap symbolique a été franchi. Loin d’être alarmant, il représente surtout une occasion de rappeler que derrière la guerre commerciale lancée par Donald Trump se cache une autre bataille, celle de l’emploiAlors que l’assurance chômage a bouclé l’année 2024 sur un excédent de 1,5 milliard de francs, la hausse du taux de chômage à 3% n’a en soi rien de dramatique. Ce seuil symbolique rappelle toutefois à quel point l’évolution démographique a masqué sur le marché du travail le ralentissement économique que la Suisse subit depuis dix-huit mois.Au-delà des emplois d’aujourd’hui, c’est à ceux de demain qu’il faut penser, conditionnés qu’ils seront par les grandes manœuvres protectionnistes qui sont en cours. Car derrière la guerre commerciale de Donald Trump se tapit une bataille des investissements. Avec la volonté affichée de maximiser la valeur ajoutée créée sur sol américain. En résumé: érigez des usines aux Etats-Unis et je vous laisserai tranquilles!Lire aussi: Le chômage passe la barre des 3% en Suisse pour la première fois depuis la pandémie A cet égard, l’un des premiers décrets que le président américain a signés après son investiture est, pour la Suisse, encore plus préoccupant que les menaces de taxes douanières agitées par le républicain. Le 20 janvier, celui-ci a en effet confirmé qu’il était hors de question pour son administration d’appliquer un impôt d’au moins 15% sur les multinationales, une réforme menée par l’OCDE mais lancée il y a 4 ans… par les Etats-Unis. La mesure est déjà effective en Suisse et dans l’Union européenne. Lire aussi: Prise entre deux feux sur l’imposition minimale des multinationales, la Suisse prête à «défendre ses intérêts» L’importance des écosystèmes économiques Les Etats-Unis vont donc désormais pouvoir ouvertement draguer les entreprises d’Europe ou d’ailleurs pour les inciter à investir sur sol américain avec des conditions fiscales bien plus avantageuses. A juste titre, la perspective inquiète Berne au plus haut point car les choix d’investissement actuels déterminent la prospérité à venir.Il y a 2 semaines, au Forum économique de Davos, un haut dirigeant l’expliquait d’une manière extrêmement limpide: «J’investis aux quatre coins du monde. Mais le choix du premier site que je vais créer pour une nouvelle activité est décisif. C’est là que tout un écosystème lié va se développer.»Nul besoin de se rendre dans la Silicon Valley pour illustrer son propos car l’actualité nous sert un exemple bien plus proche avec le très probable déménagement de SGS à Zoug. L’arrivée en 1915 de celle qui s’appelait encore la Société Générale de Surveillance a joué un rôle déterminant dans l’essor du négoce de matières premières à Genève. Avec le spectre de la concurrence déloyale que Washington pourra mener, bien des entreprises vont privilégier leurs investissements outre-Atlantique. A commencer par certains acteurs de la pharma, qu’ils soient localisés sur les bords du Léman ou à Bâle. Lire aussi: Alors que le WEF débute, la Suisse face à un nouvel ordre économique mondial