Maroc - LE TEMPS - Tous - 25/Mar 18:11

Ne pas être dupe du virage «pro-juif» des lepénistes

ÉDITORIAL. Le Rassemblement national a fait de la lutte contre l’antisémitisme une priorité. Pour soigner sa réputation et, surtout, pour pointer sa cible prioritaire: l’islamisme, voire plus largement les musulmansJordan Bardella, le président du Rassemblement national (ex-Front national), et Marion Maréchal (ex-Maréchal-Le Pen, elle qui a laissé tomber le nom de son grand-père) sont donc arrivés en Israël. Ils ont été invités à participer à une conférence sur la lutte contre l’antisémitisme organisée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou. C’est la première fois qu’un dirigeant de ce parti, ou un membre de la famille Le Pen, visite officiellement le pays.L’invitation surprend autant qu’elle gêne. Au vu des origines du parti bien sûr (on trouve parmi ses fondateurs en 1972 un groupuscule néofasciste et un ancien Waffen-SS ayant combattu aux côtés des nazis). Mais surtout, au vu des multiples dérapages antisémites et négationnistes de son dirigeant historique, Jean-Marie Le Pen, condamné six fois en justice pour de tels propos qui avaient évidemment rendu sa formation infréquentable en Israël.Lire aussi: L’extrême droite européenne à Jérusalem pour parler antisémitisme, l’impensable qu’Israël assume Alors comment expliquer ce revirement, au-delà des intérêts ponctuels du gouvernement israélien actuel? Pour le comprendre, il faut se rappeler que Marine Le Pen s’est débarrassée du nom «Front national» et même de la présence de son père au sein de ce parti justement pour se défaire de cette réputation nauséabonde. Depuis, le RN fait tout pour éviter le moindre dérapage sur ces questions et s’affiche au premier rang de la lutte contre l’antisémitisme en France. Son vice-président a affirmé cette semaine que «le Rassemblement national est devenu le bouclier de la communauté juive». L’avocat et historien de la Shoah Serge Klarsfeld, chasseur de nazis par excellence, a même fini par qualifier le RN de «pro-juif». Logiciel nationaliste et identitaire Mais il ne faut pas être dupe des motivations qui ont mis ce parti d’extrême droite aux racines néofascistes sur cette voie. Outre le lissage d’une image, il s’agit surtout, à chaque manifestation, à chaque prise de parole, de pointer explicitement ou implicitement ceux qui seraient les seuls responsables de la montée de l’antisémitisme en France: les personnes issues de l’immigration, les musulmans et la gauche radicale. Les juifs ne sont peut-être (temporairement?) plus une cible pour l’extrême droite française, mais ils ne sont pas non plus une priorité en tant que telle. On se souviendra que même un Jordan Bardella déclarait en 2023 encore qu’il ne pensait pas que Jean-Marie Le Pen ait été antisémite. Le logiciel nationaliste et identitaire reste le même: le rejet de l’autre. Il s’est juste choisi un ennemi prioritaire et plus porteur aujourd’hui. Et rien ne dit qu’il ne reviendra pas à ses anciennes obsessions quand cela lui sera utile. Nécrologie: Mort de Jean-Marie Le Pen, père honteux de l’extrême droite française