Maroc - LE TEMPS - Tous - 24/Jan 19:57

Au WEF, le choc des valeurs et des investissements

ÉDITORIAL. Le microcosme de Davos a produit en quelques jours un avant-goût des mois qui viennent. L’impression d’incertitude, voire de tournis, ne doit pas empêcher de rester lucide et de continuer à construire des ponts pour avancerLa grande force du Forum économique mondial (WEF), à Davos, c’est sa capacité à réunir année après année la crème mondiale. Sur les plans économique et politique. La science est aussi représentée, ainsi que les institutions multilatérales et les ONG. Le WEF, soupçonné d’avoir produit un «sinistre wokisme», a même subi les pires attaques du président argentin, Javier Milei. La critique d’une réunion entre Occidentaux ne tient plus la route et sa capacité à rassembler entre les continents est aussi une des forces de cet événement unique au monde. Microcosme représentatif d’une partie de la planète, celles et ceux qui décident.Microcosme intéressant à observer, en particulier dans une période aussi complexe. Résumons. Les Etats-Unis ont élu un président républicain d’un genre nouveau: ultra-puissant, sans aucun complexe, décidé à laisser sa marque dans l’Histoire. La Chine parle de multilatéralisme et de collaboration, tout en développant massivement certains secteurs porteurs. L’Europe se fait bousculer de part et d’autre.D’ailleurs, lors de la dernière table ronde organisée au Forum économique de Davos, Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international, a conseillé aux Européens de croire en eux-mêmes. Et surtout de le dire aux autres, a précisé la Bulgare. Le Vieux-Continent sur le divan du psychanalyste? L’exercice a parfois tourné à la thérapie. Mais certaines personnalités européennes ont aussi inspiré les participants engagés pour le bien commun. La Suisse prise en étau La Suisse, petite mais costaude, se retrouve dans ce melting-pot en ébullition, elle qui dépend, plus que les géants, du respect des règles et des institutions. Un seul exemple: l’imposition minimale de 15% voulue par l’OCDE, demandée par les Etats-Unis il y a des années et dénoncée lundi par Donald Trump, mais appliquée par l’Union européenne. La présidente de la Confédération, Karin Keller-Sutter, n’a pas manqué de pointer les pressions subies par la Suisse, prise en étau entre les deux blocs, ainsi que sa perte de compétitivité fiscale. Car les investissements sont déterminants. Créateurs de croissance, d’emplois, de prospérité. Ils sont mobiles et la bataille pour attirer les projets les plus porteurs va monter d’un cran.Mais le monde n’est pas si simple. Tous les patrons d’entreprise n’aiment pas Donald Trump et tous les hommes d’Etat européens ne sont pas terrorisés par les actes du républicain, ni obsédés par la réglementation. D’autres fractures existent ou apparaîtront. D’autres bouleversements sont en cours, comme celui du climat ou de la super-intelligence artificielle.Les certitudes sont peu nombreuses. On peut observer, «ne pas hyperventiler», pour reprendre les mots d’une autre femme puissante à ce Forum économique mondial, Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’OMC. Et scruter d’éventuelles pistes de collaboration qui pourraient émerger, malgré ce choc des blocs, qui restera la marque de ce WEF 2025.