X

Vous n'êtes pas connecté

Maroc Maroc - LE TEMPS - Tous - 06/Jan 08:42

Tout donner, sans rien sacrifier

Le metteur en scène Kornél Mundruczó revient au Grand Théâtre pour y monter Salomé de Richard Strauss. Il a désormais quitté sa Hongrie natale, où « l’art critique n’existe plus ». Le sien prend à bras-le-corps des réflexions sur l’identité et le contexte socialEn 2010, Viktor Orbán arrive au pouvoir en Hongrie. Depuis, lui et son gouvernement exercent leur influence sur la création hongroise en reprenant notamment en main de nombreuses institutions culturelles. Face au nationalisme et à la censure, nombreux sont les artistes qui ont été poussés à s’exiler pour pouvoir travailler. C’est le cas de Kornél Mundruczó. Né en 1975, son travail est aujourd’hui mondialement reconnu. Comme réalisateur, le Hongrois recevait en 2014 le Prix Un Certain Regard à Cannes pour White God. En 2020 Pieces of a Woman, son premier film en anglais, est sélectionné à la prestigieuse Mostra de Venise. Son travail ne se limite cependant pas au cinéma, comme dramaturge et metteur en scène, Kornél Mundruczó s’est aussi illustré au théâtre et à l’opéra. Avec sa compagnie Proton Theatre, il s’est déjà produit plusieurs fois à Genève. En septembre dernier, dans le cadre du festival La Bâtie, il présentait sa dernière création, Parallax. Une pièce de théâtre qui interroge l’hérédité des traumatismes familiaux, le trouble identitaire et ces instants où la grande histoire percute l’intimité. Au Grand Théâtre de Genève, le Hongrois s’est aussi illustré à plusieurs reprises avec L’Affaire Makropoulos (2020), Sleepless de Peter Eötvös (2022) et Voyage vers l’Espoir de Christian Jost (2023). Le Hongrois aurait pu adapter son travail en se conformant aux exigences de la censure, mais c’est un sacrifice auquel il se refuse. — © Larry Busacca / Getty Images Créer malgré tout Il aurait pu adapter son travail en se conformant aux exigences de la censure, mais c’est un sacrifice auquel Kornél Mundruczó se refuse. « Je ne peux pas me plier à ce type de contrôle. L’art doit être créé avec honnêteté et innocence. M’autocensurer me détruirait. » Pour Mundruczó, travailler en Hongrie est donc devenu quasiment impossible. « L’art critique n’y existe plus. La liberté de création y est largement limitée. Il ne s’agit pas nécessairement de censure directe des œuvres d’art, mais d’une absence complète de financement qui amène au même résultat. » Sans renier ses origines et son histoire, il doit sans cesse redoubler d’efforts pour trouver d’autres sources de financement, à l’étranger notamment. C’est le cas de Parallax, sa dernière pièce de théâtre, créée en coproduction avec le soutien d’une dizaine d’institutions suisses, françaises, italiennes, grecques et allemandes. « Devoir créer dans ces conditions est particulièrement difficile. Tout demande beaucoup plus d’efforts et de travail. Avoir réussi à réaliser Parallax est une grande fierté pour moi. Malgré l’absence de soutien de la part de la Hongrie, cette pièce reste résolument ancrée dans le contexte historique hongrois. Je me bats pour conserver mes racines et mon identité. » Installé depuis cinq ans à Berlin, il avoue ne plus travailler dans son pays d’origine. « J’ai toujours un chez-moi à Budapest, mais lorsque j’y retourne c’est avant tout pour le plaisir, pour retrouver mes amis et ma famille. » Faire tomber l’armure L’œuvre de Kornél Mundruczó a souvent été qualifiée de provocatrice ou de politiquement engagée, mais il ne croit pas en l’art politique. « Je pense que les œuvres militantes peuvent être contreproductives, qu’elles ne parviennent pas à changer le monde sur le long terme. Mon travail est critique. Il prend à bras-le-corps des réflexions sur l’identité et le contexte social. Mais j’essaie de faire cela avec beaucoup de sensibilité, d’être en empathie avec les personnages que je mets en scène. Le pouvoir et les politiques sont dénués d’empathie, je pense donc que c’est une façon efficace de donner de la force à mon travail. »Concernant la provocation, l’artiste y voit quelque chose d’essentiel. « Une bonne œuvre est toujours provocatrice – c’est d’ailleurs le cas de l’opéra Salomé. Il s’agit de percer l’âme et le cœur du public. En sacrifiant une part de soi-même, l’artiste peut atteindre le spectateur et lui faire perdre son armure. C’est cette mise à nu qui permet d’aborder l’art avec une certaine innocence, une certaine pureté et ressortir de cette expérience complètement transformé. » Une attitude qu’il adopte dans tout son travail, que ce soit au théâtre, au cinéma ou à l’opéra. « Pendant longtemps, l’opéra était traité de manière conservatrice. Aujourd’hui, grâce à des institutions comme le Grand Théâtre de Genève, ce genre est en pleine renaissance. Une œuvre comme Salomé est remplie de réflexions sur le pouvoir, l’absurdité et la violence du crime, les contradictions entre richesse et pauvreté, justice et injustice, entre ce qui est dit est ce qui est tu. L’opéra est un art total qui permet de faire passer de nombreux messages. » Passionné d’art, Samuel Golly a fait de sa curiosité son métier. En collaborant avec plusieurs festivals, il participe à la production d’événements comme La Bâtie ou Black Movie. En parallèle, il écrit régulièrement dans la presse romande, notamment pour Le Courrier ou la Tribune de Genève. Salomé au Grand Théâtre de GenèveDu 22 janvier au 2 février 2025SiteBilletterie

Articles similaires

Juliana Grigoryan, une nouvelle étoile vocale est née

le temps - 10/Jan 18:43

La soprano arménienne Juliana Grigoryan a fait vive impression mercredi à Genève et jeudi à Lausanne lors d’un concert avec le ténor russe...

Sorry! Image not available at this time

Mercato – Anderlecht : Amadou Diawara vers Ferencváros

africafootunited.com - 05/Jan 12:18

Mercato Foot : Amadou Diawara pourrait quitter le Royal Sporting Club Anderlecht. Il est annoncé en Hongrie, où il pourrait rejoindre Ferencváros....

Sorry! Image not available at this time

Du théâtre pour rire mardi 31 décembre à Erdeven

letelegramme.fr - 29/12/2024 16:00

Une soirée originale pour le 31 décembre : aller au théâtre. C’est ce que propose l’espace Roelan, à Erdeven, avec la pièce « L’art du...

Au Théâtre de Vidy, quand la rumba congolaise devient théâtre

le temps - 11:17

L’épopée musicale et poétique «Opération Rumba» est à l’affiche du Théâtre Vidy-Lausanne dès mercredi. Rencontre avec son auteur,...

Aurore Vinot : Je suis fascinée par la vitalité et la diversité de la scène artistique marocaine

liberation - 02/Jan 15:00

Le Festival international des arts plastiques de Settat (FIAPS), dont la 20ᵉ édition s’est tenue du 20 au 23 décembre dernier, « offre une...

Doyenne des champions olympiques et survivante de la Shoah, la gymnaste Agnes Keleti est morte à 103 ans

le temps - 02/Jan 12:34

Légende de la gymnastique, Agnes Keleti est décédée à quelques semaines de célébrer ses 104 ans. Exclue des compétitions en raison de ses...

L’Opéra Garnier, 150 ans de triomphes, de scandales et de polémiques

le figaro - 03/Jan 07:29

RÉCIT - Il est un des bâtiments les plus prestigieux de Paris, mais aussi une institution majeure dans le monde de la danse et de l’art lyrique....

«Henri le Vert» enfin retraduit en français: pourquoi le chef-d’œuvre de Gottfried Keller demeure brûlant d’actualité

le temps - 15:41

Grand classique de la littérature suisse et germanophone du XIXe siècle, ce roman de formation aborde des thématiques qui résonnent pour le...

Xavier Dandoy de Casabianca : un éditeur à l’écoute des nouveaux talents

corsenetinfos.corsica - 04/Jan 20:30

En cette fin d’année, la maison d’édition bastiaise Eoliennes dévoile quatre nouvelles parutions, chacune portant une identité unique. CNI...

Xavier Dandoy de Casabianca : un éditeur à l’écoute des nouveaux talents

corsenetinfos.corsica - 04/Jan 20:30

En cette fin d’année, la maison d’édition bastiaise Eoliennes dévoile quatre nouvelles parutions, chacune portant une identité unique. CNI...

Les derniers communiqués

  • Aucun élément