Maroc - HEIDI.HIDORA.COM - A La Une - 06/Jan 16:35

Dessine-moi un clitoris: les médecins en sont-ils capables?

Le clitoris reste souvent peu ou mal enseigné en médecine. Pourtant, comme n’importe quel organe, il peut dysfonctionner, tomber malade, voire être opéré. Il peut aussi être mutilé, comme c’est le cas pour des dizaines de milliers de femmes en Suisse et en France. A Genève, sous l’impulsion notamment de la Clitoris Team, la formation des médecins a déjà beaucoup évolué.Eté 2019, Marie Chevalley, 26 ans, est en train de finir ses études de médecine à la faculté de Strasbourg. L’hôpital est à 40 minutes à vélo, elle en profite pour écouter un podcast de l’émission «Grand bien vous fasse!» sur France Inter. Le sujet du jour: Le clitoris est-il encore un organe tabou? «Et là je me suis rendu compte que je ne connaissais pas son anatomie exacte», raconte celle qui est aujourd’hui généraliste à Valence, dans le Sud-Est de la France.Elle ne sait pas qu’il a deux piliers et deux bulbes, la même origine embryologique que le pénis, qu’il mesure une dizaine de centimètres… Bref, la base!De retour chez elle, Marie Chevalley ouvre ses manuels d’anatomie, dont le Netter, l’atlas de référence pour tous les carabins de France. Aucun schéma ne représente le clitoris complet. «On ne se rend pas compte de comment il est», constate-t-elle. On aperçoit des bouts, ici ou là, au milieu des organes génitaux et des viscères. Sur un plan de coupe, le gland et le corps du clitoris ressemblent à un petit cornichon en lévitation. Les bulbes clitoridiens sont encore appelés «bulbes du vestibule», selon une terminologie que certains considèrent obsolète. Ils jouent pourtant un rôle clé dans l’érection féminine, puisqu’ils sont les premiers à se gonfler sous l’afflux sanguin.Marie Chevalley continue de mener l’enquête auprès de ses co-internes en stage de gynécologie, à qui elle demande de lui dessiner un clitoris. «Je n’ai jamais eu de dessin correct.» Elle finit par imprimer un modèle en 3D pour le leur montrer. «A chaque fois, ils étaient très surpris de ne pas savoir, et parfois très énervés, surtout les femmes. C’est la honte! Si nous médecins on ne sait pas, qui va savoir?», se dit la jeune femme, qui décide de s’emparer du sujet pour sa thèse d’exercice. Des lacunes tenaces Il y a plus de 25 ans, l’urologue australienne Helen O’Connell s’indignait déjà du fait que «la plupart des descriptions dans les manuels [étaient] peu détaillées, voire inexactes». «Si vos principaux instruments d’étude sont erronés, il est probable que beaucoup de choses qui en découlent le soient également», souligne-t-elle dans le documentaire Le clitoris, ce cher inconnu (2004). Se pourrait-il que les choses aient peu évolué, que ce savoir médical n’imprime pas? A la bibliothèque universitaire de médecine de Strasbourg, Marie Chevalley recense fin 2019 une quinzaine d’ouvrages d’anatomie: il s’avère que les deux tiers présentent une description incomplète ou imprécise du clitoris.Au sortir de la première vague de Covid de 2020, Marie Chevalley diffuse à travers la France, via les réseaux sociaux et les syndicats d’internes, un questionnaire pour évaluer «les connaissances de l’anatomie et de la physiopathologie du clitoris chez les médecins». Elle reçoit près de 1200 réponses, d’internes et de médecins, dont plus de 70% de femmes.Les résultats donnent à réfléchir: la moitié à peine des sondés connaissent la taille du clitoris (une dizaine de centimètres, en moyenne), et plus de 15% semblent même ignorer que cet organe a une partie interne, non visible. Un des dessins d’internes récoltés par Marie Chevalley. | Marie Chevalley, courtoisie Voir plus