Maroc - HEIDI.HIDORA.COM - A La Une - 25/Jun 13:29

Marre de me droguer, je passe au LSD

Cette fois, notre journaliste en a sa claque de se droguer. L’heure est venue pour elle de se libérer du joug pharmacologique et de se reconnecter à la beauté du monde, en substituant à ses drogues prescrites une drogue illicite: le LSD. Ce faisant, un échange intense avec une vache la convainc d'appeler Heidi.news.Écrire, c’est mentir et mentir, c’est tenter d’exister. Les mots dont j’use ici, dans cette Exploration, ne m’appartiennent pas. Je m’en sers, je les assemble comme on assemblerait des plots de bois ou des mottes de terre et ensuite, je les expédie à Serge Michel. Serge Michel, c’est le rédacteur en chef de Heidi.news. Il vient d’Yverdon, il fume en cachette, se nourrit de sandwichs et de barre de chocolat Ragusa et son plus grand défaut, c’est qu’il avance. Le flottement et le sur-place sont des notions qui le dépassent. «C’est comme si j’étais sur un vélo, observe-t-il. Je suis dessus, je pédale, je me fixe des objectifs et je m’y rends. Si je continue c’est parce que je crains que le jour où je m’arrête, ce sera fini. Il n’y aura plus rien.»​​Serge Michel, c’est aussi le récepteur de mes assemblages de plots et de mots. Lorsque je lui en expédie, un bing retentit dans sa boite mail. S’ensuit, après une période de latence plus ou moins insoutenable, un click. Le click de ses lunettes de lecture à aimant frontal. Couleur bleu-rivière, il les ajuste sur le haut de son nez et c’est à ce moment-là que le carnage s’enclenche. Ça va atrocement vite. Aussi vite qu’une barrière de corail qui se fait dynamiter en moins de 60 secondes. Les yeux légèrement plissés, il scanne les assemblages de signes, de mots, de virgules et de points virgules que j’ai pris des millénaires à concocter. Tapotant simultanément sur le clavier, il compresse, défigure et poignarde ce que j’imagine encore naïvement faire partie de moi-même et de mon expression intime. Je pousse des cris. Je tente de sauver les bouts de chair, d'organes, d’ongles et de cheveux qui giclent dans tous les sens, je profère des insultes et des menaces. Et soudainement, pour une raison qui m’échappe à ce jour, ma mâchoire se desserre et je lâche. Je lâche l’os. C’est bon, on peut continuer?, demande Serge Michel qui pilote, depuis là-haut, le rouleau compresseur. Vendre sa peau Au bout du scotch, je dis oui. Je laisse Serge Michel et son équipe de Heidi.news matraquer, structurer et, il faut l’admettre, améliorer et rendre lisibles les bribes de graphèmes et de poussières que je leur ai refourgués et qui, si je les avais laissés macérer plus longtemps dans ma mâchoire, auraient tôt ou tard finit broyés. Je capitule, mais je garde un œil ouvert. Je sais très bien comment ça se passe, là-haut, dans le cockpit de la rédaction de Heidi.news. Je les entends. Ca, ça vire. Ce paragraphe n’est pas clair. Ca dégage. Celui-ci aussi, là, on vire. La phrase du début, ça va à la fin et la phrase de la fin, on n’a qu’à la planter quelque part au milieu. Sur le coup, je me jure à moi-même et à mon enfant intérieur que plus jamais je ne me plierai à un exercice aussi infâme que celui d’écrire. Car écrire, ce n’est pas seulement mentir et vendre sa peau, c’est détruire. Les mots sont des couteaux. Ils sectionnent, cloisonnent, et dissocient des entités qui, lorsqu’elles échappent à l’entonnoir du langage, forment un tout. Dès l’instant où l’on traduit des pensées en mots, on choisit des axes qui oppriment inéluctablement d’autres facettes du réel.Voir plus