Maroc - LE TEMPS - Tous - 03/Jul 21:35

Wawrinka-Monfils, un match crépusculaire qui vivra un autre jour

A Wimbledon, le «Derby de La Côte» a été interrompu par la nuit alors que Gaël Monfils était à deux jeux du match (7-6 6-4 5-5). Mais Stan Wawrinka n’a pas dit son dernier mot et essayera encore jeudi après-midiSurplombant la colline de Wimbledon Village, le clocher effilé de l’église Saint-Mary carillonne à toute volée depuis dix bonnes minutes déjà. Il est 8.50PM heure de Londres, 21h50 dans le canton de Vaud, où Stan Wawrinka et Gaël Monfils ont leurs attaches, leurs habitudes et pas mal de souvenirs en commun. Amis de vingt ans, ils sont adversaires d’un soir sur ce court N°2 qui s’enfonce lentement mais sûrement dans l’obscurité.Leurs tenues blanches tranchent avec le vert environnant qui devient de plus en plus sombre au fil des jeux. Déjà, les chiffres lumineux du tableau d’affichage impriment la rétine si on les regarde trop longtemps. Il reste une demi-heure, quarante minutes maximum de visibilité, et, pour une fois, Gaël Monfils est pressé d’aller se coucher. A 37 ans, le Français d’Arzier-Le-Muids impressionne par la puissance de son service et sa coordination lorsqu’il déploie son 1,93 m pour smasher la balle avec une facilité déconcertante.Lire aussi: A Wimbledon, Viktorija Golubic sèchement battue sous la pluie C’est sur la qualité de son service (12 aces, seulement deux balles de break concédées, toutes sauvées, 10 km/h de plus que Wawrinka sur ses secondes balles) qu’il domine le match. Face à une telle puissance de feu, le Vaudois (de naissance) prend des risques (18 fautes directes) et se retrouve sous pression au service. Wawrinka sauve neuf balles de break, la dixième lui coûte la deuxième manche. La première s’était jouée au tie-break, remportée 7-5 par Monfils sur deux fautes directes de Wawrinka. ### «Ce sera le dernier jeu» Curieusement, les tribunes se sont remplies au fil du match. Plus il était tard et plus les gens entraient. Plus il faisait nuit et plus l’ambiance était chaleureuse. Ces conditions ont partout le don de transcender Wawrinka, qui se souvient alors combien il chérit ces moments. A 39 ans, il sait qu’il n’en vivra plus beaucoup d’autres. Il doit gagner le troisième set. Alors il s’accroche. A 4-3 en sa faveur, 40-40 sur le service de Monfils, il n’est pas loin de son premier break du match. Le point est superbe, les deux joueurs prennent tour à tour l’ascendant, puis Monfils oblige Wawrinka à un lob de défense. Lorsque la balle retombe, toute la tribune derrière la ligne de fond se lève comme aux montagnes russes pour la voir atterrir. Faute. Lire aussi: Novak Djokovic débute par une promenade de santé à Wimbledon En deux coups de cuillère à pot (qui était l’arme d’estoc des corsaires), Monfils a retourné la situation. Il y a désormais 4-4 0-40 sur le service du Vaudois (celui de Saint-Barthélemy), qui ne panique pas, prend son temps, les sauve une à une et conclut son jeu de service sur un coup droit claqué qui déchaîne le public, y compris celui qui tenait pour Monfils. Il y a désormais 5-4 Wawrinka et avant que Monfils ne serve, l’arbitre prévient: «Ce sera le dernier jeu». «Finis le set, Stan!», hurle un spectateur. Pouce levé, Wawrinka lui signifie qu’il partage entièrement cette stratégie. Il s’y emploie mais Monfils ne se laisse pas faire et mène 30-0, puis 40-15. Balle d’interruption, pourrait-on dire. Stan Wawrinka donne tout ce qu’il lui reste pour la remporter. Il glisse dans l’échange et, à vitesse réelle et dans la pénombre, il nous a semblé que son adversaire n’avait pas osé en profiter, se contentant de remettre une balle «jouable». Détail: il gagne tout de même. «Game suspended» à 5-5. La partie reprendra jeudi après-midi, pour deux jeux ou pour deux heures. A l’extérieur du court, Gaël Monfils et Stan Wawrinka, linge blanc sur les épaules comme deux boxeurs, traversent la foule le sourire aux lèvres. La nuit tombe sur Wimbledon et ce match crépusculaire n’a fait ce mercredi que des vainqueurs.