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Maroc Maroc - LE TEMPS - Tous - 12/Aug 03:42

Crises boursières: quand les clients veulent tout vendre

«Vendez tout, c’est un ordre» est une phrase souvent entendue par les gérants lorsque les marchés s’effondrent. C’est aussi la pire décision à prendre, même s’il n’est pas toujours facile de dissuader les clients, expliquent des vétérans des marchés«Je me suis connecté avec le wi-fi de l’avion pour passer quelques ordres afin de déboucler des protections pendant le vol.» Loïc Schmid se trouvait au-dessus de l’Atlantique, lundi passé, alors que les bourses mondiales traversaient des turbulences depuis le vendredi précédent. «J’avais vu avant de décoller que les marchés asiatiques baissaient fortement et, le lendemain, j’ai écrit à mes équipes pour leur donner l’instruction de dénouer certaines positions gagnantes», précise le responsable des investissements du gérant de fortune genevois 1875 Finance, qui a volé vers l’Europe dans la nuit de dimanche à lundi, passant ses ordres vers 8h30 heure suisse.Comme souvent lors de l’histoire économique récente, le mini-krach boursier enregistré autour du premier week-end d’août s’est déclenché dans une période estivale plus calme pour les professionnels de la finance. Emportent-ils leur ordinateur avec eux à la plage? Comment réagissent-ils lors de ces épisodes? Que disent-ils aux clients?### Première décision capitale Ce sont les moments où un gérant peut faire la différence. Lorsque les indices boursiers décrochent de 10 ou 12%, comme le Nikkei l’a fait le 5 août, et que certains craignent la fin du monde. Mais pour en ressortir gagnant, le chemin peut être ardu. La première décision est assez simple à formuler: faut-il sortir du marché ou réduire son exposition, ou attendre que l’orage boursier passe? Nos interlocuteurs sont unanimes: ne rien faire est souvent la meilleure option, ou au moins éviter de prendre des décisions dans l’urgence. Mais cette option qui peut sembler contre-intuitive doit tout d’abord être expliquée aux clients. Lire aussi: Récession ou pas: les marchés à l’affût du moindre signal Dans ce genre de circonstance, «j’ai toujours un œil sur les marchés, je communique rapidement avec mon comité, mon équipe, certains collègues et clients pour leur donner mon avis, ou au moins leur signaler que je suis disponible s’ils souhaitent échanger», poursuit Loïc Schmid. Après deux décennies sur les marchés, le Genevois reconnaît avoir dû contenir l’émotion de certains clients lors de gros chocs, mais finalement avoir eu peu de personnes totalement paniquées. ### Psychologie différente Les clients privés ont une psychologie totalement différente de celle des institutionnels, qui sont plus orientés sur le long terme, moins portés sur les émotions et ont très souvent des objectifs de performance par rapport à des indices de référence bien établis, enchaîne Fabrizio Quirighetti, du gérant d’actifs Decalia: «Les clients privés sont souvent davantage sur la défensive, mettant en avant la préservation du capital. Les moins expérimentés peuvent être choqués lorsque les marchés décrochent, ce qui est compréhensible quand leur épargne personnelle est en jeu.» Comment leur expliquer de ne pas vendre au pire moment, alors? «Il faut communiquer de manière proactive sur les événements, sur la solidité de leur portefeuille (qualité des sous-jacents, exposition à certaines valeurs refuges, pas de risques ultérieurs non désirés) afin de les rassurer et de leur permettre de garder eux aussi la tête froide. S’ils nous répondent “je pensais que c’était pire”, c’est déjà une bonne partie du travail de fait. Il faut montrer qu’il y a un pilote aux manettes du portefeuille», précise celui qui est à la fois responsable des investissements et gérant. «Si un client veut vendre, c’est que son profil de risque a probablement mal été défini – on a souvent une propension au risque beaucoup plus élevée lorsque les marchés montent. On réduira donc son profil de risque, en commun accord avec le client, et on alignera son portefeuille», détaille-t-il. ### Risque de carrière Pas facile de tenir lorsque tout semble s’effondrer, mais en réalité «c’est la conséquence des énormes quantités d’argent gérées de façon systématique, par des algorithmes qui deviennent tous vendeurs en même temps car ils suivent les mêmes fonctions de réaction», avance Yves Bonzon, responsable des investissements chez Julius Baer. De quoi mettre la pression sur les clients, mais aussi les gérants ou directeurs des investissements. «Ces derniers ont un risque de carrière s’ils prennent de mauvaises décisions, surtout s’ils sont relativement jeunes. Cela peut les pousser à ne pas prendre de décision et à «embrasser le benchmark», comme on dit en finance, alors que c’est dans ces moments que l’on peut apporter une plus-value», détaille le Romand, 59 ans. CIO de Pictet pendant dix-sept ans, avant de rejoindre Julius Baer il y a 9 ans dans le même rôle, Yves Bonzon estime que son métier «consiste en premier lieu à empêcher un client de commettre des erreurs, pas à prévoir ce qui va se passer demain». Lire aussi: Sur les marchés financiers, le risque de prophétie autoréalisatrice Selon lui, les professionnels sont sous une pression considérable, souvent face à un dilemme asymétrique: «On ne travaille pas avec des certitudes mais des probabilités. Si vous avez tort, vous êtes en danger commercialement et, si vous avez raison, le client ne mesurera probablement pas la valeur ajoutée de votre conseil.» ### L’écueil de la deuxième phase Les fortes secousses boursières connaissent plusieurs phases, détaille François Savary, une longue carrière de CIO à son actif à Genève: «La première baisse est souvent bien traversée par les clients mais, lorsqu’une deuxième se produit et que la volatilité reste élevée, la psychologie des investisseurs est plus atteinte. Certains, avec une vision à plus court terme, ont tendance à céder et vouloir vendre au pire moment.» La parade selon lui: écouter le client, comprendre sa situation et rassurer ceux qui ont besoin de l’être. Des conseils peuvent être utiles en amont de crises comme celle de début août. «Il y a toujours des clients qui, comme en mai ou en juin dernier, veulent acheter des actions américaines ou des valeurs technologiques, alors que les marchés sont montés en ligne droite depuis longtemps. Il faut les en dissuader, car il est plus dur de s’en remettre lorsqu’on achète au dernier moment», glisse encore François Savary. Qui reconnaît que personne n’a raison en permanence dans son métier ou qu’on peut avoir raison pour de mauvaises raisons. Loïc Schmid, de 1875 Finance, voit trois phases à ces moments d’intense stress: une forte baisse, suivie d’une remontée marquée et d’une capitulation des marchés. «C’est lors de la seconde phase, qui a eu lieu en milieu de semaine passée, qu’il faut sortir.» ### En trois ans, 10% de performance en moins Il arrive qu’un groupe de clients ne soient pas d’accord entre eux, reprend Yves Bonzon, faisant allusion à un cas vécu durant le covid: «Une des deux branches d’une famille voulait liquider toutes leurs actions mi-février 2020, contre l’avis de l’autre. J’ai réussi à leur faire vendre seulement la moitié. Trois ans plus tard, nous avons vérifié les conséquences de cette décision émotionnelle. Elle avait coûté environ 10% de performance, cumulativement. Lorsque j’ai partagé le coût d’opportunité en francs avec ceux qui ne voulaient pas agir, ils ont jugé préférable ne pas en parler à leurs cousins.» Lire aussi: Les bourses mondiales soulagées par la baisse plus forte qu’attendu du chômage aux Etats-Unis Idéalement, il ne faut jamais se retrouver dans une situation où l’on est forcé de vendre, enchaîne Fabrizio Quirighetti, de Decalia. Et c’est là que l’effet de levier, c’est-à-dire emprunter pour investir davantage, peut être fatal. Un investisseur qui dispose d’un patrimoine de 100 et qui a emprunté, en gageant son patrimoine, pour investir 150 au total devra ainsi apporter des capitaux supplémentaires et/ou diminuer son levier, ce qui peut l’obliger à vendre au pire moment. Et au passage alimenter le recul du marché! «C’est pourquoi je n’utilise jamais de levier, nous sommes là pour préserver le capital, pas pour jouer», glisse Loïc Schmid, connu pour se méfier comme de la peste des phases d’euphorie et de cupidité. A l’inverse, il peut aussi être impossible ou très difficile de vendre, par exemple sur le marché obligataire (de gré à gré, contrairement au marché actions centralisé), reprend Fabrizio Quirighetti: «Dans un marché difficile comme lundi passé, il arrive que pour une obligation [qui vaut 100 à l’origine] que l’on souhaite vendre à un prix théoriquement correct de 90, les courtiers ne proposent que 85. Et face à un acheteur potentiel de la même obligation, les courtiers proposent un prix à 92. Dans ce cas, personne ne bouge à moins d’y être vraiment forcé.» * * * ## Convaincre le client qu’il est temps d’acheter **Les phases de correction offrent aussi des opportunités d’achat, à condition d’avoir l’appétit et les moyens d’y aller** Des opportunités d’achat, les phases de correction en proposent toujours à condition d’être en mesure de trier rapidement le bon grain de l’ivraie et d’avoir des liquidités à disposition. En 2008, alors que les marchés actions étaient au plus bas pour cause de grande crise financière et que «le marché obligataire n’avait pas vu d’émissions pendant plusieurs mois, BMW et Volkswagen ont été les premiers à revenir sur le marché en janvier 2009, en proposant des obligations en euros qui payaient 9% par an, se souvient Fabrizio Quirighetti. L’opération avait connu un certain succès car ces deux sociétés, aux réputations à l’époque étincelantes, offraient une prime jugée extraordinaire par rapport à leurs fondamentaux et même par rapport aux conditions du marché qui prévalaient à ce moment.» ### Timing et point d’entrée Mais, là aussi, un gérant aura besoin de convaincre les clients que le timing est bon. Même s’ils disposent de liquidités, l’opération n’est pas toujours facile lorsque leur esprit est focalisé sur la défense et que les choses se déroulent rapidement, comme la correction étalée entre le vendredi 2 et le lundi 5 août. Sans oublier les incertitudes non négligeables pointant toujours à l’horizon, comme actuellement avec les craintes de récession aux Etats-Unis, la géopolitique au Moyen-Orient ou le flou entourant l’élection présidentielle américaine, le Japon ou des pays européens. Lire aussi: Les marchés européens se calment après l’accès de panique de lundi Il faut aussi évaluer si les marchés offrent un point d’entrée attractif. «Actuellement, des facteurs comme l’accélération de la volatilité encouragent à ne pas reprendre du risque rapidement, observe François Savary. Il faut se montrer patient car si certains facteurs déstabilisants ont disparu (Warren Buffet qui vend une grosse partie de ses actions Apple ou le retard de Nvidia dans la production de certaines puces), d’autres sont toujours sujets à question: le yen est-il stabilisé? Quelle décision prendra la Réserve fédérale en septembre? Les opérations de [carry trade](https://www.letemps.ch/economie/finance/mini-crise-sur-les-marches-financiers-en-quoi-consiste-le-carry-trade) sur le yen ont-elles été complètement dénouées? Je ne crois pas.» Le carry trade consiste à emprunter dans une monnaie soumise à des taux d’intérêt bas – au Japon dans l’épisode récent – pour investir dans des pays offrant des taux plus élevés. Ce type d’investissement extrêmement spéculatif, très en vogue ces derniers mois, a joué un rôle important dans la chute des marchés du début août. Le relèvement du taux d’intérêt japonais l’a rendu moins attractif et a poussé les investisseurs à vendre leurs positions, alimentant la baisse des cours. (SR)

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