Maroc - LE TEMPS - Tous - 31/Aug 20:03

Julia Deck à la rencontre du passé de sa mère dans «Ann d’Angleterre»

Quand sa mère chute, le monde de Julia Deck s’effondre. Pour conjurer la catastrophe, l’autrice se lance dans une enquête familiale et littéraire«Et si…?» En littérature, le conditionnel est un temps des possibles et des uchronies, un mode déculpabilisant où cohabitent toutes les versions alternatives d’une même histoire. Brigitte Giraud en avait fait la trame de Vivre vite (Flammarion, Prix Goncourt 2022), décortiquant les derniers jours avant la mort brutale de son compagnon. Dans Ann d’Angleterre, Julia Deck ne peut pas s’empêcher de redistribuer les évènements qui entourent le grave accident cérébral de sa mère. Et si l’autrice n’avait pas houspillé cette femme de 84 ans à l’heure du thé? Et si cette femme, Ann Deck, n’avait pas interrompu quelques jours auparavant son traitement anticoagulant?Néanmoins, les faits sont là. Le moment que Julia Deck a redouté toute sa vie survient de la plus abrupte des manières, avec la découverte de sa mère gisant inconsciente dans sa salle de bains un dimanche après-midi d’avril, entraînant une rupture nette dans le quotidien de l’autrice, alors occupée à défendre son cinquième roman, Monument national (Editions de Minuit). Aux urgences, les spécialistes, avec leur morgue habituelle, laissent peu d’espoir. Julia Deck s’apprête à faire le deuil d’une relation fusionnelle marquée par la complicité intellectuelle des deux femmes, leur farouche indépendance et leurs agacements respectifs. Mais à l’hôpital, quoique lourdement handicapée, la mourante déjoue les pronostics: «Ma mère a perdu le schéma corporel, soit la représentation de son corps […] Les circuits se sont rebranchés sur les mauvaises prises, à commencer par le langage.»Voir plus