Maroc - LE TEMPS - Tous - 06/Sep 05:11

Podcast – Réforme du 2e pilier: duel sous haute tension entre Lisa Mazzone et Philippe Nantermod

«Sous la Coupole» est de retour avec un débat sur la réforme du 2e pilier. A l’occasion du Forum Prévoyance organisé par «Le Temps», le directeur romand d’Avenir Suisse Jérôme Cosandey a posé son diagnostic sur l’état de nos retraites. La présidente des Vert·e·s suisses Lisa Mazzone et le PLR Philippe Nantermod ont croisé le fer«Si on regarde en comparaison internationale, on a effectivement un système qui tient bien la route… » Les propos différenciés et précis de Jérôme Cosandey au début du Forum Prévoyance du Temps, mardi 3 septembre à Lausanne, avaient de quoi rassurer les participants et peut-être désamorcer le débat entre Lisa Mazzone et Philippe Nantermod. Il n’en a rien été.Le directeur romand d’Avenir Suisse a tout d’abord rappelé le credo teinté de libéralisme de son laboratoire d’idées. Le premier pilier, basé sur la répartition, est «vacillant». Le troisième pilier, basé sur l’épargne privée, «a du potentiel». Le deuxième pilier est «résilient».Globalement, il a souligné la solidité de l’édifice malgré des années de turbulences entre crise des marchés financiers en 2008-2009 et covid: «Aujourd’hui, les rentes sont payées à tous les retraités. La large majorité des retraités sont quand même dans une situation financière où ils arrivent à payer leurs factures.» Au moment d’aborder plus précisément la situation du deuxième pilier, Jérôme Cosandey a souligné que l’urgence est moindre qu’il y a quelques années: «En 2010, quand on a parlé la première fois de cette réforme, la situation était beaucoup moins confortable. Entre-temps, les organes paritaires, les représentants des employés et les représentants des employeurs ont pris leurs responsabilités et ont ajusté le financement de la prévoyance; 85% des 1400 caisses ont déjà fait le travail et ça montre la force d’un système décentralisé.» En résumé, pour Jérôme Cosandey, la réforme concoctée par le parlement arrive un peu comme la cavalerie dans une aventure de Lucky Luke: en retard. ### Philippe Nantermod assume: «Oui, c’est idéologique» Alors, précipitation ou urgence? Deux poids lourds de la politique fédérale en ont débattu. Le partisan Philippe Nantermod, conseiller national libéral-radical, face à l’opposante Lisa Mazzone, présidente des Vert·e·s suisses. Face aux participants du Forum Prévoyance du _Temps,_ l’élu valaisan a défendu l’esprit et la lettre du système des trois piliers: «Nous ne voulons pas de redistribution dans la LPP. Le 1er pilier est un pilier de redistribution pure, c’est un pilier de solidarité. Le 2e pilier est un pilier de capitalisation. Et nous tenons à la logique du système, où les gens cotisent dans le 2e pilier pour leur propre prévoyance de vieillesse.» Une approche un peu rigide, voire idéologique? Philippe Nantermod assume: «Oui, c’est idéologique. Et de temps en temps, on a besoin d’idéologie. Je fais de la politique parce que j’ai des idées, j’ai des valeurs. Et parmi ces idées et ces valeurs, je crois à l’épargne individuelle, je crois au mérite. Je pense que quand les gens travaillent, ils doivent mettre de l’argent de côté. C’est le système du 2e pilier.» Concernant le texte proposé, si c’est oui, Philippe Nantermod admet «qu’on n’aura pas révolutionné le système, ce n’est pas le but. On l’aura simplement amélioré», notamment pour ces «15% d’assurés qui ont un taux de conversion minimum trop élevé impliquant un transfert entre les actifs et les rentiers qui n’est pas juste». Autre avancée: la situation des bas revenus: «Il faut que la LPP soit accessible aussi pour les petits revenus. C’est l’essentiel de cette réforme.» ### Pour Lisa Mazzone, il n’y a ni urgence ni avancées dans ce projet LPP Pour Lisa Mazzone, il n’y a, au contraire, ni urgence ni avancées dans ce projet LPP: «Si vous prenez le dernier rapport de Swisscanto (sur l’état de la prévoyance professionnelle), quelle est la conclusion? Que les caisses de pension arborent une santé florissante: leurs réserves sont bien remplies et ouvrent à nouveau des perspectives d’amélioration des prestations.» La présidente des Vert·e·s poursuit: «Et qu’est-ce qui est proposé ici par le parlement? Ce sont des perspectives, malheureusement, pour trop de personnes, de baisse de rente et surtout une réforme qui coûte extrêmement cher pour les personnes concernées. Autre défaut de cette réforme, elle ne corrige pas les inégalités hommes-femmes, «massives». Pour la Genevoise, il y a un autre problème majeur: «Là je pense que c’est de l’idéologie. On veut à tout prix faire rentrer les bas salaires dans un système qui est trop cher. Il y a une sorte d’obligation d’épargne pour des personnes qui n’en ont pas les moyens… Vous allez vous retrouver avec une retraite à 500 francs par mois. De toute façon, vous ne tournez pas. De toute façon, vous allez avoir recours aux prestations complémentaires.» Le duel Mazzone-Nantermod n’a pas déçu à l’occasion du Forum Prévoyance. Tous deux excellents connaisseurs du dossier, bien préparés et en grande forme post-estivale, chacun dans son style, la Genevoise et le Valaisan ont croisé le fer, exposant deux visions claires, résolument opposées, quasi irréconciliables. Un bon moment de politique entre deux talents d’une même génération.