Maroc - LE TEMPS - Tous - 06/Sep 15:22

Après de nouvelles accusations de violences sexuelles contre l’Abbé Pierre, la Fondation va changer de nom

Un rapport compile les témoignages de 17 nouvelles victimes, parmi lesquelles des Suissesses. Certains des faits concernent des mineurs ou relèvent du viol. La Fondation change de nom et Emmaüs ferme le lieu dédié à la mémoire de son fondateurBaisers imposés, fellations forcées, propos à caractère sexuel: sept semaines après l’onde de choc provoquée par des premières révélations, un rapport rendu public ce vendredi lance une nouvelle salve d’accusations contre l’Abbé Pierre, figure de la lutte contre la pauvreté en France et décédé en 2007. A la suite de ces nouveaux témoignages, la Fondation Abbé-Pierre annonce un changement de nom. De son côté, Emmaüs ferme définitivement le lieu de mémoire dédié à son cofondateur, situé à Esteville dans la Seine-Maritime.Selon le rapport du cabinet spécialisé Egaé, mandaté à la fois par la Fondation et Emmaüs, «à ce jour, il est possible d’identifier au moins 17 personnes supplémentaires ayant subi des violences» de la part de l’Abbé Pierre. Les faits se sont déroulés entre les années 1950 et 2000, surtout en France, mais aussi aux Etats-Unis, au Maroc ou en Suisse.Les personnes qui ont témoigné sont des bénévoles d’Emmaüs, des salariées de lieux dans lesquels l’Abbé Pierre a séjourné, des membres de familles proches du prêtre ou encore des personnes rencontrées lors d’événements publics. Elles racontent des attouchements «non sollicités sur les seins», des «baisers forcés», des «contacts sexuels répétés sur une personne vulnérable», des «actes répétés de pénétration sexuelle» et encore des «contacts sexuels sur une enfant». ### 17 nouveaux témoignages Parmi les nouveaux témoignages, il y a celui d’une femme qui a adressé une lettre à la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise. Elle affirme avoir «dû assister à des masturbations de l’Abbé Pierre et avoir été forcée à réaliser des fellations dans un appartement parisien» en 1989. La famille d’une autre, décédée aujourd’hui, rapporte qu’elle avait été «forcée de masturber» l’Abbé Pierre à Rabat, au Maroc, en 1956. Une troisième femme témoigne avoir subi, en 1974 et 1975, des «baisers forcés» et «des contacts» non sollicités alors qu’elle avait 8 à 9 ans. Selon un autre témoignage, l’Abbé Pierre aurait également imposé des contacts physiques non sollicités à une femme alors qu’il était député à l’Assemblée nationale, en 1951. Selon la directrice d’Egaé, Caroline De Haas, «certaines parlaient pour la première fois de ce qui leur était arrivé et revivaient les faits en même temps qu’elles les racontaient.» ### Interrogations sur Emmaüs et la Fondation Publiée le 17 juillet dernier, la première vague de témoignages contre l’Abbé Pierre avait provoqué une onde de choc en France. La Conférence des évêques de France avait exprimé sa «douleur» et sa «honte». Ces premières accusations avaient aussi soulevé des interrogations sur les informations dont disposaient Emmaüs et la Fondation. «Le rapport indique que des personnes ont pu être informées à titre individuel mais pas en tant que mouvement», affirmait au début août le délégué général d’Emmaüs International Adrien Chaboche. Dans un communiqué commun publié ce vendredi, la Fondation Abbé-Pierre, Emmaüs France et Emmaüs International réaffirment leur «soutien total aux victimes», saluent «leur courage» et assurent être «à leurs côtés». En plus du changement de nom de la Fondation et de la fermeture définitive du lieu de mémoire d’Esteville, la mention «fondateur Abbé Pierre» devrait être prochainement supprimée du logo d’Emmaüs France. ### Nouvelle commission indépendante Une commission indépendante chargée «d’expliquer les dysfonctionnements qui ont permis à l’Abbé Pierre d’agir comme il l’a fait pendant plus de 50 ans» sera créée. L’Abbé Pierre «a porté une voix, un élan, qui ont entraîné des vagues de solidarité, l’importance de son action constitue un fait historique» mais «nous sommes désormais confrontés à la douleur insupportable qu’il a fait subir», écrivent les deux organisations. «Nos décisions sont donc impératives par respect pour les victimes qui ont pris la parole mais aussi pour les bénévoles, les salariés, les compagnes et les compagnons du Mouvement, les soutiens et les donateurs, dont l’action au quotidien serait entachée d’un malaise profond si rien ne changeait», ajoutent-elles. Mis en place en juillet, le dispositif d’écoute et d’accompagnement restera quant à lui «ouvert et disponible jusqu’à la fin de l’année». Lire aussi: L’abbé Pierre est accusé d’agressions sexuelles par plusieurs femmes