Maroc - LE TEMPS - Tous - 08/Sep 07:34

«Une bonne chose de faite», un feuilleton de Jérémie Gindre. Episode 2: «Bien choisir sa bûche»

FEUILLETON. L’artiste et écrivain Jérémie Gindre, lauréat d’un Prix suisse de littérature en 2024, livre en exclusivité pour le magazine T une nouvelle mettant en scène les protagonistes d’une formation en apiculture forestière ancestrale dans les montagnes helvétiques. Le Genevois a également réalisé tous les visuels qui accompagnent ce récit initiatiqueSur un parking en terre et gravier, douze billots de bois ont été dressés en arc de cercle. Ce sont de grosses pièces d’épicéa, de taille humaine, massives, beaucoup plus grandes que ce que Damian a imaginé. Elles se tiennent à bonne distance les unes des autres, disposées comme les menhirs d’un cercle mégalithique. Cernée par la forêt, cette assemblée de troncs semble attendre le début d’un rituel mené par une secte dont les membres, un peu intimidés, doivent maintenant se présenter.Il y a d’abord Jakob, apiculteur depuis déjà dix ans et propriétaire d’un bois dans le Toggenburg. Jonas et Corina, actifs au sein d’une coopérative qui cultive un jardin en permaculture à Zurich. Annemarie, de Rapperswil, qui se définit «simplement comme une amoureuse de la nature». Andreas, anthropologue en thèse à l’Université de Neuchâtel, qui s’intéresse aux relations humains/abeilles. Manfred, viticulteur biodynamique à Uster. Irene, venue de Coire et Alberto, venu du Tessin, à qui sa femme et sa fille ont offert cette formation pour son anniversaire. Damian est rassuré d’apprendre qu’il n’est pas le seul novice. Alberto raconte quand même que son grand-père était apiculteur et qu’enfant, il adorait le suivre au rucher pour le regarder manier ses cadres et ses instruments dans un halo de fumée, comme un magicien. «Oui, moi aussi!» réplique Irene. «Mais qui n’a pas un grand-père apiculteur?» plaisante-t-elle, et tout le monde rigole, même Damian, pour qui ce n’est pourtant pas le cas. C’est maintenant son tour et il reçoit l’approbation du groupe en confiant sa volonté de proposer aux enfants un modèle de ruche éducative, alternatif à l’élevage. Après lui se présentent encore Hasan, prof de biologie au chômage après un burn-out et apiculteur à Winterthour, puis Adrian, mécanicien-conseil dans un magasin d’outils agricoles aussi à Winterthour et pour finir un deuxième Andreas, éducateur spécialisé qui «s’intéresse pas mal au chamanisme apicole». Aux exclamations curieuses de certains participants, il répond en souriant et par ces mots: «Je n’en dirais pas plus pour le moment.»Voir plus