Maroc - LE TEMPS - Tous - 31/12/2024 08:25

«L'Amour au présent», anatomie d'une histoire d'amour

Des événements déchronologisés redonnent un peu de fraîcheur à «L'Amour au présent», romance portée par le charme de Florence Pugh et Andrew GarfieldEn ces temps dominés par la dénonciation d'abus passés, présents et même futurs, l'apparition d'un vrai film romantique fait figure d'anomalie. Qu'il paraît loin le temps où les comédies avec Meg Ryan, Julia Roberts, Sandra Bullock ou Jennifer Aniston occupaient le devant de la scène! Pour redonner un peu de confiance aux amoureux, voici une drôle de proposition: une love story complète, sans violences ni désamour, mais racontée de manière déconstruite plutôt que de A à Z, ce qui aurait semblé trop banal. De quoi dérouter un peu, jusqu'à des traducteurs dépassés qui ont préféré remettre à plat la principale originalité de ce We Live in Time («Nous vivons dans le / à temps») par un lamentable L'Amour au présent. Malgré des prénoms allemands peu usités, l'histoire d'Almut et Tobias se déroule en Angleterre et sort de l'imagination du dramaturge Nick Payne, spécialiste de ces questions temporelles et mémorielles (les pièces Contellations et Elegy, les scénarios adaptés de The Sense of an Ending et The Last Letter from Your Lover). Elle débute par le réveil matinal d'un couple installé à la campagne avant de reprendre avec leurs vies de célibalaires en ville, puis encore des scènes de leur attente d'un enfant. Bientôt, ce sera leur rencontre littéralement accidentelle, puis l'annonce d'une maladie grave. Ce qui paraît d'abord mystérieux ne l'est pas tant que ça sinon que le Temps en soi reste LE grand mystère, ramené ainsi à l'avant-plan. Plus confettis que dentelle Pour le reste, la rencontre entre cette cuisinière et cet employé marketing serait d'une banalité à pleurer, n'était le charme et l'alchimie de ses interprètes, Florence Pugh (Midsommar, Little Women, Don't Worry Darling) et Andrew Garfield (Boy A, Silence, Under the Silver Lake). Jamais leur différence d'âge d'une bonne décennie n'est perceptible et c'est son personnage à elle, plus complexe et premier sujet des drames traversés, qui prend le dessus. Bien plus gênante est cette manière de tout vouloir ponctuer par des blagues dont l'humour paraît vite forcé: entre la comédie façon Love Actually et le drame à la Love Story, il faudrait savoir choisir. Lire aussi: Les comédies romantiques, ce cœur qui bat toujours à plein régime Alors que Tobias est tôt convaincu d'avoir trouvé la femme avec qui se marier et avoir des enfants, Almut, une ex-patineuse artistique de nature plus compétitive, garde d'autres priorités. D'où un semblant de suspense, même si l'on sait déjà que l'enfant est né, entre ses ambitions culinaires (remporter un concours télévisé) et l'avancée du cancer... On le voit, s'il fait des confettis avec sa ligne temporelle, le scénario ne fait par ailleurs pas dans la dentelle!A la réalisation, l'Irlandais John Crowley (Brooklyn, Le Chardonneret) s'en sort bien, sachant rendre touchantes bien des scènes guettées par le cliché. Mais son talent conventionnel se perçoit malgré tout, tant nos esprits sont devenus habitués à ce genre d'exercice de gymnastique narrative. A l'époque de Everything Everywhere All at Once et The Substance, We Live in Time ressemble pour finir surtout au flash-back d'une époque révolue, où l'amour pouvait paraître comme une solution relativement simple à tout. «L'Amour au présent (We Live in Time)», de John Crowley (Royaume-Uni – France, 2024), avec Andrew Garfield, Florence Pugh, Grace Delaney, Lee Braithwaite, Aoife Hinds. 1h47