Maroc - LE TEMPS - Tous - 16/Jul 16:12

A Conny-Land, entre montagnes russes et otaries patagoniennes dans la pampa thurgovienne

ARTICLE À ÉCOUTER. A quelques pas du lac de Constance se cache le plus grand parc d’attractions de Suisse: Conny-Land. Une fourmilière du divertissement dont l’histoire recèle dauphins, lions de mer et royauté monégasqueLa paisible campagne thurgovienne, quelque part entre Engwilen et Wigoltingen. Des vaches laitières, des champs de patates. Et soudain, piquetant l’horizon monotone: un colossal tronc d’arbre. Comme décapitée par un Megatherium du pléistocène, la protubérance incongrue percée d’une lucarne laisse passer des nacelles. Elle est flanquée d’un château en carton-pâte, d’un grand phare triste dépourvu de côte à surveiller, du toit d’une pagode chinoise et, silhouette indissociable de tout parc d’attractions qui se respecte: des armatures décharnées de terribles montagnes russes – déjà enveloppées de cris d’enfants prêts à dégobiller le mix frites-bonbons-glace pistache qui ricoche dans leurs estomacs. Archétype du parc de loisirs «à l’ancienne», Conny-Land semble appartenir aux plaines du Kansas. Toutefois, c’est une histoire suisse, et cela depuis des générations. Celle de la famille Gasser et de son actuel directeur, Roby, personnage haut en couleur qui a parcouru le globe avec Adolph, son fidèle lion de mer. Ecoutez cet article lu par notre journaliste Comment s'est passée votre écoute? C’est un monde qui sent la frite, les schnitzels. Mais aussi les lentilles véganes – nous sommes en 2024. Un monde qui accueille deux catégories de personnes: des enfants (ou jeunes adolescents) et des parents fatigués. Et où le seul mot d’ordre qui prévale est de s’amuser. Il faut s’amuser. Fort heureusement tout est prévu pour ça. Une fois passée la porte de Conny-Land, la pampa thurgovienne s’efface pour faire place à un univers de merveilles, de rêves et de sculptures criardes en plastique. Le «Conny», comme l’appellent les locaux, n’est rien de moins que le plus grand parc à thème du pays. Et les divertissements y sont sans limites. ### Ozzy, Pablo, Luna, Missy, Julie et Lucy Il y a le circuit «Dino-Attack», qui balade les visiteurs en voiturette au milieu d’effrayants robots dinosaures (qu’il s’agit de descendre avec une sorte de pistolet laser). Le bateau pirate, qui balance ses occupants d’avant en arrière jusqu’à ce que leur œsophage remplace leur pomme d’Adam. Le «Space-Shot», dont la nacelle chute dans le vide le long d’une tour de 56 mètres de haut. Le «Crazy Professor», dont le concept est similaire, mais au sein d’une structure plongée dans le noir. Et il ne s’agit là que des amuse-bouches. Le sanctuaire du divertissement abrite également le «Cobra», _roller coaster_ (en allemand dans le texte) qui hisse ses passagers à 36 mètres de haut avant de les secouer sur plusieurs loopings à une vitesse atteignant 85 km/h (très intense). Un parcours de bûches sur l’eau, des toboggans, des autos tamponneuses, de l’accrobranche, un «temple laser» où il s’agit d’éviter les rayons «comme Tom Cruise dans _Mission impossible_», une place de jeu aquatique, des flamants roses. Et surtout, stars incontestables des lieux: Ozzy, Pablo, Luna, Missy, Julie et Lucy: six otaries à crinière de Patagonie. Les mammifères et leurs dresseurs donnent non seulement un «show» en milieu d’après-midi, mais pour un supplément de 70 francs, petits et grands peuvent même décrocher l’opportunité inoubliable de barboter en leur compagnie. Cerise sur le croissant, il est même possible de «prendre son déjeuner» avec les otaries. Les photos d’enfants béats couverts de confiture enlaçant des palmipèdes à l’œil bovin affichées sur le site sont tout à fait saisissantes. Jusqu’en 2013, ajoute Roby Gasser, le parc était également – et avant tout – connu pour ses dauphins. «Nous avions la plus grande lagune artificielle d’Europe, sourit le directeur depuis le bureau qu’il occupe en plein centre du complexe. Elle était juste là.» Mais les temps ont changé. ### Roby, Adolph et Ronald Reagan Retour au XIXe siècle. Longtemps avant que ne germe Conny-Land, la destinée artistique de la famille Gasser débute avec l’illustre Heinrich (1880-1938). Le chef de clan intègre un cirque de Strasbourg en 1898 puis fonde sa propre troupe. Son fils Ludwig crée par la suite le Zirkus Royal (1963), qui sera repris par son propre descendant, Bruno, et son frère Konrad – dit «Conny» –, le père de Roby. «Nous étions une famille de cirque, explique ce dernier. Toujours en mouvement. Mais en hiver, nous restions généralement en Thurgovie nous reposer un peu. Et puis ma mère en a eu assez d’être toujours en déplacement. Et mon père a lancé l’idée du parc. Au début, c’était juste une tente dans un champ!» Fondé en 1982, le domaine ouvre trois ans plus tard le «delphinarium le plus moderne d’Europe». L’aventure est lancée. Roby Gasser, qui n’a lui pas perdu le virus du voyage, poursuit pendant ce temps une carrière prolifique d’acrobate international qui l’envoie virevolter avec Adolph de Paris à Las Vegas en passant par Londres et New-York où il performe devant Ronald Reagan, Margaret Thatcher, François Mitterrand, Michael Jackson, Bill Cosby, Mohamed Ali… La galerie photo des Gasser est gargantuesque. En Thurgovie, les parents du saltimbanque développent Conny-Land. Les affaires sont bonnes, le futur semble garanti… Jusqu’au début des années 2000. En l’espace de quelques mois, un bébé dauphin meurt une semaine après sa naissance, une dauphine fait une fausse couche et un troisième animal meurt d’un cancer des poumons. La pression monte sur la direction, dans l’œil des défenseurs des animaux (bizarrement moins concernés par la destinée actuelle des otaries du parc). Mais les Gasser n’abandonnent pas: ils agrandissent la lagune, deux nouveaux dauphins y naissent, baptisés par Caroline de Monaco en personne, et la polémique se calme. Temporairement. ### «Carpe diem» Car en 2007, Conny décède… suivi de six dauphins en trois ans. La discussion concernant leurs conditions de détention reprend alors de plus belle. Jusqu’à ce que le couperet tombe. En 2012, une révision de la loi sur la protection des animaux interdit l’importation de cétacés. Or les derniers dauphins de Conny-Land sont une mère et ses deux rejetons mâles, ce qui enterre toute perspective de reproduction. Le 20 octobre 2013, les dauphins des Gasser performent une dernière fois. Et une époque se termine. Au plus grand désespoir des visiteurs comme des exploitants: «Nous avons immédiatement perdu 53% des entrées, raconte Roby Gasser. Il s’en est fallu de peu que nous ne mettions la clé sous la porte.» Mais jamais à court d’idées, les forains investissent dans de nouvelles attractions, agrandissent le parc jusqu’aux limites des zones à construire, bidouillent. «Et ces dernières années, nous remontons gentiment la pente», dit le patron des lieux. Qui exploite également le cirque de Noël Conelli en ville de Zurich. «Comme il n’est plus possible de s’étendre, le plan est désormais de gagner en hauteur, indique Roby Gasser. Comme en ville! Pour nous assurer de séduire les nouvelles générations, nous faisons également attention de proposer davantage d’attractions accessibles aux jeunes enfants. Il faut créer des junkies à l’adrénaline dès le plus jeune âge.» Le problème principal du parc est surtout à chercher du côté des nouveaux voisins, qui se plaignent constamment du bruit, estime-t-il en roulant des yeux. Mais qu’à cela ne tienne. La cinquième génération de Gasser s’active déjà au côté du patriarche, annonce fièrement ce dernier. De nouvelles montagnes russes sont en construction. Et les carpes de l’étang du parc – symboles de persévérance et de résilience au Japon – sont «totalement obèses», rit un employé. Un signe indubitable que Conny-Land a encore un bel avenir devant lui. Ou qu’il faut urgemment réduire la taille des barquettes de frites des visiteurs ichtyophiles. * * * ### Conny-Land, mode d’emploi **Quand y aller?** Conny-Land est ouvert d’avril à octobre, tous les jours de mi-juillet à mi-août, avec des fermetures en début de semaine en dehors de cette période – les jours de fermeture sont annoncés sur son site. Quant aux horaires, ils sont toujours les mêmes: de 10h à 18h. **Comment y aller?** Le parc se trouve à Lipperswil, près de Kreuzlingen, dans le canton de Thurgovie – un vrai périple pour les Romands. En transports publics, compter une grosse heure à partir de Zurich, en train jusqu'à Weinfelden ou Frauenfeld puis en bus, qui s'arrête à côté du parc. En voiture, via l'A1 et l'A7, le trajet prend une quarantaine de minutes depuis Zurich. Le parking coûte 5 fr. pour la journée. **Combien ça coûte?** L’entrée coûte 33 fr. pour les adultes – c’est-à-dire les plus de 12 ans – et 29 fr. pour les enfants de 4 à 11 ans et les plus de 65 ans, à condition de prendre son billet en avance et en ligne. Un surcoût de 2 fr. s’applique sur les billets achetés en ligne pour le jour même, et de 4 fr. pour les billets achetés aux caisses du parc! Un abonnement de saison coûte 125 fr. pour le tarif adulte et 105 fr. pour le tarif réduit. Le petit-déjeuner avec les otaries, qui inclut l’entrée au parc, coûte respectivement 48 fr. 90 et 44 fr. 90 – il faut réserver la veille avant 15h, pour une entrée à 9h30. **Qu’y manger?** Outre la susdite collation matinale, le restaurant self-service de Conny-Land propose les classiques hamburgers ou saucisses-frites, un bar à salade, un buffet de pâtes, ainsi que quelques plats plus élaborés – compter de 10 à 25 fr. par personne. Le parc dispose également d’un café, d’un stand de hot-dogs et d’une petite pizzeria, pour un snack sur le pouce. **Pour plus d’informations:** [www.connyland.ch](https://www.connyland.ch/) (en allemand uniquement).