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Maroc Maroc - LE TEMPS - Tous - 08/May 06:18

Episode 2: stratégie, quand tu nous tiens

Si l’été est la haute saison des ventes, celles-ci n’occupent pas tout l’esprit de nos entrepreneurs. La pause estivale est aussi l’occasion de faire le point, se recentrer sur ses objectifs, préparer la suite, garder un coup d’avance. C’est ce que fait Miloo, dans les hauteurs de Verbier, entre deux salons spécialisés et Wepot, dont les dirigeants s’octroient un temps de séminaire interne, pour penser au futurPauline, Clément et Quentin voulaient s’échapper une semaine en montagne, pour prendre du champ sur leur entreprise et planifier leur stratégie de développement. Finalement, questions de budget et d’agenda, c’est dans leurs locaux, dans la touffeur de l’été finissant qu’ils s’astreignent à l’exercice. La semaine tire à sa fin, la chaleur engourdit tout, mais les jeunes entrepreneurs restent fidèles à la structure de travail élaborée par Quentin. En matinée, ils ont chacun travaillé et échangé leurs propres motivations. Cette après-midi, place à la clarification de leur vision d’entreprise. Face à leurs deux canapés, un tableau, trois colonnes : valeurs, passions, vision. La discussion s’engage autour de ce dernier terme. Les semaines de 50 heures, ok, les imprévus à gérer, d’accord. Mais pour aller où, exactement ? Une phrase émerge de leurs premières réflexions :«propager l’éco-industrie, recentrer l’économie»Mais à peine ces mots posés, l’équipe les reconsidère. « Propager ou accélérer ? », interroge Clément. La question n’a rien d’anodin. Le choix du vocabulaire ouvre tout un débat sur le rôle et la responsabilité de la startup dans la transition écologique. Wepot doit-elle encourager ce mouvement ? L’accompagner ? > Moi, je suis pas en mode « en révolution et que tout le monde nous suive ». ![En matinée, les membres de l’équipe ont travaillé et échangé sur leurs motivations personnelles. — © Maud Guye-Vuillème](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/43ee89fc-ed94-4ede-989b-06b24d707ed2 "En matinée, les membres de l’équipe ont travaillé et échangé sur leurs motivations personnelles. — © Maud Guye-Vuillème") **Clément** : « Pour moi, la transition, c’est quelque chose qu’on va tous subir, une notion de base, qui décrit ce qui va se passer.» **Pauline** : « Pas d’accord ! On est déjà dans quelque chose en train de se produire... Sauf que nous, et ceux qui anticipent la transition, on va pas le subir de la même manière que d’autres...» **Clément** : « D’accord, mais c’est pas nous qui changeons le comportement des gens... C’est le réchauffement ! On n’est pas des activistes !» **Quentin** : « Pour moi, on a le même rôle que des activistes... Mais autrement. On met en place des choses pour que les convictions d’autres personnes puissent voir le jour...» **Clément** : « Moi, je suis pas en mode “en révolution et que tout le monde nous suive”.» **Quentin** : «Naaan, mais on n’a pas dit changer le monde ! Juste avoir un impact positif sur la planète.» **Clément** : «Oui ok, alors. On ne veut pas être révolutionnaires. “Impact positif”, ça nous correspond mieux: faire ce qu’il faut à notre niveau. Je veux pas qu’on donne l’image “toi change, mange moins de viande!”» **Quentin** : «Voilà... Par contre on peut dire : “si tu veux changer, on est là!”» **Pauline** (qui a pris le relais de Quentin au tableau) : «Faut que notre vision soit carrée, impactante, simple. Et faire simple c’est dur. Ça sonne comment, notre phrase, en anglais ? Worldwide positive impact ?» Et chaque mot est ainsi débattu, traduit, repris. Pour souffler un peu, Quentin partage une photo de l’équipe en train de brainstormer sur les réseaux sociaux avec cette légende: «Qui veut participer au séminaire Wepot? Des idées?» Dans l’atelier juste à côté, Fernando en plein finissage d’une série d’ollas s’interrompt et poste en réponse: «augmentation des salaires!!!!» Éclats de rires des trois cofondateurs qui partent faire une pause. Alors que des conflits graves sur l’eau essaiment à travers toute la planète, que ce bien est plus précieux que jamais, il n’a pas encore émergé dans leurs discussions. Est-ce qu’ils ne se voient pas devenir les champions de l’irrigation, les experts des jardins de demain, les protecteurs de l’or bleu? > Demain ou dans dix ans, on sera peut-être dans les panneaux solaires, on sait pas. Sur ce sujet, tous trois sont alignés : «notre passion c’est pas tellement les ollas, en fait. Ce qui nous tient à cœur c’est d’avoir un impact. Quel que soit le domaine. Demain ou dans dix ans, on sera peut-être dans les panneaux solaires, on ne sait pas », m’expliquent Pauline et Clément. Quentin aimerait dupliquer leur modèle d’usine locale à l’échelle de la planète. Ce qui fait rêver Clément, c’est de fonder un jour une sorte de lieu (« un château ! », d’après un concept qu’il a vu en France) regroupant des innovations techniques et écologiques. Pauline qui connaît les rouages de l’industrie du luxe pour y avoir travaillé prend plaisir à tirer des équipes vers le haut. Et tous trois de citer des copains de promo qui travaillent pour «de grosses entreprises» parfois totalement en désaccord avec les valeurs de leur employeur, ou malheureux dans leur poste, et placés devant un avenir balisé et tout tracé. Ce qui anime les fondateurs de Wepot, c’est au contraire la liberté immense de l’entrepreneuriat, la sensation d’être maîtres de leur destin. Un métier qui peut exiger d’apprendre très vite à bricoler un four, mais leur ouvre surtout un horizon d’inconnus et de possibles, laissant libre cours à leurs rêves. Et d’être eux-mêmes tout le temps. Retour en brainstorming. «Bon j’ai tapé “vision d’entreprise” sur Google», reprend Quentin, «le premier résultat qui est sorti c’est: “Contribuer au développement durable de la société et de l’environnement avec lequel nous interagissons”». La phrase provient d’une multinationale de fast-fashion. Et elle fait exploser de rire Clément et Pauline. Dans l’heure, les trois cofondateur·rices s’arrêtent finalement sur leur propre vision: «Créer des produits fiables à impact, ancrés dans l’économie locale et dupliquer ce modèle à travers la planète» Reste désormais à dégager les priorités de développement de la marque. Et à penser leurs rôles respectifs pour les mois à venir, qui s’annoncent chargés. Car en 2024, Wepot s’est fixé un objectif « spécifique, mesurable, ambitieux, réaliste et défini », comme le veut une méthode : atteindre le million de francs de chiffre d’affaires. * * * ### Pour Miloo, qui a déjà cinq ans d’existence, le million de francs a déjà été atteint , la question des rôles respectifs se pose moins. À chacun sa spécialité, à Daniel les choix d’innovations techniques, à Anna les décisions de communication et de marketing. Et la stratégie se construit en permanence entre ces deux pôles. Au Verbier E-bike festival, rencontre dédiée au vélo électrique organisée à la mi-août, sous le dôme blanc de leur stand momentanément désert, Anna et Daniel ne perdent pas une seconde, le clavier de leurs ordinateurs crépite. Ils le lâchent cependant dès qu’un visiteur pointe le bout de son nez, proposent des essais, présentent leurs modèles, répondent aux questions («mais ils sont énormes vos vélos, pourquoi ?»). ![Miloo présent au Verbier E-bike festival. — © Maud Guye-Vuillème](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/0b7e9385-f8a9-4676-9670-84d4f28628fb "Miloo présent au Verbier E-bike festival. — © Maud Guye-Vuillème") > Désormais, la bataille est totale. La semaine précédente le couple assurait une présence à Crans-Montana, la suivante ils seront à Gstaad, comme sponsor du Hublot Polo Gold Cup puis ils participeront à l’Open de golf de Crans Montana. Autant d’occasions de croiser d’autres acteurs de l’industrie: Stromer, Moustache... Et de sonder, avec quelques questions, l’ampleur de la débâcle. Car la chute des prix se poursuit. Derrière les sourires affichés pour le public, l’ambiance parmi les professionnel·les est aussi morose que le ciel chargé qui annonce les trombes d’eau à venir ce jour-là. Le détaillant Cyclissimo est en liquidation générale, son stand regorge d’objets soldés, bradés. Autour d’une bière, Nicolas Hale-Woods le charismatique fondateur du Verbier E-bike lui-même me confie sa lucidité sur la situation - même si l’événement en lui-même n’en pâtit pas. «Par rapport au début de saison, désormais, la bataille est totale», résume Anna. «Tout le monde est down. Chaque catégorie de vélo a perdu 20% de sa valeur. L’industrie ne s’en remettra pas. On ne pourra jamais revenir aux prix d’avant.» Ouvertement, des commerciaux affirment à présent qu’il y a «trop d’acteurs sur le marché», qu’une «consolidation est inévitable». Les plus gros esquivent le sujet... ou pensent tirer leur épingle du jeu. C’est le cas de Miloo, dont les deux dirigeants ne s’arrêtent pas aux commentaires et analyses des collègues et concurrents. De leur côté, ils mènent leur enquête, sondent les perspectives, fourbissent leurs armes. C’est au milieu de cet été dévastateur que le couple confirme ses choix stratégiques: il est possible que l’entreprise ne produise plus de nouveau 25 km/h après 2024, m’explique Anna. «Leur prix est passé de 4000 à 2700 francs, à ce compte-là, on ne gagne plus notre vie!». Place au haut de gamme, qui a toujours été leur créneau: Explorer, vélo-cargo et 45 km/h. > Ce projet, c’est l’ADN du mountainbike mixé à celui du vélo de route. À ses côtés, Daniel est même très loin de discuter débâcle: il travaille sur les esquisses de son futur bébé électrique qui s’inspire de la catégorie «gravel», pour le transformer, avec l’ADN Miloo, en véhicule à part entière. « On aura le modèle le plus léger dans la catégorie des 45 kilomètres/heures.» À Verbier, les VTT électriques affichent tous des silhouettes massives, identiques et standardisées. Un seul modèle attire l’œil: un élégant gravel aux lignes fluo et épurées. Exactement la tendance sur laquelle Miloo va capitaliser. «Notre projet, c’est l’ADN du mountainbike mixé à celui du vélo de route. Il est efficace sur chacun de ces terrains. Ses utilisateurs veulent un vélo qui roule à 45 km/h, mais capable de tout faire », m’explique Daniel. Le public cible de ce futur bijou? Sportifs exigeants et jeunes actifs urbains. Mais ce n’est pas tout. Anna devant ses mails, retrouve soudain le sourire : elle a de la peine à y croire, mais elle vient d’avoir un échange prometteur avec l’agent de Marco Odermatt ! Ce jeune champion de ski alpin «un vrai génie, qui gagne tout en ce moment, et hyper sympa», pourrait devenir l’ambassadeur de leur futur modèle... Rien n’est fait. Mais je sens Anna déjà en train de s’emballer : une réponse positive dans ce contexte chaotique offrirait à la jeune marque un sacré coup de pouce pour se démarquer... ![Anna dans l’atelier avec son chien « Miloo ». — © Maud Guye-Vuillème](https://letemps-17455.kxcdn.com/photos/f666c65b-6bc1-4fd8-a874-ac1cdc07e08d "Anna dans l’atelier avec son chien « Miloo ». — © Maud Guye-Vuillème") * * * **A découvrir aussi: le podcast GENILEM** Le Podcast de GENILEM | Sans détour · EP 30 - Créer une marque pour avoir de l'impact

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