Maroc - LE TEMPS - Tous - 29/Apr 05:59

Noam Yaron, le jeune homme et la mer

Après trois défis sportifs en Suisse, le jeune Morgien passe à la vitesse supérieure pour le suivant. En août prochain, le nageur compte rallier la Corse à Monaco. Un périple de 180 kilomètres jamais tenté dans ces conditionsIl s’était pourtant promis cette année de vraies vacances estivales, mais sa soif des défis sportifs hors normes aura eu raison de la douce langueur espérée… Noam Yaron, le Morgien de 27 ans qui a fait des lacs suisses son terrain de jeu, en battant quantité de records entre 2021 et 2023 (notamment la traversée du Léman dans sa longueur), va en effet remettre le couvert cet été. En plaçant la barre encore un peu plus haut, quitte à sortir cette fois de sa zone de confort: adieu, en effet, les eaux douces et – a priori – tranquilles de nos contrées… Bonjour la houle, les courants et la faune marine de la Méditerranée! Car le nageur fou prévoit maintenant de relier à la nage Calvi, au nord de la Corse, à Monaco. Un périple de 180 km qu’il entend réaliser en trois jours et trois nuits, sans jamais se reposer sur un bateau. L’exploit n’a encore jamais été tenté dans ces conditions. Point commun de ses différents défis? La volonté de sensibiliser le grand public à la préservation des eaux et à la biodiversité: «Je vais cette fois traverser le sanctuaire de Pelagos, régi par la France, l’Italie et la principauté de Monaco. L’idée étant de rappeler aux gouvernements leur engagement de préserver les 30% des océans du monde d’ici à 2030, nous explique-t-il. Et quoi de mieux que de traverser l’une des mers les plus polluées au monde pour illustrer le sujet, sachant qu’uniquement 0,23% de ses eaux sont soumises à une protection stricte.»Son exploit de la traversée du Léman, en 2021 – 19 heures et 53 minutes pour parcourir 75 km – avait néanmoins suscité la polémique lorsqu’il l’avait lui-même qualifié de «New World Record». Problème: même s’il avait effectivement largement battu le précédent, il ne l’avait pas effectué selon les règles officielles. «On ne voulait pas investir des milliers de francs pour simplement apparaître dans un livre de records. Et c’est aussi ce qui ce qui se passe aujourd’hui avec ce nouveau défi. Comme pour les précédents, je vais l’effectuer en combinaison, ce qui n’est pas reconnu par certaines organisations chargées d’homologuer ce genre de défis. Mais je refuse de badigeonner mon corps de crème solaire nocive pour l’environnement alors que notre optique est de préserver l’environnement et la biodiversité.»Lire aussi: Dans le Léman, un record en eaux troubles Cette fibre écolo, véritable moteur de ses défis sportifs, n’a pourtant pas toujours été présente chez le créateur de contenu. Elle s’éveille véritablement autour de 2018, alors qu’il est depuis deux ans l’ambassadeur d’un célèbre soda allemand aux couleurs pétantes. «Je débutais dans le marketing et je n’étais pas encore sensibilisé aux enjeux environnementaux. A l’époque, c’était de loin mon plus gros contrat mais je me suis rendu compte que ça ne me correspondait plus et on s’est séparés en 2019. Depuis, quand je collabore avec une marque, j’essaye de changer leur façon de penser en contribuant à faire évoluer leurs produits, leurs packagings.» La natation non plus, son autre pilier fondamental, n’était pas à l’origine son premier choix en matière de sport. A 7 ans, il se tourne d’abord vers le judo. Problème: il est en surpoids et se retrouve du coup face à des adversaires plus âgés, plus expérimentés, qui le font tellement valser que son dos commence à en souffrir. Si bien qu’il est forcé de bifurquer vers la natation pour se muscler le dos. Il ne quittera plus le milieu aquatique. Même après les mots très durs de son entraîneur de l’époque, qui lui recommande d’abandonner face à ses piètres résultats. Mais le petit bonhomme est déjà doté d’une volonté à toute épreuve: «Je lui ai non seulement rétorqué que j’allais continuer mais que je comptais surtout devenir champion suisse…» Ce qu’il deviendra en 2015, en décrochant le titre des 3000 mètres en eau libre. ### Le 7e art, autre passion Déterminé, ambitieux, le Vaudois multiplie surtout les cordes à son arc: il a aussi en poche un bachelor en marketing et communication, a lancé sa propre société de production ainsi qu’une boîte de personnalisation de création de fichiers Excel et Google Sheets pour les entreprises… «Je me définis avant tout comme un entrepreneur. J’utilise mon corps et le sport pour parler de sujets importants et ma notoriété sur les réseaux sociaux pour financer différents projets.» Et dire que le cinéma a failli éclipser tout ça… Rien d’étonnant quand on passe les premières années de son enfance à Tolochenaz, à côté de la maison où vivait Audrey Hepburn. Gamin, il côtoie même une flopée d’artistes dans les coulisses du Théâtre de Beausobre, où travaillait sa marraine. La comédie le titille et ses débuts sur YouTube, en 2015, ne sont qu’une manière de faire ses armes dans le domaine. Il est d’ailleurs repéré deux ans plus tard par une agence de casting américaine et s’envole une semaine à Hollywood pour un programme de cours intensifs. Remarqué par quelques producteurs, il décide de tenter sa chance: «J’étais sur le point d’obtenir un visa et je m’apprêtais à partir vivre là-bas. J’avais même déjà dit au revoir à tous mes amis… Et puis le covid a frappé, gelant automatiquement la procédure… Depuis, j’ai été forcé de mettre ce rêve hollywoodien sur pause, mais je compte bien le réaliser un jour.» En attendant, c’est sur ce nouveau défi que se concentre le Romand: Calvi-Monaco. Départ à partir du 11 août, dès que la météo sera favorable. Il a même monté une plateforme en ligne pour permettre au public d’«acheter» des volumes d’eau – 5 francs le m³, sur [www.calvi-monaco.com](http://www.calvi-monaco.com) – afin de contribuer à la préservation de la zone. Ne reste plus qu’au nageur d’eau douce à surmonter ses craintes par rapport à la faune locale. «Les Pelagos sont d’une richesse folle de ce côté-là et je redoute de croiser requins, méduses ou encore le fameux rorqual commun, un monstre de 20 m de long! Même les dauphins m’impressionnent! Mais je pars avec les meilleures intentions du monde. J’espère que ces espèces le sentiront et se contenteront de m’accompagner paisiblement…». La semaine passée, l’une d’elles n’avait visiblement pas reçu le mémo: la méduse qui l’a piqué au pied le premier jour de son entraînement en mer… On croise les doigts pour les autres. * * * ### Profil **1997** Naissance à Morges. **2015** Fasciné par les youtubeurs américains, il lance sa propre chaîne, Chico Nono & Co. **2023** Maman suisse, papa israélien. Il perd son oncle et son grand-père dans les attaques du Hamas du 7 octobre. **2023** Son 3e défi, un triathlon géant de 750 km à travers les Alpes suisses, permet de découvrir la présence d’une méduse chinoise dans le lac de Saint-Moritz en récoltant des échantillons d’eau. **2024** A partir du 11 août, il tentera de rallier Calvi à Monaco à la nage: 180 km sans jamais sortir de l’eau. **Retrouvez** [tous les portraits du Temps](https://www.letemps.ch/dossiers/les-portraits-du-temps).