A chaque parution des résultats de l’enquête PISA, le discours commun déplore une nouvelle « baisse de niveau ». Dans la presse,...
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Le niveau baisse ! Mais que font les enseignant-es ? Et puisqu’ils/elles ne sont nécessairement pas les seul-es responsables et qu’il est nécessaire de trouver des coupables, que font les parents ? Et, in fine, que font les élèves ? Les discours sur la baisse du niveau sont très présents dans le paysage médiatique et scolaire. Ils ressurgissent à chaque fois que des résultats d’enquêtes internationales de type PISA ou PIRLS sont publiés. Le rythme des réformes censées répondre à ce phénomène s’accélère sans qu’il n’y ait de nette amélioration. Avant de développer notre propos, nous tenons d’abord à préciser que la durée moyenne des études en France s’est allongée depuis les années 1970. En ce sens, le niveau moyen de formation a augmenté sans conteste. Cependant si la période 1985-1995 a été caractérisée par une croissance forte de la scolarisation, dans le détail, il apparaît que l’allongement de la scolarité a augmenté moins vite pour les enfants issus de milieu défavorisé. Ce processus a été qualifié de démocratisation ségrégative (Merle, 2017). Après 1995, un phénomène d’élitisation de l’école se produit. Il correspond à une augmentation du capital éducatif pour les élèves les plus scolarisé-es et à une diminution de celui-ci pour les élèves les moins scolarisé-es. Cela revient à expliquer que, bien que les élèves fréquentent la même école, il y a des acquisitions inégales socialement situées. Finalement, c’est le niveau de beaucoup d’élèves qui baisse alors que celui de quelques-un-es reste stable ou augmente. Nos travaux consistent à essayer de mettre au jour les processus qui peuvent expliquer, au moins en partie, ces acquisitions inégales. Nous nous intéressons plus particulièrement à ces dernières dans la discipline d’enseignement des sciences de la vie et de la Terre (SVT) qui n’échappe pas aux inégalités sociales de réussite scolaire. Les résultats PISA de 2022 en sciences montrent que l’écart entre les élèves les plus performant-es et les moins performant-es s’est creusé depuis 2018, ce qui confirme une dynamique installée depuis le début des années 2000. La performance des élèves les moins performants, en France, a baissé de 14 points alors que celle de ceux les plus performants est restée la même (Charbonnier et Hu, 2023). Le creusement de ces écarts nous semble pouvoir être expliqué par, d’une part, l’élévation des exigences des programmes de SVT et, d’autre part, par une mise en œuvre des programmes variables en fonction des contextes scolaires. Évolution des programmes : une élévation du niveau des exigences L’analyse socio-historique des programmes d’enseignement et des manuels scolaires en 6ème depuis 1958 permet de révéler des évolutions qui vont dans le sens d’une élévation des exigences (van Brederode, 2020). D’abord, si on s’intéresse aux savoirs à enseigner, les programmes les plus anciens sont constitués de monographies consistant en des études morphologiques. L’étude de la structure du vivant prime sur l’étude de son fonctionnement. Entre les années 1960 et 1980, l’importance relative donnée dans les programmes à la structure et à la fonction s’équilibre. Dans les années 1980, l’objectif principal est de « dégager l’unité fonctionnelle de la diversité des modalités d’accomplissement des fonctions et des types d’organisation » (Programme de 1986). Par la suite et jusqu’à maintenant, les fonctions biologiques ne sont plus simplement étudiées pour elles-mêmes, mais elles sont liées à un questionnement sur les relations entre les êtres vivants et le milieu que l’action de l’Homme peut influencer. Cela se traduit par l’apparition dans les manuels de problèmes que les élèves doivent résoudre. Par conséquent, les habiletés cognitives à mobiliser pour apprendre les savoirs du programme ne sont plus les mêmes. L’habileté cognitive principale et majoritairement sollicitée au début des années 1960 est la mémorisation alors qu’à partir des années 2000, il est attendu des élèves qu’ils/elles raisonnent, posent et expliquent des problèmes. Comme indiqué dans les programmes de 2005, l’enseignement des SVT consiste à « expliquer le réel ». En parallèle de ces évolutions, il apparaît également que l’apprenant idéal visé par les programmes d’enseignement et les manuels a changé. Des dispositions, telles que la curiosité ou l’autonomie, qui devaient, dans les anciens programmes, se construire au travers de la fréquentation de l’école sont considérées, dans les programmes les plus récents, comme devant déjà être présentes chez les élèves. En outre, ils/elles doivent également être capables de faire circuler les objets de savoir entre des espaces de socialisation différents : l’école, la famille, les médias… Sur un point précis du programme comme la reproduction des plantes à fleurs, les évolutions sont les suivantes. À la fin des années 1950, il est attendu des élèves qu’ils/elles mémorisent les différentes structures d’une plante à fleurs et qu’ils/elles sachent les reconnaître sur différentes espèces. Autour des années 2010, le programme prône que les élèves soient capables d’exploiter des documents variés pour expliquer que la reproduction des plantes à fleurs obéit à une double nécessité, celle de la pollinisation et celle de la fécondation. De plus, ils/elles doivent mettre en lien des phénomènes tels que la diminution des insectes avec l’agriculture intensive et les conséquences sur les autres espèces vivantes. Tous ces éléments vont dans le sens d’une hausse du niveau des exigences et s’inscrit donc en opposition avec les discours d’une soi-disant baisse du niveau. Cette élévation du niveau ne nous semble absolument pas à regretter. Il est plutôt positif de viser que tou-tes les élèves développent une culture scientifique complexe. Mais pour les enseignant-es, c’est nécessairement plus difficile de faire acquérir aux élèves le contenu de ces programmes. En effet, ils/elles doivent mettre en œuvre des programmes plus complexes pour des élèves dont la part de celles et ceux qui sont éloigné-es de la culture scolaire a augmenté. Dans la suite des travaux qui montrent que la variation des publics scolaires produit des modifications du curriculum réel selon la position sociale dont sont crédités les établissements ou les classes dans lesquelles les élèves sont inscrit-es (Anyon, 1980), nous avons montré que des adaptations dans la mise en œuvre des programmes de SVT pourraient expliquer les apprentissages inégaux socialement situés dans cette discipline. Des adaptations dans la mise en œuvre des programmes de SVT en fonction des contextes sociaux des établissements Dans une enquête s’appuyant sur l’analyse de cahiers d’élèves de 6ème dans des établissements au recrutement social différent (Bautier et van Brederode, 2024), nous avons montré que les élèves, en fonction de la tonalité sociale de leurs établissements, rencontrent des savoirs qui n’ont pas les mêmes potentialités en termes d’accès à la conceptualisation. Ils n’ont pas la même force socialisatrice potentielle au sens où ils possèdent des effets de transformation potentielle des socialisations antérieures différents. Les textes de savoirs sont le résultat visible dans les cahiers du processus d’institutionnalisation. Ce sont souvent les parties des cahiers qui s’appellent « bilan », « conclusion » ou encore « ce qu’il faut retenir ». Nous distinguons trois catégories de textes de savoir. La première correspond à des textes qui ne fournissent que des descriptions. Par exemple, sur le comportement des animaux pendant l’hiver dans les régions tempérées, ils indiquent que certains migrent, certains hibernent, certains restent sur place. Avec les textes de cette première catégorie, les élèves n’ont pas accès explicitement aux raisons et aux nécessités qui fondent les savoirs énoncés. En revanche, ceux de seconde catégorie y donnent accès explicitement. Toujours sur le même thème, ils indiquent que les comportements des animaux sont en lien avec le problème de la disponibilité en nourriture dans le milieu. Il y a alors trois possibilités pour y faire face : se déplacer dans une zone où la nourriture est disponible (migration), ne plus manger pendant la période où la nourriture n’est plus disponible (entrée en vie ralentie) ou encore modifier son alimentation et faire avec la nourriture disponible. Enfin, il y a une troisième catégorie de textes qui regroupe des textes qui ne présentent pas de manière systématique le problème et les raisons qui fondent les savoirs énoncés. Par exemple, le problème de la disponibilité en nourriture ne va être indiqué que pour l’hibernation mais pas pour les autres comportements. Selon nous, ces trois catégories de textes n’offrent pas les mêmes possibilités aux élèves pour conceptualiser et pour modifier leur manière d’interroger le fonctionnement du monde vivant. Ceux de la première catégorie ne peuvent être que mémorisés. Ils ne présentent pas de façon explicite des éléments sur lesquels les élèves peuvent s’appuyer pour aborder des problèmes du même type, ceux de la variation du peuplement du milieu en fonction de la disponibilité en nourriture au contraire des textes de la seconde catégorie qui les font apparaître explicitement. Ainsi, la probabilité que les élèves puissent saisir, au-delà de la description des différents comportements, le problème qui les sous-tend est faible avec les textes de la première catégorie, moyenne avec les textes de la troisième catégorie et élevée avec les textes de la deuxième catégorie. Une analyse statistique montre que les textes de la seconde catégorie sont peu nombreux dans les cahiers, respectivement 5,2 % et 7,2%, selon qu’ils proviennent d’établissements à la tonalité sociale favorisée ou défavorisée. La faible différence entre les deux pourcentages n’est pas statistiquement significative. En revanche, la part que représente les textes de la première et troisième catégorie est statistiquement différente dans les cahiers selon les établissements. Dans les établissements à la tonalité sociale défavorisée, la part des textes de la première catégorie est de 73,9%, celle des textes de la troisième est de 18,9%. Dans les établissements à la tonalité sociale favorisée, ces parts s’élèvent respectivement à 48,8% et 45,5%. Ainsi, ce sont dans les cahiers provenant d’établissements où les élèves ont le plus besoin que l’école leur fournisse explicitement des outils pour penser et pour conceptualiser selon les attendus scolaires, puisqu’ils/elles n’y ont pas nécessairement accès en dehors, que les textes de savoirs en contiennent le moins. Nous n’avons développé dans cette partie qu’une seule adaptation dans la mise en œuvre des programmes, celle qui concerne la nature des textes de savoirs auxquels les élèves ont accès. Mais nos travaux en suggèrent d’autres socialement situées comme, par exemple, le type d’opération cognitive sur lesquelles les élèves sont sollicités. Pour conclure, il nous semble qu’affirmer une baisse de niveau dans l’école contemporaine française n’a pas vraiment de sens. En effet, ce que nous indiquent les résultats des tests internationaux c’est qu’il ne baisse pas pour tout le monde : il y a surtout des acquisitions inégales socialement situées. D’abord, nous avons montré que le niveau d’exigence dans les programmes de SVT n’a absolument pas baissé, bien au contraire. Ensuite, nous avons montré que les acquisitions inégales pourraient s’expliquer par une mise en œuvre des programmes socialement différenciée qui conduit à fournir aux élèves des savoirs à la puissance socialisatrice inégale. Ce constat devrait conduire à développer des recherches pour mettre au jour les difficultés que les enseignant-es rencontrent à mettre en œuvre des programmes qui se sont complexifiés. Cela permettrait de les outiller et ainsi de favoriser les apprentissages de tou-tes les élèves. Marion van BrederodeChargée d’enseignement. IUFE. Université de Genève.
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