Maroc - LE TEMPS - Tous - 10/Mar 04:19

Face au bulldozer Trump, la timidité suisse

ÉDITORIAL. Les bouleversements vécus par la Genève internationale après les coupes budgétaires américaines font réagir le Conseil d’Etat genevois, mais la Confédération tarde à prendre la mesure du choc«Pas à la hauteur des enjeux.» Voilà comment la conseillère d’Etat genevoise Nathalie Fontanet juge la réponse de la Confédération à la crise que traverse le monde. Dans une interview au Temps, la présidente du gouvernement cantonal déplore que Berne réagisse à peine aux bouleversements frappant le système multilatéral et la Genève internationale. La Suisse est pourtant dépositaire des Conventions de Genève, berceau de la Croix-Rouge et… bénéficiaire d’un écosystème pesant des dizaines de milliers d’emplois.Bien sûr, Genève n’est pas sans reproche. Le Grand Conseil a refusé d’aider en urgence les ONG touchées par les coupes de Donald Trump. Aussi fâcheux que soit ce vote, il ne représente pourtant qu’une anecdote en regard des questions vertigineuses touchant le système construit depuis 1945.Lire aussi: Nathalie Fontanet: «La réaction du Conseil fédéral n’est pas à la hauteur» Comment compenser le désengagement américain? Comment l’écosystème international peut-il devenir plus efficace, sans annuler des programmes dont dépendent la vie ou la mort de millions de personnes? Si les Etats-Unis se retirent des structures internationales, qui les remplacera? Comment éviter un monde livré aux caprices des superpuissances? Réflexion stratégique Toutes ces questions méritent une analyse en profondeur et une vaste réflexion stratégique. Vendredi, Karin Keller-Sutter a simplement rappelé que le droit international, les droits de l’homme et la démocratie étaient les valeurs fondamentales de la Suisse. Pas un mot à propos des menaces très précises pesant sur le système multilatéral que notre pays abrite.Il y a bien à redire sur le monde onusien, sur la Genève internationale et sa galaxie d’ONG pas toutes irremplaçables. Pendant trop longtemps, ce système a été, pour paraphraser Clausewitz, la continuation des Etats-Unis par d’autres moyens. Peut-être même qu’un petit régime amincissant ne lui ferait pas de mal.Mais, avec Donald Trump, on entre dans une tout autre dimension. Le président américain ne se soucie pas d’enlever le «gras» de l’ONU. Il veut jeter le bébé avec l’eau du bain, et la baignoire, et toute la maternité. Il dénigre l’ensemble du système multilatéral, mettant dans le même sac des programmes culturels discutables, et, par exemple, la surveillance du virus Ebola en Afrique.Face à ce bulldozer, il serait bon que la Suisse défende plus ardemment ce en quoi elle croit, et rappelle l’importance d’un écosystème qui permet d’agir là où sévissent la guerre, la maladie et la faim. Lire également: Genève, un pôle international saisi par le doute