Maroc - LE TEMPS - Tous - 01/Jul 17:11

«Par leur côté chaotique, les orages sont les phénomènes les plus compliqués à prédire»

Les orages attendus samedi au sud des Alpes ont fait leur apparition plus tard que ce qui était annoncé. En dehors des conséquences sur la tenue d’évènements ce week-end, cette situation montre la difficulté d’établir des prévisions en cas de phénomènes orageuxDepuis samedi, la boîte e-mail de MétéoSuisse déborde de messages courroucés. Pourquoi donc avoir lancé une alerte pour des orages violents – contraignant de nombreuses fan-zones à garder leurs portes fermées –, alors que ceux-ci sont finalement survenus bien plus tard dans la soirée?En dehors de la frustration qu’elle a générée chez certains aficionados, cette situation nous rappelle un point crucial: malgré des modèles performants, il reste extrêmement difficile d’établir des prévisions précises lorsqu’il est question d’évènements par nature chaotiques, comme les orages. Les explications de Mehdi Mattou, prévisionniste à MétéoSuisse.Lire aussi: Les pluies torrentielles se multiplient dans une Suisse qui se réchauffe **Le Temps: Pourquoi certains phénomènes météorologiques sont-ils plus compliqués à prévoir que d’autres?** **Mehdi Mattou:** Pour des raisons physiques, les phénomènes les plus difficiles à prédire sont ceux liés à ce que l’on appelle la convection, lorsque l’air chaud s’élève dans l’atmosphère à travers des couches plus froides et génère de l’instabilité. Parmi eux, les orages sont les évènements les plus complexes à modéliser, car ils surgissent à des échelles locales avec une variabilité d’une dizaine de mètres. Cela exige un très haut niveau de précision dans le temps et l’espace, impossible à obtenir avec les outils technologiques actuels qui ne peuvent calculer des phénomènes en dessous du kilomètre de résolution. Il faut aussi savoir qu’un nuage qui passe au mauvais endroit, un obscurcissement passager du soleil ou une poche d’air chaud voyageant de manière un peu différente de ce qui était prévu peuvent complètement rebattre les cartes en termes de modélisation. C’est la raison pour laquelle, dans ce genre de situation, nos prévisions concernent de larges régions, même si nous essayons d’être le plus précis possible en termes de zones géographiques et de temporalité. **Comment définissez-vous le niveau d’alerte?** Nous émettons des alertes dès qu’un risque s’avère suffisamment important pour que des mesures soient prises. Dans ce cas-là, nous communiquons avec les autorités et le grand public en donnant des recommandations qui ne sont pas contraignantes. Il faut aussi préciser que, dans le cas des orages, nous lançons des alertes et des pré-alertes. Les premières sont empreintes d’une incertitude relativement faible et sont généralement émises à court terme, entre trente minutes et deux heures à l’avance. Les pré-alertes, quant à elles, ont une probabilité d’occurrence entre 40 et 70% et peuvent être publiées entre six et quarante-huit heures à l’avance. Tant que le risque est encore là, nous ne levons pas l’alerte mais réalisons un suivi en continu afin de faire, si nécessaire, des ajustements. Lire aussi: Printemps pourri: une goutte de pluie dans un océan de réchauffement **En consultant l’application de MétéoSuisse, et en particulier les animations satellites, on a tendance à oublier que les modèles présentés comportent une part d’incertitude…** En effet, c’est la raison pour laquelle nous travaillons à inclure des notions probabilistes dans ces animations, même si cela peut s’avérer complexe sur un plan technique, compte tenu de la multiplicité des scénarios possibles à un moment donné, en particulier dans les situations orageuses. Il suffit de suivre l’animation au fil de la journée pour se rendre compte qu’à chaque fois que l’on fait tourner le modèle, la situation évolue, parfois même beaucoup. C’est la raison pour laquelle nous établissons également un bulletin écrit qui est généralement beaucoup plus nuancé. Mais aussi que nous nous tenons à disposition des personnes ayant besoin de réponses très concrètes, comme les agriculteurs. **Sur place:** [Frappé par la crue du Rhône, le village de Chippis panse ses plaies](https://www.letemps.ch/suisse/valais/frappe-par-la-crue-du-rhone-le-village-de-chippis-panse-ses-plaies)