Maroc - LE TEMPS - Tous - 08/Jul 15:41

Contrainte policière, une méfiance légitime

COMMENTAIRE. Genève est le seul canton à avoir opté pour une «police des polices» placée sous les ordres du procureur général. Une structure d’autant plus nécessaire à la lumière du malaise suscité par l’affaire Mike Ben PeterLa mort de Mike Ben Peter, c’est donc la faute à pas de chance ou la sienne, mais certainement pas celle des policiers. C’est en substance ce que dit le jugement de la cour d’appel vaudoise. Ce dossier prendra évidemment le chemin du Tribunal fédéral. Mais quel qu’en soit le fin mot, ce drame a déjà jeté le trouble sur la détermination des autorités à empoigner un tel dossier. Certes, le procès de deuxième instance aura eu le mérite de sauver à tout le moins les apparences. En prêtant une écoute plus attentive aux arguments de la partie plaignante, en ajoutant une accusation d’abus d’autorité et en «cuisinant» un minimum les prévenus, les juges ont redonné du sens à l’audience et montré que tout n’était pas forcément joué d’avance. De quoi restaurer (un peu) une confiance mise à mal par le déroulement très singulier de cette procédure. Lire aussi: Les six policiers lausannois de l’affaire Mike Ben Peter sont encore acquittés en appel Ce sursaut était d’autant plus nécessaire que l’affaire contient tous les ingrédients dénoncés régulièrement lorsqu’il s’agit d’évoquer l’usage excessif de la force, voire les discriminations. On sait depuis longtemps que les interventions dans le domaine du deal de rue sont sujettes à des débordements. Les policiers sont confrontés à un travail ingrat et à des suspects, souvent étrangers et sans papiers, qui leur paraissent peu «dommages» et peu enclins à se plaindre. ### Une pâle copie Genève, terrain de dérapages en série et d’omerta corporatiste, avait pris la mesure du problème en proposant la création d’une police des polices romande. Sans succès. C’est donc tout seul que le canton a créé, en 2007, l’Inspection générale des services (IGS). Cette unité, dont les membres sont placés sous les ordres du procureur général, est encore unique en son genre en Suisse (son existence a été saluée par le Comité contre la torture des Nations unies dans son dernier rapport, avec un bémol sur son rattachement administratif). Une quinzaine d’inspecteurs tournent à plein régime pour traiter les plaintes, mais aussi pour mettre leur nez là où ça ne sent pas bon. Sorte d’organe de contrôle qui peut s’autosaisir et déployer tous les moyens d’investigation nécessaires, son travail est craint et souvent détesté des policiers. Ce qui est assurément bon signe. Vaud a certes lancé il y a quelque temps une pâle copie avec un dispositif (baptisé Dispo) permettant de détacher des policiers auprès du parquet, le temps d’une enquête sensible. C’est sans doute mieux que rien, mais c’est encore loin d’un mécanisme indépendant et efficace. Sans oublier le facteur essentiel de toute procédure qui se respecte: un procureur n’ayant pas peur de se faire des ennemis. Ni d’être désavoué par les juges.