Maroc - LE TEMPS - Tous - 20/Aug 15:41

Au JVAL Openair, Gwendoline chante la France qui perd

Nouveau phénomène de la scène rock hexagonale, le duo breton est ce jeudi la tête d’affiche du festival de Begnins, près de Nyon. Ces deux antihéros posent un regard clinique et désabusé sur la société«La fin du monde a commencé au moment où je suis né»: la phrase est claire, définitive, typique de l’univers de Gwendoline. Extraite de leur premier album, Après c’est gobelet, elle exprime l’abattement d’une jeunesse sans boussole qui manie l’humour avec nonchalance. Avant de s’appeler Gwendoline, Pierre Barrett et Mickaël Olivette jouaient dans un groupe qui s’intitulait «Constance», un prénom bien sous tous rapports. A l’évidence, le duo aime colorer en bleu marine ses humeurs les plus noires.Quelque dix ans plus tard, les deux post-ados sont devenus une des sensations de la nouvelle scène musicale française. Pourtant, leur univers n’a rien de pop ou de clinquant: minimal, il tourne autour de quelques accords pauvres sur des synthés bon marché. Un fond sonore répétitif et glaçant sur lequel rebondissent diatribes et slogans. On est loin du tube de l’été. Gwendoline s’inscrit dans une tendance boostée par le blues né de la pandémie, celle d’un renouveau du rock dépressif incarné par des groupes comme Noir Boy George, Bruit Noir ou Ventre De Biche. A cela s’ajoute une écoute intensive de groupes punks et de classiques comme Nirvana et Radiohead, pas forcément les artistes les plus solaires. Comme souvent dans le rock, un morceau naît d’un accord musical, d’une ligne de synthé dans le cas de Gwendoline. Pierre Barrett précise: «On compose une boucle musicale que l’on fait tourner. Puis, on se balance des phrases. Une va ressortir et à partir de là, on essaie de tisser quelque chose. L’idée est de mettre les gens face à des miroirs, de montrer des folles absurdités, des schémas dans lesquels chacun peut se retrouver. Cela nous fait souvent assez rire.» ### Porte-parole malgré eux Société de consommation, nucléaire, extrémisme politique, écologie, capitalisme, paradis fiscal, tourisme sauvage, toutes les thématiques inspirent le duo qui travaille en ping-pong lors de la conception des textes. Pas question pour eux de pondre des textes littéraires. Gwendoline privilégie la rapidité, l’urgence de l’oralité. «Il faut que ça crache, que ça sonne, comme des phrases qu’on lancerait dans un bar. C’est pour cette raison qu’on garde des interjections, des tics du langage parlé.» Leurs mots sont crus, simples, nus comme ceux que manipulent les rappeurs. D’ailleurs, le succès de Gwendoline s’inscrit dans celui du parler chanté pratiqué par de nombreux artistes proches ou issus de la scène hip-hop francophone, d’Odezenne à Orelsan. Cette reconnaissance, qui a accompagné la sortie de l’album _Après c’est gobelet_, a pris de court le duo qui s’est vu parachuté porte-parole d’une jeunesse provinciale sinistrée, courtisée par les extrêmes tant celle de gauche que celle de droite. Mais les messages militants n’intéressent que peu Gwendoline que cette année 2024 très politique laisse perplexe. «En France, la situation actuelle est très particulière. Elle nous inspire un certain dégoût même si on a signé des pétitions pour soutenir le Front populaire. On y croyait quand même un peu, à l’émergence d’un premier ministre de gauche. Mais, c’est mal barré!» Lire aussi: Odezenne: «La musique est plus qu’un simple cadre que l’on met dans sa chambre pour faire joli» ### Portraits au vitriol L’actualité du duo est marquée par la scène et les nombreux festivals qui l’accueillent depuis la sortie de son nouvel album _C’est à moi ça_. Gwendoline y prend du recul. Aujourd’hui, les deux Bretons sont attendus au contour et, d’ailleurs, le duo s’est vu contraint de faire plusieurs sessions d’enregistrement avant de se libérer de la pression du fameux deuxième album. «Nous y parlons beaucoup de possession matérielle et moins de nous directement. Il faut dire que durant la période qui sépare les deux albums, les choses ont changé pour nous. Auparavant, on était en galère. Aujourd’hui, nous sommes des musiciens, avec chacun notre petit appartement.» Dans _C’est à moi ça_, Gwendoline entre dans la peau de personnages pour une galerie de portraits au vitriol. L’album est très froid, voire grinçant. Le duo pense revenir à quelque chose de plus personnel pour sa prochaine sortie discographique. Pour l’heure, pas de thématique en vue. Et certainement pas les Jeux olympiques. «A moins que l’on parle du retour de bâton, de tout ce qui a été laissé en suspens. La gueule de bois après la fête, ça pourrait nous inspirer!» * * * _JVAL Openair, du 22 au 24 août à Begnins, près de Nyon. Avec notamment Gwendoline, Buvette, Peter Kernel et Crème solaire._