Maroc - LE TEMPS - Tous - 12/Sep 17:23

En mémoire des détenus maudits de Pavon

Personne ne peut sérieusement soutenir aujourd’hui que la justice genevoise aurait mieux fait de fermer les yeux sur des crimes gravissimes commis au Guatemala. Cet effort de vérité ne peut être que saluéDrôle d’exercice tout de même que ce quatrième procès, tout juste dix ans après les vrais débats de première instance, avec un Erwin Sperisen usé, qui a déjà purgé la quasi-totalité de sa peine et qui se mure toujours dans le silence face à de nouveaux juges de l’appel dont le regard est déjà balisé par les décisions précédentes. Cette situation surréaliste, on la doit à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme qui a ressuscité cette déjà trop longue procédure en attribuant une apparence de partialité à une présidente désormais récusée.Ce énième épisode ne pouvait toutefois pas bouleverser grand-chose, car il ne suffisait pas à la défense de s’agiter et de clouer au pilori tous les acteurs de ce dossier pour faire basculer une conviction déjà maintes fois exprimée. Erwin Sperisen reste donc coupable, et si le doute a pris une intensité variable sur certains points entre les différents jugements, l’essentiel demeure intact. L’ancien chef de la police savait ce qui se tramait sous les balles d’un commando formé de ses proches conseillers, et il a couvert de son autorité les assassinats de sept détenus de la prison de Pavon. C’est ce qui transpire par tous les pores de ce dossier et qui résiste – pour le moment du moins et sous réserve d’une surprise venant du Tribunal fédéral – à la guerre procédurale, aux campagnes médiatiques et aux pressions diverses et variées.Lire aussi: A Genève, Erwin Sperisen est encore et toujours condamné ### Une enquête nécessaire La décision du jour confirme que le parquet a bien fait de ne pas détourner son regard de la pire des violences, celle exercée par des agents du pouvoir. D’ailleurs, un acquittement n’aurait nullement remis en cause la légitimité de cette instruction. Certes, les arguments éculés, critiquant les travers d’une justice trop volontariste et trop coûteuse, trouveront toujours des oreilles attentives. Notamment chez ceux qui pensent que nos autorités de poursuite pénale feraient mieux de limiter leurs efforts aux dealers ou aux cambrioleurs locaux et renoncer aux enquêtes délicates dont les résultats sont forcément plus aléatoires. Mais qui pourrait sérieusement soutenir aujourd’hui – vu l’arsenal pénal voulu par le législateur fédéral – qu’il vaut mieux renoncer à enquêter sur la corruption internationale, le blanchiment d’argent, le crime organisé et ses ramifications, la traite d’êtres humains ou encore les seigneurs de guerre et autres tortionnaires trouvant refuge chez nous? Personne. Ainsi, le sang versé au lointain Guatemala, même si ce sang était celui de criminels endurcis, méritait assurément que la justice genevoise s’y intéresse. Aujourd’hui comme hier, cet effort de vérité ne peut être que salué. Lire enfin: L’affaire Erwin Sperisen, ou l’art de faire le procès de la justice genevoise