Maroc - HEIDI.HIDORA.COM - A La Une - 01/Nov 11:32

Qui a peur du «visage Ozempic»?

La question qu’on me pose le plus souvent depuis que j’ai entrepris cette enquête sur les analogues du GLP-1 est celle de leurs effets secondaires. Simples nausées ou visage vieilli? Risques de cancer ou de suicide? Ces médicaments, comme le Viagra, ont le don d’animer les dîners en ville. A l’inverse, médecins, chercheurs et industriels de la pharma insistent sur des effets positifs imprévus sur le cœur, le foie, le cerveau… Qui croire? C’est la question à 100 milliards de dollars qui se pose aux assureurs maladie. Il suffit qu’un phénomène apparaisse pour que les Américains le résument dans une expression percutante. Un matin de janvier 2023, Paul Jarrod Frank, dermatologue star de l’Upper East Side newyorkais, en a trouvé une qui s’est répandue jusque dans les magazines scientifiques: l’ «Ozempic Face» ou «visage Ozempic».Lâchée pendant le Today Show de NBC, la plus ancienne matinale de la télé américaine suivie par cinq millions de téléspectateurs, l’expression a immédiatement été adoptée par les machines à clics des réseaux sociaux. D’autant plus qu’elle inquiète. En substance, Ozempic creuse les rides du visage de certains patients et leur donne un coup de vieux. Tik Tok lui a trouvé rapidement un équivalent pour le postérieur, l’«Ozempic butt» un relâchement de la peau aboutissant à des fesses flasques. Maigrir c’est vieillir Dans son cabinet de Vevey, la Dre Dominique Durrer, spécialiste de l’obésité et présidente du réseau européen Eurobesitas, s’agace quand je lui pose la question de la réalité de ce phénomène. «Il n’y a pas la moindre étude scientifique qui établisse un lien entre ce visage Ozempic et les analogues du GLP-1. Ce que l’on savait déjà avec la chirurgie bariatrique (opération de l’estomac ou de l’intestin, ndlr.), c’est que si vous perdez du poids très rapidement, disons 40 kilos en quelques mois, vous allez prendre 10 ans.»«Le visage Ozempic n’est pas lié à la molécule, mais à la perte rapide de poids», confirme le Pr Zoltan Pataky, responsable de la consultation obésité aux Hôpitaux universitaires de Genève et vice-président de l’Association suisse pour l’étude du métabolisme et de l’obésité. Il ajoute: «C’est comme pour les calculs biliaires. Quelqu’un qui maigrit rapidement libère des acides gras dans sa circulation. Ces derniers risquent de se précipiter pour former ces calculs qui nécessiteront éventuellement une chirurgie, mais ce n’est pas propre aux analogues de GLP-1.» Le professeur Zoltan Pataky | HUG Dans le passage du Today Show sur le «visage Ozempic», Paul Jarrod Frank se gardait lui-même d’être trop définitif sur l’origine du visage Ozempic. Il relevait lui aussi le parallèle avec la chirurgie bariatrique. Mais dans son cabinet qu’il dit avoir conçu «comme une boutique Chanel», le dermatologue offrait déjà une solution: des injections de produits de comblement pour repulper le visage… La créativité des Américains pour les expressions choc n’a d’égale que leur sens du business. Le cas des pancréatites Reste que les analogues du GLP-1 ont bien des effets secondaires indésirables. Comme tous les médicaments. La plupart sont listés dans les recommandations cliniques et les contre-indications qui accompagnent l’emballage des stylos injecteurs de Wegovy ou de Zepbound, les formulations des molécules pour l’obésité de Novo Nordisk et Eli Lilly. Certains ont de quoi faire frémir, comme les pancréatites, une inflammation du pancréas qui, si elle est aiguë, peut être mortelle. Ces notices évoquent aussi les cancers de la thyroïde et le suicide.Casquette jaune portant le grand M de l’Université du Michigan où il est professeur et directeur du centre de recherche sur l’obésité et la nutrition, Randy Seeley me rappelle qu’il a été consultant pour Novo comme Lilly, les deux principaux fabricants d’analogues du GLP-1. Puis il se lance: «Le débat sur les pancréatites a été lancé il y a une dizaine d’années par Peter Butler, un diabétologue de l’Université de Californie à Los Angeles à propos des premiers analogues de GLP-1 utilisés contre le diabète. Mais son étude s’est finalement révélée peu probante, car les pancréatites sont de toute manière courantes chez les diabétiques. D’autres études spécifiques ont ensuite montré qu’il n’y a pas de différence significative entre les personnes traitées et celles qui prennent un placebo.» Randy Seeley | University of Michigan A Montpellier où il est professeur à la faculté de médecine de l’Université et membre du comité scientifique en charge d’analyser les analogues du GLP-1 au sein de l’agence française de sécurité des médicaments (ANMS), Jean-Luc Faillie ajoute: «On sait que les analogues de GLP-1 sont associés à une augmentation des taux de certaines enzymes pancréatiques. Mais les données des essais cliniques et des études épidémiologiques n'ont pas apporté la preuve d'un sur-risque de pancréatite.» Vous souhaitez lire cet article (il en reste la moitié) mais vous n’êtes pas abonné? Deux solutions: Tout premier abo comprend un mois d’essai gratuit, que vous pouvez interrompre à tout moment (même si nous serions enchantés que vous restiez!). Si vous connaissez un abonné, cette personne peut vous offrir gratuitement nos articles, grâce à l’icône «cadeau» qui figure en haut, près de la signature. Question réglée? Pas tout à fait. «On observe plus de cas de pancréatites rapportés dans les bases de pharmacovigilance avec les analogues de GLP-1 qu'avec les autres antidiabétiques. Le risque me semble réel mais il est probablement très rare», poursuit Jean-Luc Faillie. Dans les recommandations cliniques officielles, les pancréatites aiguës sont mentionnées comme effets indésirables «peu fréquents», c’est-à-dire qu’ils surviennent chez moins de 1 patient sur 1000. Du coup sur le terrain, Zoltan Pataky explique : «On ne va tout simplement pas donner un GLP-1 à un patient qui a des antécédents de pancréatites.» La souris, ce n’est pas l’homme Voir plus