Maroc - LE TEMPS - Tous - 17/Sep 03:30

Quand l’Allemagne sacrifie la libre circulation

ÉDITORIAL. Après les triomphes électoraux de l’extrême droite, l’Allemagne rétablit les contrôles aux frontières. Au risque de rendre impossible un retour en arrièreIl y a peu, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, se voyait obligée de rappeler que les migrants – ces gens qui cherchent à regagner une vie qui leur a souvent été volée – sont des êtres humains, «comme vous et moi». Visiblement, le message mérite d’être répété, à la suite de la décision allemande entrée en vigueur lundi.Un retour en arrière sera-t-il possible? En décidant de verrouiller ses frontières, sans aucune concertation préalable avec ses voisins, l’Allemagne pourrait avoir donné un coup très dur à la libre circulation au sein de l’espace Schengen. L’invocation de «menaces sur la sécurité» pour barrer la route des migrants servira aisément de précédent aux nombreux Etats européens qui – soit pour contrer l’extrême droite, soit parce qu’ils se sont déjà jetés dans ses bras – ne demandent qu’à suivre la même pente.Lire aussi: L’Allemagne reprend la main sur ses frontières ### L’arme ultime La libre circulation n’est pas la seule richesse que les Etats semblent désormais prêts à abandonner face aux discours de fermeture triomphants. L’Italie de Giorgia Meloni multiplie les accords avec des pays non démocratiques pour verrouiller, elle aussi, les frontières mais à distance. L’Italienne vient de recueillir l’admiration du travailliste britannique Keir Starmer, dont le pays pratique la même politique dans la Manche face à la France (46 noyés depuis le début de l’année). Des Pays-Bas, où le gouvernement mange dans la main du parti extrémiste de Geert Wilders, au Danemark, qui a transformé l’asile en un champ empli de mines, les Etats européens finissent de se barricader isolément, en jetant ensemble leurs principes aux orties. Bien plus. Les migrants sont devenus l’arme de choix pour tous ceux qui comptent tirer profit du caractère explosif du débat. C’est un Viktor Orban qui veut inonder Bruxelles de bus hongrois emplis de requérants; c’est la même Giorgia Meloni qui envoie les migrants dans les ports du nord de l’Italie afin de mieux embarrasser ses opposants politiques; ce sont les rivaux marocain et algérien qui cherchent, chacun de leur côté, à faire fléchir l’Europe en menaçant d’ouvrir grand leurs propres grilles. Partout ou presque, ces êtres humains «comme vous et moi» sont devenus la menace ultime. L’équivalent d’une substance toxique. Lire aussi: En Espagne, l’immigration illégale passe aussi par la «route algérienne»