Maroc - LE TEMPS - Tous - 03/May 16:28

Une nouvelle chance pour l’Eglise

ÉDITORIAL. Dans un livre d’entretiens avec la journaliste du «Temps» Camille Krafft, l’évêque de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Morerod, ausculte le séisme des abus sexuels qui a frappé l’Eglise, et la manière dont lui-même a évolué sur la questionDans le jargon brutal de l’entreprise, on dirait que Monseigneur Morerod est une erreur de casting. Le prélat fribourgeois est un homme de philosophie et de pédagogie, peu à l’aise avec les ors du pouvoir et encore moins avec la hauteur que ce dernier impose. Lire aussi: Abus sexuels, le chemin de croix de l’évêque Charles Morerod Quand Rome le nomme évêque, il fait la moue, il serait bien resté à ses cours, dans un institut universitaire d’études ecclésiastiques. Là où beaucoup de gradés racontent la même histoire, chez lui, elle sonne juste. Et quand le dominicain est confronté dans sa fonction épiscopale aux premiers cas d’abus, il fait comme ses prédécesseurs, de la gestion. Mais classer les affaires prescrites ne règle pas grand-chose. Il s’en aperçoit, évolue, multiplie les échanges, écoute les histoires d’antan et celles d’aujourd’hui, à hauteur d’yeux, prend la mesure des souffrances des uns, du déni des autres, des stratégies humaines, et évolue encore, mois après mois. Lire aussi: Marie-Jo Aeby: «Le combat contre les violences sexuelles dans l’Eglise n’est pas terminé, mais il évolue» Oui, les abus sont finalement bien une composante systémique de l’Eglise. Oui, le piédestal sur lequel ont vécu les prêtres a favorisé les abus et l’omerta. Oui, la contrainte du célibat a servi de refuge à des hommes qui voulaient cacher leur sexualité, attirés par les enfants par exemple. Et oui, les hiérarchies n’ont pas été à la hauteur. ### Le pouvoir comme coupable Beaucoup en veulent aujourd’hui à Mgr Morerod, coupable pour les uns d’avoir trop tardé, et pour les autres d’en avoir trop fait, d’avoir tenu inventaire. Son Excellence aurait dû, d’abord et surtout, défendre l’institution, car c’est à cela que doit servir sa fonction par temps agité. Il n’y parvient guère. Est-il pour autant un mauvais évêque? Lire aussi: Un nouveau scandale autour d’abus sexuels éclabousse les évêques suisses Le Fribourgeois estime que c’est en expliquant dans un livre sa réalité, celle d’un homme qui aime surtout les salles d’études mais qui passe désormais une grande partie de son temps à s’occuper d’abus sexuels, à chercher des pistes constructives pour la suite, qu’il remplira au mieux sa mission. Pourtant à mille lieues du tribun ou du révolutionnaire, loyal et toujours convaincu par le mystère de la foi, il ordonne ses réflexions comme sur un divan, il décrypte les dérives et les difficultés d’y répondre, doute, s’interroge, cherche de l’aide. Pour parler, il a abandonné l’anneau, la crosse et la mitre, parce que ces insignes épiscopaux sont ceux du pouvoir. Et que c’est bel et bien le pouvoir qu’il pointe comme principal vecteur de la plupart des abus constatés, ici et ailleurs. Lire aussi: Mgr Charles Morerod: «Même s’il y a une sanction de la justice, le prêtre n’est pas forcément suspendu» ### Monseigneur est un homme Les entretiens qu’il a accordés à notre journaliste sonnent comme une prise de conscience progressive, authentique. Bien loin du vocabulaire de tribunal ou des éléments de langage de la communication professionnelle. Monseigneur est un homme. En s’assumant comme tel dans ces circonstances, on veut croire que Charles Morerod redonne sa chance à l’Eglise.