X

Vous n'êtes pas connecté

Maroc Maroc - HEIDI.HIDORA.COM - A La Une - 23/Apr 20:00

Israël-Palestine: Mehra Rimer, la paix dans le viseur

Mehra Rimer est cofondatrice et directrice de B8 of Hope, une association basée à Genève qui soutient des dizaines d’organisations israéliennes et palestiniennes locales promouvant une paix durable. Malgré la violence et l’horreur des derniers mois, elle reste concentrée sur sa cible: ne pas céder à la haine et travailler à construire un futur, aussi improbable soit-il. Portrait.Mehra Rimer a 11 ans lorsqu’elle apprend l’exécution de son père à la radio, dans la voiture sur le chemin de l’école. Celui-ci était général dans l’armée du dernier Shah d’Iran, renversé par l’Ayatollah Khomeini durant l’hiver 1978-1979. Quelques mois plus tôt, ses parents l’avaient envoyée chez des amis en France, afin de la protéger des affres de l’histoire en marche. «Les communications étaient coupées. Je n’avais aucune nouvelle de ma famille. Il me restait Radio France Internationale. Puis, j’ai vu les photos de son exécution dans Paris Match», raconte-t-elle.Près d’un demi-siècle plus tard, les coupures des moyens de communication à Gaza ravivent ces souvenirs. Tout comme les bombardements, elle qui, du pensionnat de jeunes filles Valmont, à Lausanne où sa mère l’avait placée, s’inquiétait pour sa famille restée au pays lors de la guerre Iran-Irak.### **Sur les traces du père** Mais d’Israël, et de la Palestine, il n’y a pas que la violence qui lui rappelle l’Iran. En 1977, un an avant son départ précipité pour la France, Mehra Rimer accompagne son père à un voyage officiel en Israël. A 10 ans, elle est la seule enfant du voyage. Yaffa, une femme juive d’origine iranienne née en Israël, s’occupe d’elle et des autres femmes de généraux. Pendant une semaine, elles visitent le jeune Etat hébreu. *«Le souvenir de ce pays, et surtout de cette femme, me suit depuis toutes ces années. Il est encore très vif. Peut-être parce que c’était le dernier voyage avec mon père. Mais je me demandais aussi ce qu’était devenue Yaffa. Si je pourrais un jour retrouver les amis israéliens de mon père, aujourd’hui, à l’âge adulte. Et en quoi consistait ce voyage.»* Pendant des années, ces interrogations restent présentes. Elle en parle de temps en temps autour d’elle, mais construit sa vie en parallèle. Elle finit des études de traduction, travaille, se marie à Genève avec David Rimer, un juif d’origine canadienne, diplômé en anthropologie de Stanford, qui a cofondé le géant du capital-risque Index Ventures. Ils auront deux enfants. En 2013, un ami envoie à Mehra un article d’*Haaretz*, le grand journal de la gauche israélienne. C’est une interview d’un général israélien à la retraite, dans laquelle est mentionnée la fameuse visite officielle du régime iranien en 1977. Son père y est mentionné. *«Avec mon mari, on trouve le numéro de ce militaire et on l’appelle. On passe deux heures au téléphone. Il veut tout savoir. Comment j’ai atterri en Suisse. Comment j’ai appris la mort de mon père. Que s’est-il passé dans ma vie ? Tout. Puis il me demande quand est-ce qu’on vient lui rendre visite.»* ### **Un voyage initiatique** Deux ans plus tard, Mehra Rimer achète des billets d’avion et s’envole pour Israël, accompagnée de son mari et de leurs enfants. *«Yaffa vient me chercher le premier soir à l'hôtel. J'aurais pu la reconnaître dans la rue. On se saute dans les bras et je fonds en larmes. Je ne sais toujours pas vraiment pourquoi je pleurais. Elle non plus. Yaffa me dit que pour elle aussi, notre première rencontre avait été spéciale. Que j’étais extrêmement timide à l’époque et que mon père était content que je me sois un peu ouverte»*, sourit Mehra Rimer. *«D’un seul coup, je me suis trouvé une famille israélienne.»*\ \ Pendant le reste du voyage, Mehra et sa famille, avec un ami d’enfance de son mari, se rendent en Cisjordanie pour voir le «Mandela palestinien»: Ali Abu Awwad, un ancien du Fatah passé par les geôles israéliennes, qui cofondera en 2016 le mouvement de résistance palestinien non violent Taghyeer (Changement). Ali Abu Awwad reçoit ses visiteurs sous une tente, au milieu d’un terrain agricole, et leur raconte son parcours. La prison, l'apprentissage de l’hébreu et de l’anglais, sa découverte de la littérature palestinienne, de Martin Luther King, de Gandhi. En 1993, alors qu’il croupit dans une prison israélienne pour avoir participé à la première Intifada, il entame une grève de la faim coordonnée avec sa mère, détenue dans une autre prison, pour obtenir l’autorisation de se voir. Au bout de 17 jours, contre toute attente, il obtient gain de cause. *« Il n’en revenait pas!»*, rapporte Mehra. *«J’étais totalement fascinée par l’histoire d’Ali. Son frère a été assassiné à bout portant par un soldat israélien. Il n’avait pas une once de haine en lui. Comment trouve-t-il la force?»* ### **La fondation de B8 of Hope** De retour à Genève, le quotidien reprend ses droits. Mais Mehra Rimer retourne en Israël et en Cisjordanie dès qu’elle en a l’occasion. Un jour, elle décide d’inviter Ali Abu Awwad en Suisse, avec les innombrables démarches administratives que cela signifie, et de le présenter à ses amis autour d’un repas. *«J’ai énormément d’amis juifs et arabes à Genève. Tout le monde s’entend très bien mais on ne parle jamais de politique»*, dit-elle. La proposition suscite un grand enthousiasme: chaque convive invite à son tour 20 autres personnes. Le repas est devenu une conférence: 700 personnes se pressent pour écouter Ali Abu Awwad. Fort de ce succès, Mehra Rimer et sept de ses amis fondent l’association B8 of Hope. B8 se prononce *«beit»* en anglais, qui signifie maison en arabe et en hébreu. L’objectif ? Soutenir les initiatives qui favorisent le dialogue et la construction de ponts entre les peuples israélien et palestinien. Depuis 2016, l’association basée à Genève soutient une vingtaine d’organisations issues de la société civile, des deux côtés du mur de séparation. L’une d’entre elles, Road to Recovery, met en lien des bénévoles israéliens qui conduisent des Palestiniens malades, d’un des nombreux checkpoints de la frontière de la Cisjordanie jusqu’à un hôpital israélien. Une nécessité pour les nombreux patients palestiniens qui n’ont tout simplement pas le droit de conduire de l’autre côté du mur. ### **L’histoire de Dan** *«La magie, c’est la conversation qui se passe dans la voiture»*, commente Mehra Rimer. Elle relate l’histoire de Dan, un chauffeur israélien bénévole de Road to Recovery qui, pendant des années, a transporté Adam, un jeune patient palestinien et sa mère Suzanne, entre Hébron et Israël. Malheureusement, le petit est décédé. *«Cet automne, tout à coup, Dan m’appelle et me dit : “Regarde qui est dans la voiture !”»*, poursuit Mehra. *«Il était avec Suzanne et sa maman. Comme elle avait encore un permis valable pour aller en Israël, il est allé les chercher pour les amener, le temps d’une journée, au bord de la mer.»* Road to Recovery a été lourdement touché par l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier. *«Il y a eu de nombreux morts parmi leurs conducteurs»*, explique Mehra Rimer. Aussi, plus aucun malade ne peut sortir de Gaza. *«Alors ils redoublent d’énergie en Cisjordanie où la situation économique est totalement catastrophique. On envoie désormais des médicaments, car la population manque de tout»*, rapporte-t-elle. Des fonds sont aussi envoyés à Gaza, où des activistes organisent des soupes populaires. ### **Contre vents et marées** Mais B8 of Hope ne délaisse pas pour autant son objectif initial : promouvoir une paix durable. Pour cela, Mehra Rimer a accueilli en mars dernier 35 Palestiniens et autant d’Israéliens issus de la société civile, en collaboration avec Principles for Peace. Cette fondation genevoise rassemble des militants mais aussi des personnes issues du monde académique, des affaires ou de la politique, afin d’échafauder les principes communs à la base d’un hypothétique futur traité de paix. B8 of Hope a également accueilli à Genève une délégation de Zimam («Les Rênes» en arabe), un mouvement de jeunesse qui travaille avec les leaders de demain dans le but de construire une société plus démocratique et pluraliste. Miser sur la prochaine génération en formant de nouvelles élites, c’est l’engagement de B8 of Hope. Au début de l’année, l’association a également accueilli une dizaine de jeunes du programme New Stories Leadership. *«Ils sélectionnent des jeunes Israéliens et des jeunes Palestiniens, triés sur le volet, et les amènent pendant deux mois à Washington»*, dit-elle. Ils sont placés par deux, le temps du stage, dans des bureaux de sénateurs, de membres du Congrès, de think tanks… Là, ils y apprennent à écrire un discours, à organiser l’emploi du temps d’un sénateur. Tous les soirs, les jeunes se rassemblent pour élaborer le message qu’ils aimeraient envoyer à *«ces Américains qui font la pluie et le beau temps au Proche-Orient»*, commente Mehra. *«L’idée c’est: “écoutez la voix des jeunes, ils sont l’élite de demain”.»* Le dernier jour, le groupe de jeunes est invité à présenter son plan devant Congrès, au Capitole. ### **Si seulement** Dès le lendemain de l’attaque du Hamas, une dizaine d’anciens étudiants de News Story Leadership ont commencé à travailler ensemble sur le thème du «jour d’après». Au bout de deux mois de travail en ligne éparpillés à travers le monde, ils voulaient se retrouver physiquement. Certains en Europe, d’autres aux Etats-Unis, en Israël ou encore en Cisjordanie: il fallait un endroit neutre. Alors Mehra Rimer les a invités à Genève, chez des amis, et a mis les bureaux de B8 of Hope à leur disposition pendant une semaine. *«C’était fou,* commente l’intéressée. *Un jeune, originaire de Gaza mais qui étudie en Belgique, communiquait par Facetime avec sa famille lors des pauses. Quand tu vois des jeunes qui ont le courage d’être là, assis à une même table à réfléchir au futur alors que leurs parents sont à Rafah sous une tente ou que leur ami a été assassiné pendant le festival, ça donne espoir.»* Cet espoir justement, qui continue d’animer Mehra Rimer dans chacune des initiatives qu’elle soutient à travers B8 of Hope, comment fait-elle pour l’entretenir? *«Il y a tellement d’activistes pour la paix qui sont incroyables. Ils sont doués, forts et courageux. Je sais qu’ils existent. Si seulement deux d’entre eux pouvaient être président et premier ministre…»*

Articles similaires

Le CERN, «un pilier de la Genève internationale»

le temps - 08:00

L’institution scientifique, créée en 1954, attire des scientifiques du monde entier. A l'heure où sa directrice générale, Fabiola Gianotti,...

Le Grand Conseil genevois vote une baisse d’impôts pour la classe moyenne

le temps - 19:22

La majorité de droite du Grand Conseil genevois a accepté une baisse d’impôts pour la classe moyenne. De son côté, la gauche craint de futures...

A Genève, le spectre du favoritisme

le temps - 30/Apr 17:56

ÉDITORIAL. Le directeur des Services industriels de Genève a démissionné, déplorant des attaques injustes à son encontre. Mais la confiance...

Sorry! Image not available at this time

La crise des crèches à Genève : un problème prévisible non anticipé

monde-economique.ch - 21/Apr 17:00

La situation actuelle des crèches dans le canton de Genève est le résultat d’une anticipation manquée de l’Etat face à une réalité qui...

Défilé et joutes chevaleresques dans les rues genevoises pour fêter les Vieux Grenadiers

le temps - 10:06

Près de 800 personnes en uniforme et 80 chevaux animeront le centre-ville cet après-midi en l’honneur des 275 ans de la Société des Vieux...

A Genève, le sacre du Grand Théâtre

le temps - 24/Apr 19:10

La maison du bout du lac a présenté mercredi ce qui attend son public à partir de septembre, avec pour fil conducteur le sacrifice. La...

Népotisme et copinage dans les sphères publiques genevoises, faut-il renforcer les directives?

le temps - 23/Apr 17:03

Les récentes affaires de recrutement de proches interrogent sur la nécessité de renforcer ou non le cadre en vigueur à l’Etat de Genève. Le PLR...

Au festival de danse Steps, Cupidon étale sa dépression

le temps - 27/Apr 09:16

La chorégraphe franco-suisse Perrine Valli a lancé jeudi la manifestation avec «Kantik», variations sur Eros à la Comédie de Genève, avant Nyon...

Kostadin, «le chef des mendiants», est sévèrement condamné à Genève

le temps - 02/May 12:33

Les juges ont infligé 7 ans de prison à ce chef de famille bulgare, reconnu coupable de traite d’êtres humains par métier pour avoir exploité...

L’avenir de la guerre à Gaza se joue ce week-end au Caire

heidi.hidora.com - 14:56

Une porte de sortie au conflit pourra-t-elle être ouverte? C'est l'espoir qu'instillent les pourparlers en cours en Egypte entre le Hamas et Israël....

Les derniers communiqués

  • Aucun élément