Maroc - HEIDI.HIDORA.COM - A La Une - 27/Mar 04:57

Chez le meilleur psychiatre de New York

Craignant de sombrer dans une consommation d’amphétamines dite récréative et, par conséquent, illicite, notre journaliste se rend chez un psychiatre huppé de New York. Ce dernier lui prescrit une cascade de drogues dures, c'est-à-dire des médicaments et, ce faisant, lui donne la bénédiction de s’intoxiquer en toute légalité. Ce sixième épisode narre la traversée des rives de l’interdit à celles de la «thérapie».Plus tard, lorsque je terminerai à l’asile et qu’une armée de thérapeuthes supervisera mon dossier, elle s’obstinera à déterminer si mes consommations s’accordent avec la prescription médicale ou si au contraire, elles s’en éloignent. La question de l’automédication resurgira dans toutes mes entrevues car, apprendrais-je, c’est précisément là que se niche l’origine du mal. Celui ou celle qui bouffe des médocs sans supervision médicale ne se soigne aucunement, il se drogue. Or, se droguer, c’est mal. Mauvais, mauvais. Se soigner, en revanche, relève de l’héroïsme. On félicite celui ou celle qui ingère ses petites pilules sans faire d’histoire. On lui dit bravo, nous sommes fiers de tes efforts et de la confiance dont tu fais preuve à notre égard. Derrière la rivière de Crac’h Juste avant de me larguer dans ce pays de primates, mon père m’a demandé de rester alerte. Il m’a dit que lorsqu’il avait mon âge, c’était la guerre que craignaient les gens, que c’était ça, la menace, et que finalement, cette guerre n’était jamais advenue. Ce qui était advenu en revanche, c’était les accidents de voiture. Ça, Malka, tu ne joues pas avec, d’accord? Si le conducteur a bu, tu ne rentres pas dans le véhicule, tu appelles un taxi… ou tu appelles ton père! Oui, même si c’est 5h du matin, tu appelles ton père. Dans le temps, j’appelais mon père. Je l’appelais pour lui raconter que je m’étais perdue dans le garage souterrain d’une boîte de nuit en France voisine et qu’en face de moi, il y avait des types qui n’avaient pas l’air très commodes. Sa première réaction a toujours été d’élucider «où». T’es où? Au sud de l’autoroute blanche ou au nord de Bourg-en-Bresse? Et devant toi, y a quoi? Tribord ou bâbord? Ça me fait de la peine pour mon père. Quand je pense qu’il est né dans une famille d’ostréiculteurs bretons et qu’il a fini compressé à Genève avec trois fils circoncis et une fille qui ne sait toujours pas faire un nœud de chaise. Faut dire que c’est de sa faute, aussi. Personne ne l'a contraint à partir. C’est lui, le petit benjamin de la famille qui a décidé de traverser la rivière de Crac’h (un estuaire très allongé qui débouche sur l'océan Atlantique entre la presqu'île de Quiberon et le golfe du Morbihan) et d’aller conquérir ce monde truffé de trucs compliqués qu’on ne peut pas contrôler. Debout sur ses pattes Dans ma situation actuelle, je ne vois franchement pas ce qu’un Breton pourrait apporter. Je vais lui dire quoi? Allo, papa, je passe mes journées à me shooter avec des pastilles colorées – au début, je prenais un quart, maintenant, il m’en faut deux entières pour me lever et pour les obtenir, ces pastilles, je dois être polie, et même un peu plus que polie, avec mon voisin de palier? Vous souhaitez lire cet article mais vous n’êtes pas abonné? Deux solutions: Tout premier abo comprend un mois d’essai gratuit, que vous pouvez interrompre à tout moment (même si nous serions enchantés que vous restiez!) Cela peut valoir la peine: il reste au moins 8 épisodes de ce récit à être publiés en feuilleton. Si vous connaissez un abonné, cette personne peut vous offrir gratuitement nos articles, grâce à l’icône cadeau qui figure en haut, près de la signature. Pour ceux qui ne s’y sont jamais aventurés, sachez que les amphétamines sont des emprunts au taux d’intérêt élevé. Lorsque vous cessez d’en consommer, votre corps se met en hibernation, votre système digestif ralentit, votre cerveau s'endigue et l’affolement s’installe. Il ne s’agit pas d’une simple gueule de bois. Il n’y a pas de «une bonne nuit de sommeil et demain ça irait mieux». Lorsque vous interrompez une consommation régulière d’amphétamine, vous pouvez dormir 17 heures d’affilée pour vous réveiller encore plus anéantie que la veille. Cet état durerait, d’après ce que j’ai compris, environ dix jours; en somme, comme pour l’héroïne. Dix jours de larve molle avant que le corps reprenne ses forces et remonte à la surface.Voir plus