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Maroc Maroc - LE TEMPS - Tous - Aujourd'hui 10:10

Anne-Sophie Pic réinvestit et réinvente le restaurant du Beau-Rivage Palace

La «meilleure cheffe du monde 2011» rouvre son adresse lausannoise du Beau-Rivage Palace, prétexte à dévoiler une part de son univers et de ses racinesIl y a là quelques-uns de ses parfums fétiches. Les bourgeons de sapin, le mélilot et la reine des prés, l’impératoire et les agrumes, le géranium rosat. Enfermés dans les petites niches du nouveau labo de mixologie. Mais aussi des thés insensés, feuilles et graines de sobacha, oolong et pu’er, des infusions nées d’une eau de tomate et d’un café pink bourbon, des notes de saké et de feuilles de figuier, du safran vaudois et du verjus valaisan. La quintessence de l’identité nouvelle du restaurant d’Anne-Sophie Pic, fraîchement rouvert dans le palace historique d’Ouchy.La cheffe valentinoise y tisse des trames aromatiques autour d’une féra du Léman (feuilles de figuier, épicéa, crème d’amandes fraîches, amazaké), de ses berlingots signatures, réinventés avec un rare chèvre du mont Gibloux (safran du Jorat, lavande et maïs), d’un omble chevalier du lac, fenouil de Bremblens (moutarde, livèche, aneth et café). Et bien d’autres harmonies à venir, nées du processus qu’elle aime à qualifier d’«imprégnation».*Lire aussi: A Megève, Anne-Sophie Pic au pied des pistes ## Huit adresses, 600 collaborateurs Lumière virginale, nouveau décor et nouvelle équipe, vue sublime sur le lac et la table d’hôtes dressée dans le jardin, réseau élargi de fournisseurs locaux, accords avec et sans alcool signés Paz Levinson autour d’une carte aux couleurs très helvétiques. Voilà qui pourrait – qui devrait lui valoir à terme, moyennant quelques subtils réglages – le graal d’une troisième étoile Michelin. Pourtant tout n’a pas été un fleuve tranquille pour l’héritière de la dynastie Pic, aujourd’hui à la tête avec son mari, David Sinapian, d’un groupe de huit adresses et 600 collaborateurs, auréolé de dix étoiles Michelin – de Valence à Hongkong, Dubaï, Londres et Paris. Anne-Sophie Pic est présente depuis 2009 au Beau-Rivage, une date qui marque les débuts de l’expansion mondiale du groupe. Mais il faut remonter à la fin du XIXe siècle pour comprendre la genèse de cette passion gourmande… La saga Pic commence dans un petit village ardéchois avec une femme déjà, Sophie, l’arrière-grand-mère. Cette protestante ardéchoise ouvre avec son époux, Jacques Pic, l’Auberge du Pin, dans le vignoble de Saint-Péray. Là-dessus, avec les congés payés arrive la grande époque de la Nationale 7: la famille s’installe à Valence et le grand-père André y ouvre son restaurant en 1936. Ses plats mythiques, du gratin d’écrevisses à la poularde en vessie, lui vaudront les trois macarons décernés par le guide rouge. ### Rêve de mode Changement de générations, c’est au tour de Jacques, le père d’Anne-Sophie, de reprendre le flambeau dans les années 1950: «Sa route passe déjà par la Suisse. A l’époque, peu d’écoles formaient les jeunes, il fallait tourner dans les restaurants pour apprendre le métier, ce qu’a fait Jacques en passant par Genève et le Buffet Cornavin, alors très réputé. Il aimait beaucoup la région; ses deux cousines s’y sont mariées, à Lausanne et à Genève, d’où le rapport privilégié que la famille entretient depuis cette époque avec la Suisse.» Ce sont donc des souvenirs de fondues au chalet et de ski à Verbier ou à Gstaad, de marches en Gruyère ou au Pays-d’Enhaut, de réunions familiales à Pully qui reviennent aujourd’hui à la créatrice souriante: «D’une certaine manière, le berlingot est né comme un souvenir d’enfance, d’abord pour évoquer ces fondues, puis récemment avec le brebis du mont Gibloux, affiné, plus subtil, adouci par le velouté de maïs et de la lavande du jardin, boosté par le safran du Jorat.» Anne-Sophie rêve d’abord d’être styliste: «A 14 ans, je dessinais mes robes. J’étais une rêveuse, j’avais besoin de créer un univers. Mais je n’étais pas assez douée pour le dessin, je pense, et je n’ai pas osé poursuivre. Attirée par l’artisanat du luxe, j’ai fait mes études de commerce sans idée précise, repoussant ma décision. Cela dit, j’ai toujours su que je n’étais pas une femme de chiffres, je ne suis pas cartésienne.» Lire aussi: Anne-Sophie Pic et les artisans d’une gastronomie saine ## «L’enfer» A la fin de ses études, après des séjours au Japon et aux Etats-Unis, un stage en Champagne chez Moët & Chandon sera le déclencheur. «Un maître de stage extraordinaire, James Guillepain, m’a mise sur la voie. Je suis encore bouleversée par l’influence qu’on peut avoir sur les autres à certains moments, consciente de l’importance de l’exercer avec bienveillance.» Sa voie? Celle du retour à Valence, où Anne-Sophie est décidée à se faire une place. Censé reprendre la maison, son frère est déjà présent et le retour ne se fera pas sans heurts: «J’entre en cuisine pour apprendre et je suis confrontée à une forme de jalousie et de défiance d’une partie de la brigade, parce que je suis une femme, que j’ai fait des études.» A l’heure de lui transmettre son savoir, son père décède brutalement, à 59 ans. Confrontée à cet environnement très masculin, qui n’entend pas partager, elle avouera plus tard que c’était «l’enfer». Suivra un chemin long et tortueux pour s’affirmer, au sein de l’établissement familial et au-dehors. «Durant des années, je ne me suis pas suffisamment préoccupée du sort des femmes, j’étais trop concentrée sur la nécessité d’être acceptée par mes pairs», raconte Anne-Sophie Pic, qui s’est souvent sentie «très seule». Et entend désormais «aider les jeunes cheffes, mais aussi agir pour éveiller les consciences, parler de la complémentarité souhaitable au sein des équipes». En 1995, la table de Valence perd sa troisième étoile. «Nous passons une période à deux en cuisine, avec mon frère, jusqu’en 1998, avec un vrai mal-être. Nous songeons à partir au Japon, avant de finalement reprendre la maison avec David, en 1998.» C’est l’heure de tous les doutes mais aussi de tous les possibles pour cette autodidacte si déterminée sous ses airs de grande douceur. ## Une lente remontée, qui se fait petit à petit Avant d’inventer, «il faut savoir imiter, assimiler un carcan de techniques». De son père, Jacques, elle a reçu un palais et une exigence en héritage, le goût de la cueillette, qu’elle pratique toujours, en Savoie ou en Suisse, celui des asperges sauvages et des champignons, le parfum du géranium rosat et de la lavande, des beurres aromatisés déjà présents – autant de sensations à réactiver pour construire son propre univers. Deux décennies, dix étoiles et un titre de «Meilleure cheffe du monde» plus tard, elle doute toujours, mais n’est-ce pas le lot des natures hypercréatives et sensibles? ###### \* Anne-Sophie Pic: «Imprégnation», Hachette Cuisine, 2023 * * * ## **Profil** **2005** Naissance de Nathan, en passe de suivre peut-être les traces maternelles. **2007** Récupère la 3e étoile Michelin à Valence. **2009** Ouverture de Pic Lausanne et débuts du futur groupe**,** bâti avec David Sinapian, complice de trente ans et président des Grandes Tables. **2011** «Meilleure cheffe du monde» (élue par le jury des 50 Best). **2024** Réouverture le 5 septembre de Pic Lausanne. **Retrouvez** [tous les portraits du Temps](https://www.letemps.ch/dossiers/les-portraits-du-temps)

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