Maroc - LE TEMPS - Tous - 20/Jun 06:29

Épilogue: c'est déjà reparti

Début 2024. Je m’apprête à clore ces six mois de péripéties. Et pourtant, quand je prends des nouvelles de chacune des entreprises, je réalise que pour elles, le grand huit émotionnel, les plans qui changent, les opportunités à saisir, c’est déjà repartiMiloo devait ouvrir une boutique à Genève, afin de s’épargner les trajets, car trop de risques? Les voilà qui s’apprêtent à lancer une enseigne à Berne, où ils ont rencontré un vendeur au profil exceptionnel. Nyon reste aussi à l’étude. Ils avaient réduit leur équipe de moitié suite à une crise de confiance durant l’été? En quelques semaines, six nouvelles personnes ont rejoint l’aventure... dont des profils pointus, issus de la concurrence ! Enfin, leur égérie, Marco Odermatt, n’en finit pas de cumuler les médailles, son parcours cet hiver est tout bonnement exceptionnel : quatorze podiums sur quinze courses. Entre deux entraînements pour la course la plus importante du circuit (Kitzbuehl, en Autriche), il a trouvé le temps de tester l’Adventure Beast, le tout puissant vélo ultra-light de Miloo. Les sourires sur les visages d’Anna et Daniel qui ont fait des heures de train pour rejoindre le champion en disent long...Chez Wepot aussi, 2024 démarre sous de bons auspices. Dans une Allemagne paralysée par des grèves d’agriculteurs, la startup a participé à un gigantesque salon de jardinage à Essen, début janvier. Les prospects allemands étant pour beaucoup absents en raison des perturbations, de potentiels clients belges, norvégiens, américains découvrent leurs ollas. Les perspectives de commandes ont bondi d’un coup. À tel point que Quentin, Clément et Pauline se sont retrouvés devant un moment de vérité. Développer un réseau de franchise? Démarrer une usine à plus grande capacité en Suisse? Ce développement était pourtant programmé pour 2027... Mais le travail avec la HEIG-VD porte ses fruits : Wepot bénéficiera de moules beaucoup plus qualitatifs cette saison. Le temps de séchage de ses ollas devrait se trouver divisé par deux, et ceux-ci comporteront bien moins de défauts à corriger. L’entreprise pourra donc augmenter sa production. Reste à savoir si elle souhaite agrandir son site actuel ou déménager! À nouveau il faut décider, réagir, risquer, faire un pari, sauter dans le vide.> **_…C’est peut-être ça, innover! Discuter en permanence, construire, mais s’adapter ou mourir. Il y a quelque chose de la contrainte, de l’urgence, dans l’entrepreneuriat._** On caricature le monde de l’entreprise avec force PowerPoint, vocabulaire et des tenues très lisses. C’est le monde de LinkedIn. Loin, très loin de ce que j’ai vu ces derniers mois dans ces deux startups romandes. Ici, on innove en silence, comme l’expliquait GENILEM dans un précédent dossier. L’agilité de Miloo et Wepot, à s’adapter aux crises et aux contraintes n’est pas conduite par de longues planification R&D mais la nécessité de survivre à l’année en cours. Elle est aussi nourrie d’abord par des rencontres — des conversations continues avec des prospects, des salarié·es, leurs actionnaires —, leurs envies — améliorer ce qui existe ou porter une entreprise qui transforme son secteur —, et des milliers de tentatives acharnées, pour améliorer la courbe d’un vélo ou la courbe d’une olla.  Je ne vois pas les figures d’entrepreneurs comme des surhumains, qui dorment quatre heures par nuit, capables de tout résoudre et de faire plier le monde à leur volonté. > _**Ils finiront leur mission à minuit, se lèveront à cinq heures s’il le faut, mais tous accordent une valeur inédite aux discussions, aux idées.**_ Anna, Daniel, Quentin, Pauline, Clément n’ont rien de machines, de geeks déconnectés ou de stakhanovistes acharnés. Oui, comme pour toutes les entreprises qui réussissent, ils savent identifier les enjeux, travailler en équipe, convaincre et exécuter rapidement leurs missions. Mais s’il y avait un point commun à ces entrepreneurs charismatiques, ce serait peut-être leur rapport qualitatif aux autres, et donc à leur temps personnel. Oui, ils sont débordés. Oui, ils cherchent à réduire au maximum les tâches répétitives et ingrates. Mais jamais je ne les ai vus refuser un échange, avec moi ou d’autres. Ils finiront leur mission à minuit, se lèveront à cinq heures s’il le faut, mais tous accordent une valeur inédite aux discussions, aux idées. Soif d’apprendre, ouverture d’esprit, donc. Mais peut-être et surtout confiance dans leurs capacités, les rencontres, et la vie. Comme s’ils avaient la certitude qu’au fond, celle-ci leur veut du bien. Cette qualité-là, invisible, me paraît cruciale pour entreprendre. On ne se lance pas dans le vide — même si chaque pari envers le futur est raisonné — sans croire en soi, et à demain. Mais qu’est-ce qui nourrit cette croyance? Dans cet environnement où l’enjeu consiste à résoudre des problèmes toute la journée, des alliés sont en réalité présents tout du long: une avocate, un banquier, une coach qui savent réagir vite, trouver une solution, dénicher un contact ou un rendez-vous pour éviter l’ornière. Un contact qui connaît un contact, qui connaît quelqu’un qui est déjà passé par là. L’innovation, c’est aussi et surtout cela, un écosystème de services rendus, un tissu humain invisible qui comprend, soutient, facilite, qui sait répondre présent quand il faut, et au final participe à aplanir les embûches des bâtisseurs du futur que sont les entrepreneurs. **À suivre...**